Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 21 avril 2025

20 avril 1968 : un député anglais anti-immigration prédit « des fleuves de sang »

_93943086__78116254_powell_getty_3373114_624x351.jpg

Marc Baudriller, Boulevard Voltaire cliquez là

Le samedi 20 avril 1968, un responsable politique anglais de 56 ans monte à la tribune lors d’un rassemblement du Parti conservateur à Birmingham. Cet homme élégant - veste, cravate, gilet -, cultivé – il a étudié le latin et le grec à Cambridge, les cultures orientales et africaines à l’université de Londres et il maîtrise une langue d’Inde, l’ourlou -, est député conservateur depuis 1950. C’est une valeur montante des Tories. Outre son mandat à la Chambre, il a été très jeune secrétaire financier du Trésor, puis ministre de la santé trois années durant, jusqu’en 1963. Son nom est régulièrement cité pour occuper le 10 Downing Street. Ce 20 avril 1968, alors que la France gronde à quelques semaines du soulèvement étudiant de mai 68, Enoch Powell pose ses notes devant lui et entame un discours qui va rester dans les mémoires comme le premier tocsin sonné en Europe sur une question amenée à envahir tout le discours politique : l’immigration. Ce discours visionnaire, dit « des fleuves de sang« », va lui coûter sa carrière.

Sans précédent en mille ans d'Histoire

Dans sa circonscription de Wolverhampton, près de Birmingham, Enoch Powell a vu les premiers effets de l’immigration. Il a imaginé la suite. Il a lu dans l’avenir les coups de feu, les coups de couteau, les agressions, les viols, les déménagements forcés de ceux qui ne peuvent plus vivre là, la mutation des cultures et des peuples. Sa conviction est faite. Enoch Powell a en tête le destin de ceux qui ont dit non à la dégringolade : les figures de Churchill ou de Gaulle l’inspirent. « La fonction suprême de l’homme d’État est de protéger la société des maux prévisibles », commence-t-il à la tribune. Et il décrit ce qui va paralyser l’Europe, des décennies durant : « Il est impossible de démontrer la réalité d’un péril avant qu’il ne survienne : chaque fois qu’un danger progresse, le doute et le débat demeurent toujours possibles au sujet du caractère réel ou imaginaire. » Et puis, les périls de demain, quelle que soit leur importance, passent derrière ceux d’aujourd’hui. Mais voilà, l’homme a du souffle, de la hauteur de vue, l’amour de son pays et le respect de ceux qui l’ont élu.

Viol démocratique

Il raconte qu’un homme lui a parlé, un électeur anglais de la rue. Que cet homme pousse ses propres enfants à fuir le Royaume-Uni dont la population aura changé d’ici quinze à vingt ans, lui dit cet homme. Cet Anglais décrit ce que Renaud Camus appellera le « Grand Remplacement », soit les conséquences civilisationnelles d’une immigration sans frein. « La transformation radicale à laquelle nous assistons aujourd’hui est sans précédent en mille ans d’Histoire », constate Powell. « Dans toute l’Angleterre, des régions entières, des villes, des quartiers seront entièrement peuplés par des populations immigrées et par leurs enfants », prévient-il. Les immigrés seront 5 à 7 millions en l’an 2000, dit-il. Il voit clairement le potentiel de destruction des politiques d’immigration : « Quand les dieux veulent détruire un peuple, ils commencent par le rendre fou », dit-il en citant Virgile. Or, explique cet Anglais courageux et fin lettré, quinze ans avant Le Pen, « l’arrivée d’éléments étrangers dans un pays, ou au sein d’une population, a des conséquences radicalement différentes selon que la proportion est de 1 % ou de 10 % ». Ses mots embrassent le destin d’une terre et de son peuple : « J’ai l’impression de regarder ce pays élever frénétiquement son propre bûcher funéraire », lance Powell, qui parle pour la première fois d'« immigration de peuplement ». En 1968, alors que le gaullisme prend l’eau en France, Powell met le doigt sur le viol démocratique qui a accouché de cette situation. « Pour des raisons qu’ils ne comprennent pas, en application de décisions prises à leur insu, pour lesquelles ils ne furent jamais consultés, les habitants de Grande-Bretagne se retrouvent étrangers dans leur propre pays. » Enoch Powell annonce aussi la chape de plomb à venir : ceux qui sont d’accord avec lui « craignent des poursuites ou des représailles si cela se savait ».

Le député anglais a enfin saisi les limites de l’intégration : « Cette intégration, la plupart des immigrés ne l’ont jamais ni conçue ni souhaitée. »

« Le Tibre écumant de sang »

Alors, que faire ? « Comment réduire l’ampleur du phénomène ? », interroge Powell. Il répond simplement : « Il faut stopper, totalement ou presque, les flux d’immigration entrants et encourager au maximum les flux sortants. » Rien de plus légal et humain. Il veut encourager ceux qui, « moyennant une aide généreuse, choisiraient soit de retourner dans leur pays d’origine, soit d’aller dans d’autres pays désireux de recevoir main-d’œuvre et savoir-faire ». Car Powell rappelle que les citoyens immigrés ou non sont égaux devant la loi.

Croit-il vraiment au retour choisi ? Il lance cette phrase admirable, puisée dans L’Éneide de Virgile : « Je contemple l’avenir et je suis empli d’effroi. Comme les Romains, je vois confusément "le Tibre écumant de sang". »

Il n’a commis aucun des écarts de langage qu’on a reprochés à Le Pen, et pourtant, Enoch Powell ne sera pas Premier ministre, ni même à nouveau ministre. Écarté, diabolisé, il ne retirera pas un mot de son célèbre discours, jusqu’à sa mort le 8 février 1998, à 85 ans.

Les fleuves de sang sont venus. Les attentats du Bataclan, celui de l’Hyper Cacher ou de Nice, les meurtres au couteau, les destins brisés de Lola, de Matisse, de Thomas, de Philippe, de Shemseddine, de Philippine et tant d’autres drames petits ou grands en témoignent. Bien sûr, la presse de gauche mitraille régulièrement celui qui avait annoncé le malheur à venir. Dans un article de 2022Mediapart cloue son cercueil de cette phrase : « Ce discours, typique de l’imaginaire fascisant, s’alarmait d’un prétendu péril, exagéré à l’extrême et secrètement souhaité. » Bien vu, l’aveugle !

02:08 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

Les commentaires sont fermés.