vendredi, 21 janvier 2022
Le retour du réel
Laurence de Charette
C’est là un domaine où le réel n’a plus que lointainement prise sur le discours. Gageons donc que les derniers chiffres, montrant une accentuation de la pression migratoire post-Covid, ne changeront pas grand-chose à l’affaire : plus la question migratoire s’impose, plus la novlangue de la bien-pensance tente de la bouter hors de son champ ; plus les Français tentent d’exprimer leur désarroi, plus fleurissent dans le débat public ces euphémismes et anathèmes qui paralysent la pensée. Gare à celui qui ose faire l’éloge des frontières! Le voilà immédiatement renvoyé à la culpabilité supposée de ses ancêtres coloniaux, accusé de «jouer sur les peurs», et accablé de qualificatifs calomnieux sur les réseaux - « fasciste », « nauséabond », « rance ». La liste des adjectifs de circonstance est longue et la répétition vise à recouvrir la réalité : défaite de l’école, quartiers abandonnés. Il est pourtant permis de penser que le constat de l’échec de l’intégration est aujourd’hui en fait largement partagé. C’est d’ailleurs à la gauche que l’on doit - mais en «off»- certaines des sorties les plus frappantes. Chacun se souvient des aveux de François Hollande: « Comment peut-on éviter la partition? Car c’est quand même ça qui est en train de se produire, la partition.» Et des sombres prédictions de son ancien ministre Gérard Collomb (qui ont malheureusement si peu inspiré Emmanuel Macron) : « On vit côte à côte, je crains que demain on vive face à face. On a cinq ans pour éviter le pire... Après...» lâchait-il en... 2018.
Le tournant qu’a pris l’immigration, en sortant d’une perspective d’assimilation par le pays d’accueil – qui fut au moins l’horizon des premières vagues - pour s’inscrire dans une revendication des identités d’origine, percute aujourd’hui nos sociétés en profondeur. Et dans cet ébranlement, dans la précarisation de la culture, de la langue, de l’histoire, grandissent les tourments des Français et la crainte d’une forme de déracinement à domicile. Le déni têtu des élites – qui s’acharnent à nier le réel ! - fait croître le sentiment d’abandon et d’impuissance qui nourrit ces «populismes» qu’il est convenu de montrer du doigt. Ne nous trompons pas de bataille! Parce qu’elle est aujourd’hui au cœur de la destinée collective, la question de l’immigration doit être au cœur de la campagne électorale.
Source : Le Figaro 21/01/2022
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