lundi, 29 décembre 2025
Génocide vendéen : l’histoire qu’on ne devait pas raconter
"les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer la résistance et le sacrifice de la Vendée." En 1993, Alexandre Soljenitsyne rend hommage aux martyrs vendéens aux Lucs-sur-Boulogne, aux cûtés de Philippe de Villiers et d'Alain Delon.
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Il y a quarante ans, les guerres de Vendée ont donné lieu à un affrontement qui a valu, aux auteurs d’un récit dissident, une disqualification féroce. Relégués aux marges de l’histoire dominante, ces parias intellectuels o nt fini par imposer le débat. Récit d’une reconnaissance.
Pau, hiver 2024. Dans la discrétion d’un collège-lycée privé des Pyrénées-atlantiques, une conférence intitulée “Vendée, de la guerre civile au génocide, du génocide au mémoricide”, doit être animée par Reynald Secher, figure connue pour sa thèse du “génocide vendéen” durant la Révolution française. La FSU 64 (Fédération syndicale unitaire) dénonce publiquement une vision de l’histoire jugée « événementielle, dépassée, mêlant ethnocentrisme et religion », et s’inquiète de ce qui sera transmis aux lycéens en cours d’enseignement moral et civique et d’histoire-géographie.
L’épisode aurait pu s’arrêter là. Mais quelques semaines plus tard, le directeur de l’immaculée-conception reçoit, à sa grande surprise, une lettre de la rectrice de l’académie de Bordeaux, Anne Bisagni-faure. Elle y condamne explicitement « l’utilisation du terme de génocide dans un cours d’histoire sur la Révolution française » et l’organisation d’une conférence défendant, selon elle, une approche révisionniste. L’affaire aura de lourdes conséquences pour le chef d’établissement qui sera finalement remercié. En cause, ses supposées atteintes à la laïcité. Plus de deux siècles après les guerres de Vendée, cette page d’histoire demeure inflammable.
La République n’a jamais aimé se regarder dans le miroir vendéen
Pourtant, il n’est plus interdit d’en parler comme au moment du bicentenaire de 1789, lorsque les guerres de Vendée constituaient une véritable épine dans le pied d’une République triomphante et sûre de sa “glorieuse” Révolution. La grande commémoration voulue par François Mitterrand et Michel Rocard devait être un temps fort de consensus, une jubilation nationale célébrant l’avènement des droits de l’homme et de l’égalité devant la loi. Tout ce qui fissurait cet héritage — la guerre civile, la Terreur, la répression menée dans l’ouest par l’état révolutionnaire — était traité comme une scorie de l’histoire. La République n’a jamais aimé se regarder dans le miroir vendéen.
C’est dans ce contexte qu’émergent des ouvrages qui bouleversent l’historiographie officielle. En 1987, Carrier et la Terreur nantaise (Perrin), de JeanJoël Brégeon, aborde déjà la question d’une politique d’extermination dans l’ouest insurgé. La même année, Reynald Secher republie la Guerre de la Vendée et le système de dépopulation (Tallandier), avec Jean-joël Brégeon, un livre longtemps escamoté de Gracchus Babeuf qu’il a déniché aux archives. Ce libelle accusait Robespierre d’avoir orchestré la répression de la Vendée et mettait en circulation le terme de “populicide”, promis à une nouvelle fortune polémique.
Après sa monographie La Chapelle-Basse-mer, village vendéen (Perrin, 1986), Secher publie La Vendée-vengé (Puf, 1986). Le génocide franco-français, une thèse provocatrice qui prend le contre-pied d’une historiographie souvent tentée de minimiser ou de nier l’ampleur des massacres. Il y estime que 117.000 Vendéens auraient disparu après la Révolution, chiffre qui provoque un tollé immédiat, relayé jusque dans les médias grand public.
Les historiens de gauche, en ordre de bataille derrière le spécialiste marxiste de la Révolution française Jean-Clément Martin, rejettent le terme “génocide”, préférant “crimes de guerre” et les analysant comme de simples dérives. Secher, lui, forge le concept de “mémoricide”, un crime contre la mémoire des victimes. Le courant majoritaire n’a évidemment pas manqué de lui reprocher d’exacerber la mémoire et donc de ne pas faire oeuvre d’historien.
Pourtant, la lutte mémorielle est déjà loin derrière. Dans les premières décennies qui suivent la fin des guerres de
Le courant jacobin défend la Révolution en occultant sa violence, et le courant contre-révolutionnaire, souvent d’inspiration monarchiste, insiste sur l’ampleur de la répression et la spécificité de la Vendée.
Vendée, le conflit se transmet d’abord par la mémoire des acteurs eux-mêmes. Officiers républicains comme anciens chefs rebelles livrent leur propre récit — à l’image de la marquise de La Rochejaquelein, dont les Mémoires connaissent une large diffusion. Puis, à mesure que disparaît cette génération de témoins, la Vendée cesse peu à peu d’être un récit de survivants pour devenir un objet d’histoire. Nourrie par les mémorialistes, cette histoire est alors vue par certains comme une instrumentalisation royaliste, dans cette période charnière du début du XIXe siècle.
L’historien Reynald Secher, hérault de la réhabilitation des Vendéens sur la scène historique nationale.
De la mémoire à l’omerta
Deux grandes écoles se font face dans l’historiographie : le courant jacobin, qui défend la Révolution en occultant sa violence, et le courant contre-révolutionnaire, souvent d’inspiration monarchiste, qui insiste sur l’ampleur de la répression et la spécificité de la Vendée. Entre les deux, selon Jean-Joël Brégeon, existent quelques historiens qui tentent de “rejointoyer” les positions adverses pour comprendre de façon scientifique cette révolte si étonnante.
Si l’historiographie “blanche” (contrerévolutionnaire) a pu régner au début du XIXe siècle, elle sera balayée par l’installation de la gauche à l’université, qui impose peu à peu à la fin du siècle sa lecture de l’histoire. C’est ainsi que la Vendée devient un sujet tabou dans le récit national, et que seuls quelques historiens marginaux osent encore en contester la version officielle.
Il y a quarante ans, Reynald Secher soutenait sa thèse de doctorat d’état sur les guerres de Vendée, affirmant l’existence d’une politique d’extermination menée par la Convention. Ce travail, longtemps relégué aux marges de l’historiographie, allait déclencher une violence intellectuelle et médiatique de tous les instants.
Secher raconte avoir été la cible d’une stratégie visant à le discréditer socialement, intellectuellement et financièrement. Ses recherches furent attaquées par des universitaires et des journalistes : certains prétendaient qu’il n’était pas docteur, d’autres que sa thèse n’avait aucune valeur scientifique, qu’il aurait falsifié des documents et n’aurait jamais consulté les archives. Privé d’invitations aux colloques et tenu bien à l’écart par les médias dominants, il ne put jamais défendre ses conclusions dans les cadres consacrés.
Entre campagnes diffamatoires dans le Monde et Libération, exclusion des librairies, menaces physiques lors de salons ou de manifestations, et parfois même gifles et crachats, l’écrivain “maudit” subit la rage de ses contempteurs. Ils considéraient que parler de génocide pour la Vendée revenait à proférer un propos “d’extrême droite” et pouvait dangereusement relativiser la Shoah.
L’historien Reynald Secher, hérault de la réhabilitation des Vendéens sur la scène historique nationale.
Au milieu de cette furie médiatique, certains journaux régionaux, comme Presse Océan, mais aussi nationaux, à l’instar du Figaro Magazine sous la plume de Louis Pauwels, apportèrent leur soutien aux travaux de Reynald Secher. Plus tard, des figures telles que le journaliste de gauche Pierre Péan se mirent à écrire sur la Vendée, reconnaissant dans son cas « une tache pour la République ».
Les guerres de Vendée ont été enfin réévaluées dans l’historiographie, apparaissant comme une page sombre de notre histoire à l’aune des archives. Le récit contre-révolutionnaire n’est désormais plus totalement bafoué par le monde académique. Les travaux d’histoire ont ouvert la voie à des juristes tels Jacques Villemain, spécialiste des génocides dans le monde (en particulier ceux au Rwanda et en Arménie), qui ont pu affirmer que la République avait commis un génocide en Vendée, offrant une définition juridique à ce qui n’avait été jusque-là qu’un débat mémoriel puis historique.
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11:44 Publié dans Revue de presse, Un peu d'Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) |
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