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dimanche, 24 septembre 2023

Marine Le Pen accusée de népotisme : est-elle la seule ?

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Camille Galic

Une attaque stupide

Attaqué de toutes parts car président du Front national, Jean-Marie Le Pen déplorait naguère de devoir ingurgiter « tous les matins un bol de crapauds au petit déjeuner ». Même si elle a récemment renoncé à sa fonction pour ne présider que le groupe parlementaire RN à l’Assemblée nationale, sa fille et « successeuse » n’est pas mieux lotie. Le remboursement anticipé du prêt russe qu’elle avait obtenu en 2017 — après refus catégorique de toutes les banques françaises — n’empêche pas les accusations sur sa proximité avec Poutine et, visiblement inquiet du score des nationaux aux prochaines élections européennes, Olivier Marleix, président du groupe LR au Palais-Bourbon, a lourdement daubé le 19 septembre au micro de France Info sur le népotisme pratiqué par Marine Le Pen puisque « sa nièce Marion Maréchal est la tête de liste de Reconquête ! et son neveu par alliance Jordan Bardella tête de liste du RN ».

Accusation stupide. Non seulement la « candidate naturelle » du RN à la présidentielle de 2027 est totalement étrangère aux choix électoraux de Reconquête !, mais elle aurait évidemment préféré que Jordan — compagnon de sa nièce Nolwenn, fille de sa sœur aînée Marie-Caroline —, qui était présenté dans les sondages comme le gagnant des européennes devant la liste macroniste, n’eût pas à subir la concurrence de Marion qui lui enlèvera forcément des voix, et risque de faire passer le RN en deuxième position.

Des « fils ou filles de » aux commandes

Accusation indécente surtout, parce que, outre le clan Le Pen (Marie-Caroline fut conseiller régional et le second époux de celle-ci, Philippe Olivier, est eurodéputé depuis 2019, Marion elle-même ayant été élue à 22 ans dans le Vaucluse aux législatives de 2012), les dynasties politiques pullulent en France, ne serait-ce parce qu’il est fréquent, et assez naturel, de vouloir suivre les traces familiales — comme l’avaient fait le Toulousain Dominique Baudis et le Niçois Jacques Médecin, tous deux maires de grandes villes, héritiers des fauteuils de leurs pères, Pierre Baudis et Jean Médecin.

Pour ne considérer que les contemporains, on compte ainsi parmi les fils, filles ou femmes de :

  • Pierre Joxe, fils du calamiteux Louis, artisans des Accords d’Évian, ministre d’État et des Affaires algériennes sous De Gaulle, et lui-même pilier des gouvernements du double septennat Mitterrand — il trônait à l’Intérieur lors de la vraie-fausse profanation de Carpentras dont il assura la mise en scène anti-FN en 1990. Ce qui ne l’empêcha pas d’accéder ensuite à la présidence du Conseil constitutionnel.
  • Jean-Louis Debré, fils du Premier ministre gaullien Michel Debré, ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Juppé et plus tard président du conseil Constitutionnel.
  • Bernard Debré, autre fils de Michel, médecin urologue mais choisi comme ministre de la Coopération par Edouard Balladur.
  • Jean-Pierre Cot, député socialiste et ministre de la Coopération et du Développement dans un gouvernement Mauroy après son père Pierre Cot, ministre de l’Air sous Léon Blum.
  • Jean-de Gaulle, petit-fils de l’illustre Charles, député RPR des Deux-Sèvres puis de Paris, vice-président du Conseil régional de Poitou-Charentes (1992-94), député et vice-président UMP de l’Assemblée nationale (1995-97).
  • Charles de Gaulle, frère du précédent, membre de l’UDF, du Mouvement pour la France puis du Front national qui en fera un député européen de 1993 à 2004 (difficile dans ce cas de parler de népotisme).
  • Gilbert Mitterrand, fils de François, député socialiste de la Gironde.
  • Jean-Christophe Mitterrand, frère du précédent, surnommé Papamadi et conseiller à l’Élysée pour les affaires africaines.
  • Françoise de Panafieu, député de Paris puis ministre du Tourisme dans le premier gouvernement Juppé après son père François Missoffe, qui avait détenu de multiples portefeuilles sous les présidences de De Gaulle.
  • Alain Pompidou, fils du président Georges Pompidou, eurodéputé de 1989 à 1999.
  • Jean-Michel Baylet, fils de Jean, député-maire radical de Valence d’Agen, lui-même maire de Valence d’Agen, député puis sénateur, président du Conseil général du Tarn-et-Garonne, président du Parti radical et ministre de l’Aménagement du Territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales dans le gouvernement Valls. Également PDG du groupe La Dépêche, poste hérité de sa mère Evelyne Isaac, il est depuis 2018 l’influent président du Syndicat de la Presse quotidienne régionale.
  • Roselyne Bachelot, fille du député gaulliste Jean Narquin, député du Loir-et-Cher dont elle hérita le siège en 1988, sœur de Jean-Yves Narquin, ancien maire de Villedieu-le-Château, et ex-belle-sœur du Dr François Bachelot, député FN de la Seine-Saint-Denis, cette pharmacienne a réussi l’exploit d’occuper divers postes ministériels sous les présidences de Chirac, de Sarkozy et de Macron, en dernier lieu la Culture.
  • Michèle Alliot-Marie, fille du maire de Biarritz Bernard Marie, et elle-même ministre sous Chirac puis Sarkozy de la Défense, de la Justice et des Affaires étrangères.
  • Henri Giscard d’Estaing, fils de VGE, patron du Mouvement des Jeunes Giscardiens et plus jeune conseiller général jamais élu (dans le Loir-et-Cher, où Valéry possédait un château).
  • France Jamet. Fille d’Alain Jamet, conseiller régional et ancien premier vice-président du Front national, nièce du journaliste et essayiste Dominique Jamet, ancien directeur de la Bibliothèque nationale de France et elle-même militante du FN à 13 ans, elle est élue au Parlement européen en 2019.
  • Dominique Estrosi-Sassone, fille de Jean Sassone (1931-2006), adjoint au maire de Nice, et épouse (divorcée) du maire de Nice Christian Estrosi, qui l’aida néanmoins à devenir vice-présidente du Conseil départemental des Alpes-Maritimes, sénateur UMP puis LR de ce département en 2014 et présidente de l’office public de logement social Côte d’Azur Habitat. Idéal pour pratiquer le clientélisme.
  • Jean Sarkozy. Fils de Nicolas, il est élu à 22 ans en 2008 conseiller général de Neuilly-Sud, fief paternel, puis président du groupe UMP-Nouveau Centre-Divers Droite au Conseil général des Hauts-de-Seine et se porte en 2009 candidat à la présidence de l’EPAD, organisme-clé chargé de l’aménagement urbain et de l’attribution des marchés immobiliers au sein du quartier d’affaires de La Défense, le plus « riche » d’Europe. Malgré le plein soutien de l’Elysée, la manœuvre échouera et il abandonnera la politique après son mariage avec Jessica Sebaoun, héritière de l’empire Darty.
  • Martine Aubry, fille de Jacques Delors (ministre de l’Economie et des Finances sous Mitterrand de 1981 à 1984 puis président de la Commission européenne de 1985 à 1995), cette énarque sera elle-même ministre du Travail dans le gouvernement Bérégovoy puis dans le gouvernement Jospin (on lui doit les « 35 heures » et la CMU). Ensuite Premier secrétaire du Parti socialiste, elle est depuis 2001 maire de Lille.

Insoumis mais endogames

La liste, que nos lecteurs complèteront, est loin d’être exhaustive. Et l’on n’oubliera pas qu’à l’extrême gauche, népotisme et endogamie règnent aussi : aux législatives de 2022, Jean-Luc Mélenchon fit ainsi élire son gendre Gabriel Amard, dans la 6e circonscription du Rhône, s’il eut moins de chance avec sa compagne maghrébine Sophia Chirikou qu’il avait imposée dans la 6e de Paris, où elle se fit étendre. En revanche, persuadé que deux mandats législatifs valent mieux pour faire bouillir la marmite, l’Insoumis Alexis Corbière parvint à faire élire son épouse chilienne Raquel Garrido. Sous Hollande, le couple de Verts Jean-Vincent Placé et Cécile Duflot s’étaient mutuellement fait la courte échelle pour obtenir des maroquins ministériels.

Tactique aujourd’hui suivie, au sein de la Macronie, par le couple pacsé Gabriel Attal/Stéphane Séjourné : à 33 ans à peine, le premier a décroché le périlleux mais prestigieux ministère de l’Éducation nationale et le second, déjà promu secrétaire général du groupe Renaissance, conduira l’an prochain la liste présidentielle aux élections européenne.

Et puis, au fait, le député LR d’Eure-et-Loir Olivier Marleix, le grand donneur de leçons, n’a-t-il pas lui-même de qui tenir ? Papa n’est autre qu’Alain Marleix, député RPR puis UMP du Cantal et secrétaire d’État chargé des Anciens à l’Intérieur et aux Collectivités territoriales dans le gouvernement Fillon II. Bon chien chasse de race, sans doute mais, pour citer encore le patriarche Le Pen, « il ne faut pas monter au mât de Cocagne quand on a les braies sales ».

Source : Polemia

03:38 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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