vendredi, 12 décembre 2025
Il y a 70 ans : la vague poujadiste bousculait la France des taxes et du centre mou
Source Boulevard Voltaire cliquez ici
Le 2 janvier 1956, les candidats de l'UDCA recueillirent 2,4 millions de suffrages, soit 11,6 % des voix.
que le budget 2026 prévoit un nouveau déficit record dans une France championne des taxes de l'OCDE, le professeur Jean-Richard Sulzer jette un regard sur l'histoire et le ras-le-bol fiscal des commerçants et artisans des années 1950 qui accompagna la poussée d'un homme politique appelé à faire parler de lui : Pierre Poujade. Rien n'a vraiment changé...
Le 23 novembre 1955, les députés renversaient le second gouvernement en moins de dix-huit mois. Comme promis, le Premier ministre sortant Edgar Faure et le président de la République René Coty décidèrent, conjointement, de dissoudre l'Assemblée nationale. La date des élections fut fixée au 2 janvier 1956. La campagne, noyée au milieu des fêtes, fut assez calme.
Un fiscalisme envahissant
Seul objet de curiosité : l'UDCA (Union des commerçants et artisans) de Pierre Poujade présentait des candidats sous l'étiquette UFF (Union et fraternité française). Ce mouvement, créé en 1953, s'opposait physiquement à la venue des contrôleurs du fisc, à Saint-Céré puis dans le Lot, voire un peu partout sur le territoire. Les commerçants et artisans s’insurgeaient contre le fiscalisme croissant, et plus spécifiquement contre les contrôleurs « polyvalents », ainsi dénommés car ils pouvaient à la fois effectuer des redressements sur les bénéfices et le chiffre d’affaires. Mais ces brigades, créées en 1950, restaient à l’état d’épouvantail car elles ne comptaient que 316 fonctionnaires répartis dans 16 gros départements.
C’est l’émergence des grandes surfaces qui mit le feu aux poudres ou, plus précisément, celle d’un magasin d’alimentation à Landerneau : son propriétaire, Édouard Leclerc, achetait directement aux producteurs et pratiquait des prix bas grâce à ce circuit court. Les syndicats de petits commerçants invitèrent alors ces producteurs à ne plus fournir le magasin Leclerc. Mais un décret du 9 août 1953 vint interdire un tel refus de vente, ce qui ouvrait une voie royale à la grande distribution.
La vague poujadiste
Au soir du 2 janvier 1956, les résultats du scrutin attribuèrent 2,4 millions de suffrages, soit 11,6 % des voix, aux candidats de l’UDCA. Les résultats en sièges furent plus modestes, du fait d’un scrutin proportionnel biaisé qui avait d’ailleurs été conçu pour nuire aux gaullistes : 52 sièges sur 590. Il n’y avait pas là de quoi déstabiliser l’institution parlementaire ; d’autant plus que 11 élus poujadistes furent invalidés. Par ailleurs, d’autres députés, et non des moindres, s’éloignèrent du mouvement, tels Jean-Marie Le Pen, Jean-Maurice Demarquet et Jean Dides.
La grande scotomisation
Les caciques de la IVe République purent donc se livrer à leur cuisine parlementaire et investir Guy Mollet, le 5 février 1956. Ce gouvernement pléthorique connut un record de longévité, puisqu’il dura 16 mois. Ce ministère de centre gauche, dit de « Front républicain », fut investi par 420 députés, c’est-à-dire bien au-delà des mouvements qui le constituaient : une façon, pour les caciques de tout poil, de réaffirmer leur attachement à un parlementarisme mou. Ils scotomisèrent la poussée poujadiste, tout comme un névrosé refoule dans son inconscient une réalité trop pénible. Car, a posteriori, la vague de 1956 marquerait, pour la IVe République, le commencement de la fin. Le gouvernement de Guy Mollet tergiversa dans le dossier algérien et ne connut qu’une longue suite d’humiliations : journée des tomates, crise de Suez, rationnement de l’essence faute de devises.
Quelle leçon pour l’avenir ?
Le hasard m’a fait rencontrer Pierre Poujade au Conseil économique et social où nous siégions côte à côte. Celui que les communistes qualifiaient d’« hitlérien » me parla de sa guerre : fuite vers la France libre à Alger via l’Espagne, avant de terminer dans la Royal Air Force… On a vu pire nazi !
Puis il me communiqua, documents à l’appui, l’analyse de la vague de 1956 par commune : en plus des travailleurs indépendants, l’UDCA recueillit de forts pourcentages dans les zones rurales, les petites villes et plus généralement dans la ligne de faible densité qu’on appellera plus tard la « diagonale du vide ». En fait, la vague poujadiste a été portée par des classes moyennes attachées à nos traditions, pillées par un fiscalisme indécent, dépassées par des mutations trop rapides et tenues à l’écart des Trente Glorieuses : bref, un concentré de nos fractures françaises.
NDLR SN : sur le mouvement Poujade, vous pouvez aussi lire la Cahier d'Histoire du nationalisme (n°20) qui lui est consacré cliquez là
11:58 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) |
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