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mercredi, 22 avril 2020

Une vie de combat pour la France et les Français

Le-Pen-2.jpgGeorges Feltin-Tracol

Jean-Marie Le Pen, président d’honneur du Front national, a sorti à l’automne 2019 le second tome de ses mémoires. Après la surprise de Fils de la Nation dans lequel on découvrait l’homme Le Pen, ce nouveau volume, intitulé Tribun du peuple, relate sa vie politique, d’où la relative déception de tous ceux qui ont participé de près ou de loin à l’aventure frontiste. L’ouvrage commence à la fondation du Front national (FN) et va jusqu’à nos jours.

Tout au long du récit, Jean-Marie Le Pen s’en prend avec une virulence rare et légitime à ce qu’il désigne comme l’« Établissement » ou le « Système ». « J’appelle système, par définition, la mécanique qui régente la vie politique française par l’alternance de partis complices. Qu’importe le nom qu’on lui donne, bande des quatre ou UMPS, l’important est qu’il ne se cantonne pas à la stricte politique : il déborde sur les médias, la publicité, etc. C’est une machine qui s’empare de la société tout entière pour la diriger à sa convenance (p. 311). » C’est une pieuvre dont les tentacules investissent le journalisme, les universités et l’histoire. C’est un bonheur de voir l’auteur s’attaquer en page 113 à ces chercheurs et plumitifs militants (les Igounet, Albertini, Doucet et Lebourg) qui ne cessent de traquer leurs fantasmes et qui sans l’existence de l’« extrême-droite » seraient contraints d’écrire dans la rubrique des chiens écrasés ou d’enseigner dans un collège paumé dans une banlieue de l’immigration. Jean-Marie Le Pen les fait vivre.

Contre la médiacaste

Ce tome deux a moins suscité l’intérêt de la part des journalistes que le premier. « L’immense majorité des articles que la presse m’a consacrés n’a pas été rédigée après la lecture du livre, mais d’après la “ synthèse ” que l’AFP a publiée en balayant des yeux les bonnes feuilles qu’elle s’était procurées (pp. 7 – 8). » Faut-il s’en étonner de la part de l’officine maîtresse en désinformation ? L’hystérique pathologique Christine Angot au style si nullissime n’a « pas compris que la ruse était de profiter de ce battage publicitaire pour donner envie au grand public de ne pas lire le livre (p. 7) ». Jean-Marie Le Pen accuse : « Mes adversaires se sont arrangés pour que peu de personnes […] partagent (p. 7) » ses mémoires qui jettent une lumière crue sur les événements des quarante dernières années.

À l’instar des décroissants « Casseurs de Pub », il ne se prive pas de souligner que « les messages publicitaires servent à installer dans l’esprit public, de façon subliminale, des images et des sentiments indépendants de l’objet qu’ils sont censés vanter. En d’autres termes, ce sont de puissants instruments de propagande, au service du politiquement correct. En particulier au service du grand mélange et du grand remplacement (p. 264) ». Il confirme en outre que les « nouveaux propagandistes […] sont journalistes et communicants (p. 303) ».

C’est ainsi qu’il qualifie respectivement l’« affaire du détail » du 13 septembre 1987 à RTL d’« embuscade médiatique (p. 175) » et l’odieuse machination socialiste de Carpentras de 1990 de « pacte social spécifique (p. 184) ». Il note qu’à ces occasions de partis pris assumés, « une paire de journalistes frénétiques s’érigeait en tribunal, et l’opinion ratifiait leur condamnation sans même écouter mes arguments (p. 183) ». Rien qu’entre 1986 et 1992, Jean-Marie Le Pen et les membres du FN font l’objet de plusieurs centaines d’agressions ! Sans oublier le traquenard de Mantes-la-Jolie en 1997, l’auteur est encore poursuivi par une justice bien connue pour sa partialité politique. Le FN, son président et ses militants ont subi des attaques, des attentats, des persécutions qui, sous d’autres latitudes, leur auraient valu de recevoir le prix Nobel de la Paix, le prix Sakharov du Parlement européen et le soutien aveugle des ONG droits-de-l’hommistes.

S’élevant contre les mensonges médiatiques, l’auteur s’inquiète d’entrer « dans une société manichéenne, où seuls sont habilités à parler ceux qui figurent le Bien (p. 412) ». Sa préoccupation concerne partout « l’histoire [qui] est aujourd’hui la simple pétrification de la mémoire de la presse dominante, la validation officielle de la propagande de gauche (p. 238) ». Et gare à ceux qui s’écartent des chemins balisés ! Ils risquent dès à présent le bannissement social, voire l’emprisonnement, bientôt peut-être la décapitation en direct sur les chaînes info avant 20 h. Élucubrations fantaisistes ? Bien des Gilets jaunes ont perdu un œil ou une main de l’automne 2018 au printemps 2019. « Les CRS ne sont plus des SS, ce sont les prétoriens de Cohn-Bendit (p. 412). » Avec ses deux tomes de mémoires, Jean-Marie Le Pen entend être « passeur de mémoire et rectificateur d’histoire (p. 8) ».


Présidents de la Décadence

Il dénonce devant l’histoire les fauteurs du déclin de la France. En premier lieu, François Mitterrand et Jacques Chirac, tous deux responsables « d’un crime encore pire que la haute-trahison [… le] meurtre de leur pays. Après eux vint le temps des petits malfaiteurs (p. 13) ». En effet, par l’intermédiaire d’associations communautaires revendicatives (SOS-Racisme), « le racisme anti-blanc, le racisme anti-français, sont le fruit de la stratégie de Mitterrand appuyée par Chirac (p. 243) ». L’ouvrage n’épargne pas non plus Valéry Giscard d’Estaing et son rêve de « libéralisme avancé », préfiguration bancale de la société française décomposée, mondialisée et éclatée chère à Emmanuel Macron. Responsable de la légalisation de l’avortement, du divorce par consentement mutuel et du regroupement familial pour les étrangers immigrés, le troisième président de la Ve République « a limité la natalité française pour accueillir plus de migrants. Le mécanisme du grand remplacement était installé : seul le rythme s’en est accéléré depuis (p. 55) ».

Il réserve cependant ses flèches les plus acérées à l’infâme Jacques Chirac, ce « militant résolu de l’Anti-France (p. 121) ». Chirac fut un jouisseur qui vécut sous les ors de la « Ripoublique » (l’Hôtel de Ville, Matignon, l’Élysée) pour satisfaire son ego démesuré de pâle technocrate arriviste. Ses innombrables revirements se comprennent à l’aune de cette ambition pitoyable. « Était-il déjà dépendant de la drogue que son dealer lui fournissait ? (p. 159) » Ce dealer se nomme Gérard Fauré. Il vient de publier deux livres de souvenirs (Dealer du Tout-Paris. Le fournisseur des stars parle, Nouveau Monde Éditions, 2018, et Le Prince de la coke. Dealer du Tout-Paris… La suite, Nouveau Monde Éditions, 2020) dans lesquels il relate ses livraisons de cocaïne au Tout-Paris politico-artistique. En ce qui concerne le « Corrézien de Paris », ses souvenirs narcotiques recoupent le roman politique à clé de Sophie Coignard et d’Alexandre Wickham, Mafia chic (Fayard, 2007). Gérard Fauré « livrait cent grammes par semaine à Jacques C., Élysée, rue du faubourg Saint-Honoré. Cent grammes ? L’autre en offrait, ce n’est pas possible ! À ses petites amies, sans doute. Ça explique l’agitation de ce grand vide qui a dirigé la France (p. 466) ». On attend que la « victime » Vanessa Springora édite les récits glaçants et effroyables des jeunes femmes violées par le triste sire présidentiel. On comprend mieux maintenant pourquoi « la drogue, dans nos banlieues, n’est pas un problème, c’est la solution qu’a choisie l’État pour assurer sa paix civile (p. 426) ».

Le constat de Jean-Marie Le Pen sur l’état de notre pays après les présidences de Giscard d’Estaing, de Mitterrand, de Chirac, de Sarközy, de Hollande et de Macron est accablant. « La France est moins intelligente, moins érudite, moins compétente, moins habile aujourd’hui qu’il y a quarante ans. Les enquêtes internationales sur le niveau scolaire ou le QI enregistrent cette régression (p. 56). » L’intellectuel de gauche républicaine nationiste Emmanuel Todd parvient à la même conclusion dans son nouvel essai, Les luttes de classes en France au XXIe siècle (Le Seuil, 2020).

L’aventure mouvementée du FN

Contre ce délabrement moral généralisé, très tôt, « le Front national, Front national pour l’unité française, était à l’origine au-dessus et en dehors de la politique ordinaire. Un recours pour ceux qui refusent l’assassinat, le suicide assisté, de la France. Une bouée pour ceux qui espèrent perpétuer le destin français (p. 405) ». Il revient sur sa naissance agitée en 1972. À l’origine, Ordre Nouveau (ON) veut élargir son audience et gagner un plus grand électorat en créant les conditions favorables au regroupement des nationaux et des nationalistes. Sollicitant sans succès Jean-Jacques Susini et Dominique Venner, les responsables d’Ordre Nouveau se tournent faute de mieux vers Jean-Marie Le Pen. Or, « les gens d’Ordre Nouveau me paraissaient des gauchistes de droite sortis de Mai 68 (p. 24) ». Il ne cache pas se méfier « par expérience d’un milieu qui gamberge beaucoup mais n’a pas été formé comme la gauche à la discipline. Il est moins gouvernable qu’une tribu gauloise (p. 21) ». Il souligne que depuis l’échec de la candidature présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vignancour en 1965, « “ l’extrême droite ” était une minuscule bouilloire perpétuellement agitée de tentatives de faire valoir ses idées, le plus souvent fugaces ou avortées, sans moyens, sans organe d’information solide à l’exception de Rivarol. Les associations et les dissociations de ces structures éphémères dépendaient plus des affinités entre individus que de l’idéologie ou de la doctrine (p. 20) ».

La rupture avec ON se fait au lendemain de législatives plus que décevantes en 1973. C’est la première scission d’un FN qui en connaîtra bien d’autres du fait de sa nature même. « J’étais le mieux placé pour rassembler les composantes du Front national, explique Jean-Marie Le Pen. Les contradictions des uns et des autres, des cathos tradis et païens ancestraux, des fachos, des roicos, des libéraux, ne trouvaient leur solution qu’en moi, garant et incarnation du compromis nationaliste (p. 337). »

La décennie 1970 et le début des années 1980 voient s’amplifier la rivalité féroce entre le FN et le prolongement d’Ordre Nouveau. Tandis que Jean-Marie Le Pen se déclare candidat à l’Élysée pour la première fois en 1974, Valéry Giscard d’Estaing embauche par l’intermédiaire de Michel Poniatowski des militants nationalistes. « Les gens d’Ordre Nouveau ont collé pour de l’argent, cingle-t-il. Ils en ont tiré dix-huit millions d’anciens francs, ce qui leur permet de lancer, à l’automne, leur nouveau mouvement, le Parti des forces nouvelles, (PFN), avec de luxueuses publications. Mais l’argent a une odeur et le PFN restera marqué à tout jamais par cette origine mercenaire, par sa compromission avec la fausse droite au pouvoir (pp. 50 – 51). » Cela n’empêchera pas en 1985 le FN, sous la houlette de son secrétaire général Jean-Pierre Stirbois, d’accueillir quelques cadres du PFN afin d’aider les fédérations départementales en cours de formation de se structurer.

Quelques figures nationales… ou non

Jean-Marie Le Pen évoque quelques personnalités qu’il a côtoyées au sein du Front. Son ami, Hubert Lambert, auteur sous le pseudonyme de Hubert Saint-Julien de Louis Rossel (1844 – 1871). Pensée et action d’un officier insurgé (Presses continentales, 1962) et de Défense nationale et OTAN (Presses continentales, 1971), tout millionnaire qu’il était, se disait « national travailliste (p. 62) » ! Il dépeint Dominique Venner en « intellectuel brillant, raide et paradoxal (p. 19) ». Son suicide « à Notre-Dame m’a beaucoup frappé. C’était un homme d’une grande intelligence et d’un grand courage, sincère mais désespéré. Il a choisi le bâtiment le plus représentatif de notre civilisation européenne, chrétienne et disons-le, française, pour donner à son acte le plus grand écho. Cet athée païen a choisi pour son appel au secours de la nation le maître-autel de Notre-Dame de Paris. Il n’était pas croyant mais n’ignorait pas la force des symboles (pp. 429 – 430) ».

Plus proche de lui, et contredisant volontiers la biographie de Nicolas Lebourg et de Joseph Beauregard, François Duprat. L’homme qui inventa le Front national (Denoël, 2012), François Duprat « était un électron libre, un garçon intéressant […], mais il n’avait pas de place opérationnelle dans le mouvement. En revanche, il a contribué à notre réflexion doctrinale. Historien et politique, il avait compris l’importance de l’Histoire dans le combat politique, il en avait fait la théorie, et c’est pourquoi il avait cofondé une revue d’histoire du fascisme. C’était sa manière de rechercher une troisième voie entre ceux qui avaient selon lui le monopole de la représentation de l’Histoire, les “ communistes ” et les “ régimistes ”. Je dois avouer que je me sens plus proche aujourd’hui de Duprat que je ne l’étais à l’époque. L’histoire du Front national, notamment depuis le détail, m’a rapproché de soucis et d’analyses qui alors lui étaient propres (p. 235) ».

Plus récemment encore, un autre persécuté politique, Alain Soral « fut, avec son talent propre, un des maillons de la chaîne qui rattache les hommes honnêtes venus de la gauche au combat national, une fois qu’ils ont osé franchir le rubicon (p. 390) ». Toujours déplaisant envers Jean-Marie Le Pen qui a pourtant eu le courage de sonner le tocsin avant tout le monde, l’actuel maire de Béziers est bien moins traité. Robert Ménard « est un pauvre garçon dont la meilleure partie est l’épouse, un néophyte mal converti. Se souvenir qu’il était gauchiste à Reporters sans frontières. Il continue à donner des leçons, c’est sa forme d’esprit (p. 401) ». Le désir biterrois d’unir les droites se solde toujours par le refus obstiné de cette droite d’affaires qui ne veut que les électeurs patriotes. L’union des droites est belle et bien dépassée depuis le baron Armand de Mackau à la fin du XIXe siècle. Il importe au contraire de briser cette droite affairiste-là.

Le président du Front national de 1972 à 2011 répond à ses détracteurs au sujet de son air grave au soir du 21 avril 2002 au moment de sa qualification pour le second tour de la présidentielle. Il savait qu’il ne disposait d’aucun relais dans la haute administration, la magistrature, la police ou l’armée en cas de victoire, qu’il n’aurait pas non plus des personnes qualifiées pour exercer des fonctions techniques cruciales telles que le secrétariat général de la présidence de la République. Regrettant que le Front national devenu Rassemblement national n’ait plus un seul organe de presse imprimé comme National-Hebdo, Français d’abord ou Identité, il estime en fin politique que la conclusion d’ententes politico-électorales ne s’effectue qu’en situation avantageuse. « Il faut donner au Front national la masse critique à partir de laquelle, malgré l’interdit, il pourra passer des alliances afin de parvenir au pouvoir. Les compromis ne se passent en effet qu’en position de force, sauf à finir en compromissions (p. 312). » L’exemple le plus pertinent reste l’élection des présidents des conseils régionaux en 1998 en Picardie, en Bourgogne, en Rhône-Alpes et en Languedoc – Roussillon. La présence déterminante des conseillers régionaux frontistes contraigne quatre hommes de centre-droit, proches de l’UDF, à sceller un accord de gestion autour de points raisonnables avec le FN pour le plus grand bien des habitants de ces régions. Ces expériences furent bien sûr condamnées par l’abominable Chirac et toute sa clique politico-syndicalo-médiatique.

Du travail militant et intellectuel frontiste

La légende journalistique veut que les trois mairies gagnées en 1995 (Orange, Marignane et Toulon) suivies en 1997 par Vitrolles auraient été des fiascos. Elle oublie volontiers qu’en 2001, seule la ville de Toulon est perdue comme fut perdue dès 1992 la commune de Saint-Gilles-du-Gard remportée en 1989 par le libéral-atlantiste pro-Disneyland – Paris Charles de Chambrun. Outre la commune néo-calédonienne de Thio en 1983, le FN compte déjà un conseiller municipal à Toulouse en 1977 ! Aux municipales de 1983, on recense deux conseillers municipaux frontistes à Dreux (avant l’élection partielle qui se transformera en « tonnerre » national), et un respectivement à Lunel, à Grasses et à Antibes sans oublier Jean-Marie Le Pen lui-même en tant que conseiller d’arrondissement dans le XXe.

À propos de la Nouvelle-Calédonie, Jean-Marie Le Pen découvre pendant son séjour sur le « Caillou » une réalité bien éloignée de la narration journalistique. Il remarque que l’indépendantisme kanak est « dirigé non pas contre la France, mais contre le RPCR et ses commanditaires, Lafleur, Laroque, Lavoix, les trois L, et les autres richards chiraquiens qui, sous couleur de représenter la France, imposaient une oligarchie dont ils tiraient le plus grand profit (pp. 147 – 148) ».

Bien que regroupement de diverses sensibilités nationales et nationalistes, « le Front national d’avant, le Front national de la traversée du désert, le Front national “ artisanal ” avait poussé beaucoup plus loin qu’on ne le dit la réflexion doctrinale (p. 137) ». Pour preuve, un fascicule méconnu de 1979, Problèmes énergétiques et solutions écologiques, qui démontre l’antériorité du combat écologique bien pensé du FN par rapport aux Verts.

Jean-Marie Le Pen évoque aussi le travail de Pierre Gérard, secrétaire général du FN avant que Jean-Pierre Stirbois ne le remplace. Pierre Gérard rédige Droite et démocratie économique. Ce texte se réclame d’« un capitalisme populaire, notamment par la distribution du capital des grandes entreprises nationalisées aux Français (p. 81) ». Était-il un distributiste français, disciple de G.K. Chesterton et de Hilaire Belloc ou bien un lecteur du pancapitalisme de Marcel Loichot, largement aidé par Raymond Abellio ? Selon Jean-Marie Le Pen, ce livre « était une bonne synthèse entre liberté et solidarité, une troisième voie réaliste entre luttes des classes et monopoles, loin des aspirations interventionnistes, en quelque sorte proto-philippotistes, qu’Ordre Nouveau avait transmises au Parti des forces nouvelles (p. 81) ». Tant avec Pierre Gérard qu’avec Bruno Mégret plus tard, le FN a souvent proposé une tierce voie économique et sociale. Au soir du 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen se proclame « économiquement de droite, socialement de gauche et nationalement de France ».

Sur le monde et les enjeux européens

Le « Diable de la République » qui serait plus vraisemblablement l’« Archange de la Nation » insiste sur son expérience géopolitique. Il a des pages très fortes envers cette victime du mondialisme qu’a été le président irakien Saddam Hussein. Quand il le rencontre pour la première fois à Bagdad au moment de la future deuxième guerre du Golfe afin d’obtenir la libération de Français horrifiés d’être sauvés par la « Bête immonde », « le courant est passé. Il y a eu quelque chose. Une sympathie naturelle entre deux parias qui refusent de courber l’échine devant la puissance injuste et cherchent des solutions humaines à des conflits humains. Peut-être aussi entre deux fils du peuple qui aiment leur pays et ont combattu pour lui (p. 302) ». Ces lignes devraient être lues et méditées par cette jeune participante d’Academia Christiana qui, en août 2016, choquée d’entendre l’éloge du dirigeant irakien par l’auteur de ces lignes, lui demanda si ce n’était pas excessif de célébrer un « tueur ». Malgré toute sa bonne volonté et sa candeur, elle confondait l’impératif du politique, l’illusion de la morale publique et le monde joyeux de « L’Île aux Enfants ».

Jean-Marie Le Pen a combattu toute sa vie pour la France et les Français. Il a aussi lutté pour la vraie Europe. « Nous fûmes des éclaireurs éclairés du combat et contre l’invasion et contre la décadence de l’Europe (p. 41). » Dès la chute du Mur de Berlin, il devine que « la révolution mondialiste prenait l’identité française et européenne en tenaille entre l’invasion migratoire venue du tiers-monde et l’invasion culturelle américaine (p. 290) ». Sur ce point précis, le vingt-neuvième chapitre, « L’Europe d’Autant-Lara », est magnifique. En 1989, le grand réalisateur de cinéma Claude Autant-Lara, longtemps proche des communistes, est élu député européen sur la liste du FN. Doyen d’âge du Parlement européen le jour de la première séance inaugurale, il prononce un brillant discours hostile à l’américanisation de la vieille civilisation européenne. Hélas ! Ce beau texte n’a jamais été conservé. Claude Autant-Lara aime le génie français. Derrière l’entreprise « rock – coca », il se doute que « tout empire multiculturel, multireligieux, multi-ethnique provoque de telles tensions qu’il induit en réaction un pouvoir fort, une surveillance constante, un vivre ensemble de fer (p. 413) ». Les sociétés multiraciales d’Occident versent dans la compétition des races et se retrouvent sous prétexte d’état d’urgence sanitaire, bancaire ou glaciaire avec des assignations à résidence collectives et un contrôle de masse tatillon des populations.

L’auteur de Tribun du peuple rappelle que « député poujadiste, j’avais voté contre le Traité de Rome. L’Europe était pour moi une histoire commune, un sentiment commun (p. 288) ». En 1984, président du groupe des Droites européennes, il rappelle que « l’histoire de l’Europe, c’est d’abord Marathon, c’est Salamine, c’est Lépante, c’est Vienne, c’est Poitiers (p. 282) ». À l’occasion d’une autre intervention prononcée en séance le 6 avril 1988, il lance : « Ici, aujourd’hui, à Strasbourg, je propose aux peuples d’Europe un objectif et un mythe. Un objectif : la liberté pour l’Europe de l’Est. […] Un mythe […] : celui de la construction et de la renaissance d’une Europe grande puissance du XXIe siècle (p. 283). » Quel sens de l’anticipation !

« J’ai toujours été européen, profondément, fortement (p. 227) », « mais autant j’étais européen, autant je n’étais pas européiste (p. 288) ». « La pratique du Parlement européen m’a conduit à ne plus croire que l’Europe de Bruxelles puisse s’amender (p. 311). » Au contraire des Frexitersobsessionnels, Jean-Marie Le Pen reconnaît qu’« à nos débuts à Strasbourg, j’ai cru à la possibilité d’une confédération des puissances européennes veillant à la défense de ses intérêts communs et de ses frontières, notamment contre l’immigration, j’ai même préconisé une armée européenne. J’ai bien dû constater hélas que ce n’est pas cela que voulait le Parlement européen et la Commission européenne. Ils ne pensaient qu’à nous emmener, par petites étapes, mais à marche forcée, vers la fédération, en masquant plus ou moins leur but (p. 288) ». Il précise même que « lors de notre première mandature à Strasbourg, nous préconisions une confédération des nations européennes étroitement alliées aux États-Unis au sein de l’OTAN contre la menace soviétique. À la seconde, nous défendions un monde multipolaire contre Washington et sa menace monopoliste. La menace ne vient plus de l’Est, elle vient du Sud physiquement et, mentalement, de l’Ouest et du Nord (p. 287) ».

Le second tome des mémoires du « Menhir » constitue donc un formidable témoignage de cinquante années d’engagement politique effectif. Les dernières pages dégagent une « mélancolie française » certaine. Élu président de la République dès 1988, Jean-Marie Le Pen aurait donné une autre impulsion à la France et à l’Europe qui ne seraient pas aujourd’hui la risée du monde. Il restera dans l’histoire comme un Aétius politique assassiné symboliquement par le Système cosmopolite. Dans deux siècles au moins, quand on étudiera ce combattant politique du XXe et du début du XXIe siècle, on s’étonnera à la fois de ses prévisions souvent justes et de l’aveuglement volontaire de ses contemporains à son égard. Le peuple s’est détourné du tribun pour suivre les pantins et autres histrions pour son plus grand malheur.

• Jean-Marie Le Pen, Mémoires. Tome II. Tribun du peuple, Éditions Muller, 2019, 559 p., 24,90 €.

12:32 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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