lundi, 17 mars 2025
Kivu : Quand les Africains broient du Noir !
Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
La République « démocratique » du Congo, l’ex-Congo Belge, est un accident de l’histoire, un véritable scandale géologique qui ne profite pas beaucoup à ses peuples. Ecrivons « ses » peuples, car l’on sait qu’en Afrique la notion de tribu, d’ethnie, a une importance considérable, contrairement à ce que voudraient nous faire croire, philosophes et autres psychologues nourris au lait d’un gauchisme étriqué. « Psy » qui n’ont des réalités africaines qu’une vision déformée par le prisme de l’idéologie.
Le professeur Bernard Lugan, a magistralement et définitivement tout dit à ce sujet.
« Chimères noires »
Contrairement à la France, dont la colonisation en AOF et AEF a tout de même produit des personnalités exceptionnelles – Léopold Sédar Senghor, Houphouët Boigny et autre cardinal Sara -, les Belges – Flamands comme Wallons -, n’ont pas voulu ou pas réussi à faire émerger de vraies élites capables de prendre les rènes du pays au moment de l’indépendance, le 30 juin 1960.
Résultats des courses, leaders médiocres – Lumumba par exemple, cheval de Troie du marxisme au « Congo Léo » comme on disait -, corruption, gabegie, anarchie, sécessions du katanga de Moïse Tschombé – « Monsieur tiroir-caisse » -, et du Sud-Kasaï, mercenariat et guerres tribales. Albert Kalondji, roi autoproclamé de cette dernière province sous le nom d’Albert 1er, visitait ses « sujets » sceptre à la main, couronne vissée sur le chef, et peau de léopard l’enveloppant de la tête aux pieds. Faux nez de la Forminière et autre Union minière - sociétés minières exploitant allègrement les sous-sols du Congo -, il disparut du théâtre congolais aussi vite qu’il était apparu.
Mobutu Sésé Séko, journaliste, sergent de la Force publique belge puis général de l’Armée nationale congolaise, mit tout le monde d’accord avec cette ANC dont il était devenu chef d’état-major, grâce aux mercenaires de Bob Denard, plus ou moins téléguidés par Paris. Il régna sans partage sur son Zaïre pendant 32 ans, défendant les intérêts occidentaux non sans se servir généreusement au passage. Il devait fuir son pays en mai 1997 sous les coups de l’armée de Laurent-Désiré Kabila, soutenu par le Front Patriotique Rwandais qui, déjà, s’ingérait dans les affaires de son voisin. Après son assassinat le 16 janvier 2001, son fils Joseph, né en 1971, devait lui succéder. Une sorte de « Républicanisme » héréditaire que l’on semble affectionner dans les pays du Sud….
C’est finalement un opposant, Félix Tshisekedi, un Pentecotiste de 61 ans, père de cinq enfants, exilé en Europe par Mobutu, qui réussit à se hisser au pouvoir le 30 décembre 2018. Réélu en 2023, c’est toujours le même qui gouverne à Kinshasa. Jean Lartéguy, brillant officier, célèbre reporter, écrivain reconnu avec ses romans « Les Centurions » et « Les Prétoriens », a magnifiquement raconté les premières années du Congo dans un bon roman, « Chimères noires », paru aux « Presses de la Cité » en 1963.
Le Rwanda, un nouveau prédateur ?
Le génocide des Tutsis par les Hutus dans les années 1990, pour faire simple, est encore dans toutes les mémoires. Un homme a surgi de ce chaos, Paul Kagamé, un Tutsi fondateur du FPR, qui a fait gagner son ethnie, minoritaire, et qui gouverne sans partage un pays qu’il a remis en ordre. Depuis sa capitale modernisée, Kigali, il tire les ficelles de nombre de conflits dans la région des Grands lacs. Les Tutsis, une ethnie dynamique qui alimentait la dynastie des souverains rwandais et burundais, a gagné la guerre contre les francophones Hutus, soutenus par Paris.
Le Rwanda et son arrière-boutique ougandaise, ont joué le jeu des Anglo-saxons. La France a, péniblement, essayé de rattraper son retard, et de faire oublier son soutien sans partage aux Hutus sous l’ère mitterrandienne. On mesure aussi, à la lumière des échecs macroniens, les hésitations, les va-et-vient et les atermoiements nocifs d’une politique française en Afrique qui, in fine, nous fâche avec tout le monde, nous chasse de nos traditionnelles « citadelles » - Sénégal, Côte d’Ivoire, États du Sahel -, pour le plus grand bonheur de prédateurs autrement plus dangereux, chinois, russes et anglo-saxons. Mais c’est la France, et ceci est une autre histoire qu’il faudra bien écrire un jour !
Main basse sur le Nord-Kivu
Des combats ont à nouveau éclaté dans cette province, à l’est de la RDC, où Goma son chef-lieu qui, telle le saillant de Koursk est prise, reprise, puis chute à nouveau dans l’escarcelle du M-23, le mouvement rebelle tutsi soutenu par Kigali. Ce mouvement, dit « du 23 mars », avait été créé en 2012 suite à une mutinerie d’officiers des FARDC, successeur de l’ANC.
Théoriquement dissoute en décembre 2013 après les pourparlers de Nairobi menés sous l’égide des Nations Unies et de la MONUSCO - sa force d’interposition de 3.000 casques bleus -, elle a été réactivée en novembre 2021, soutenue par pas moins de 4.000 militaires rwandais. Félix Tshisekedi, président congolais, est venu à paris le 30 avril dernier pour plaider la cause de son pays, vantant accessoirement auprès de Macron les opportunités dans la première économie de l’Afrique francophone avec, excusez du peu, ses cent millions – 100.000.000 ! -, d’habitant dans cette RDC - l’ex-Zaïre -, qui en comptait moins de vingt lors de l’indépendance, il y a soixante ans….
L’historien et politologue franco-camerounais Charles Onana n’hésite pas, dans son livre « Holocauste au Rwanda » (L’Artilleur), à accuser le président rwandais d’avoir organisé le génocide des Tutsis en 1994 afin de lui permettre de prendre le pouvoir et d’être également, mais indirectement, coupable de tous les meurtres et viols commis dans l’est du Congo. Une mise en cause dont nous lui laissons l’entière responsabilité. Il n’en est pas moins vrai que le mouvement rebelle M-23 qui ravage l’Ituri, le nord et le sud Kivu, est manipulé par les rwandais. Il exploite pour leur compte l’or et les « terres rares » que recèle le sous-sol congolais. David Van Reybrouck, écrivain belge, écrivait dans Le Monde du 22 février dernier que « la malédiction du Congo ce n’est rien d’autre que la combinaison d’un sous-sol riche et d’un État faible ».
Aux origines de la « tribalisation » politique de l’Afrique
La mise à sac de cette région illustre, hélas, magnifiquement, l’absence d’unité de tous ces pays artificiellement construits. Le colonisateur européen – français, britannique, belge, portugais et allemand -, porte une lourde responsabilité dans ce morcellement. Et, même si, indubitablement, la présence européenne a marqué favorablement le continent, nous en attendons toujours les remerciements ! – éradication de l’esclavage et des maladies endémiques, constructions d’infrastructures modernes, éducation des élites, etc. -, elle n’a pas contribué à édifier des États stables.
Combien de sécessions dues à l’arbitraire découpage au congrès de Berlin en 1884 et 1885, convoqué à l’initiative du chancelier Bismarck, ont endeuillé l’Afrique noire ? Le Nigéria, le Cameroun, le Congo ex-belge, l’Afrique du Sud, l’Angola ou l’extravagante Guinée équatoriale - à cheval entre le continent et un archipel -, pour ne citer que ces exemples, ont tous été ou sont encore, la proie de guerres civiles. Il faut se rendre à l’évidence.
L’heure des « forts » face aux « faibles » ?
À l’heure où l’est de l’Ukraine est envahi par la Russie, suite à un mauvais partage territorial à la chute de l’URSS en décembre 1991, où les États-Unis jettent un œil non désintéressé sur le Canada, le Groenland et le Panama, où Israël cherche à étendre son territoire pour obtenir des superficies de sécurité, il ne faut pas s’étonner que des chefs de guerre ou des chefs d’États veuillent profiter de la faiblesse de leur voisin.
Le Rwanda – pays lilliputien à côté de l’énorme RDC -, peut imposer sa loi à l’est de son voisin, car le pouvoir politique à Kinshasa est faible, alors qu’il est fort à Kigali. Dans un monde nucléarisé, le rapport du « faible au fort » peut jouer en faveur du premier. Dans une zone non nucléarisée, la loi du plus fort peut s’exercer. C’est actuellement le cas au Congo où une « petite Prusse africaine » peut imposer sa loi, par M-23 interposé.
Tirant des leçons de toutes ces guerres larvées et de potentiels conflits, Il n’est pas indifférent que l’Europe, la vraie, celles des nations, celles des États - pas celle, frelatée, de Bruxelles -, prenne conscience des périls de toutes sortes qui la menacent. Et qu’effectivement, elle se réarme mentalement et militairement.
10:06 Publié dans Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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