dimanche, 04 décembre 2011
L’Europe en miettes...
Le billet de Patrick Parment
Se confirme donc l’idée que lorsque l’Amérique est malade, l’Europe tousse. Elle fait plus que tousser, elle part en miettes au sein d’un système monétaire qu’elle subit depuis un bon siècle et qui a fini par devenir schizophrène.
Il était, par ailleurs, illusoire de croire qu’une Europe à 27 pourrait marcher quand dix-sept d’entre eux seulement appartiennent à la zone euro. L’Europe est donc un bateau ivre, l’euro une chimère et au final un endettement des Etats qui, en l’espace de quelques années, a été multiplié par dix (voire plus). De sorte que l’Allemagne, qui en a toujours constitué le « Heartland », refuse aujourd’hui d’aller plus avant dans son soutien financier à l’Europe. On ne saurait lui en vouloir et les accents germanophobes de certains dirigeants politiques – et curieusement un Arnaud Montebourg en tête – sont pour le moins déplacés. Si les Français avaient une once de la rigueur allemande, nous n’en serions peut-être pas là.
Est-ce la fin de cette Europe reposant sur les traités de Maastricht, de Lisbonne, etc. ? Sauver cette Europe là consisterait, comme l’indique nos brillants économistes des broussailles, à donner, en toute logique d’ailleurs, pouvoir à la Banque centrale européenne (BCE) de venir en aide aux Etats en leur consentant des emprunts dont les intérêts ne dépasseraient pas 5%. Ce que vient de faire l’Angleterre – qui n’appartient pas à la zone euro – et la Réserve fédérale américaine – qui continue de faire tourner la planche à billets. Mais pour Angela Merkel, c’est Niet. Elle veut rester dans le contexte de Maastricht qui n’autorise pas un dépassement au-delà de 3% du PIB. Ce que veut Angela Merkel, dans l’immédiat du moins, c’est un gendarme européen capable de taxer les pays dont la rigueur budgétaire laisse à désirer. C’est-à-dire à peut près tous les Etats ! Sarkozy s’y oppose évidemment, pas question de concéder le moindre abandon de souveraineté.
L’autre solution, radicale celle-là, dont Jacques Sapir est l’un des chauds partisans, c’est l’abandon pur et simple de l’euro. L’éclatement des taux d’intérêt des Etats européens, dit-il en substance, montre bien que la monnaie unique ne sert à rien. Jacques Sapir suggère donc que les Etats se réapproprient leur monnaie tout en conservant l’euro pour les transactions extra européennes. Pourquoi pas.
On s’aperçoit bien, au-delà de la tambouille monétaire, que le problème de l’Europe est d’abord politique. L’Europe n’a pas de boussole et la technocratie bruxelloise est entièrement aux mains des lobbies libéraux de type anglo-saxon, cela va sans dire. Faute d’un pilote dans l’avion, l’Europe ne sait pas où elle va, ce qui fait que derrière l’écran de fumée du concept même, on ne trouve que des Etats qui passent leur temps à tirer la couverture à eux.
L’autre question qui se pose est : que veut l’Allemagne ?
L’économiste Pierre-Noël Giraud a émis deux hypothèses crédibles à nos yeux. La première est que l’Allemagne a par deux fois tenté d’être la puissance dominante en Europe et par deux fois elle en a été empêchée par l’Amérique. L’Allemagne pourrait donc être tenté, nous dit Pierre-Noël Giraud, de constituer à terme un conglomérat avec les pays de l’Est dont elle est proche - et qui lui fournissent une main d’œuvre de bonne qualité – et d’instaurer un dialogue avec la Russie pour former un bloc continental capable d’affronter l’Amérique. Cette Amérique qui est l’adversaire majeur des Européens. Dans ce cas de figure, quid de l’Europe de l’Ouest ? Un truc du genre Club Méditerranée ?
Extravagant ? Pas vraiment. Car si la France est aujourd’hui le pays vers lequel l’Allemagne exporte le plus, elle ne perdrait pas au change avec l’ouverture du marché russe (où elle est déjà bien présente). Unique condition : que surgisse en Allemagne un leader politique d’une autre trempe que la mère Merkel.
Deuxième hypothèse : on s’oriente vers une révision des traités et l’on crée une zone euro restreinte permettant de constituer un noyau dur. Ce qui, entre nous, aurait dû être fait depuis longtemps plutôt que cette auberge espagnole actuelle.
La seule chose dont nous sommes sûr, c’est que l’Europe arrive à un tournant crucial. Le drame, c’est qu’il n’y a personne, à nos yeux, pour redonner aux Européens ce qui leur manque le plus : un destin.
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