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dimanche, 13 octobre 2024

Un avenir réservé

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Vigie d’un monde en ébullition, n° 128, mis en ligne le 9 octobre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

Georges Feltin-Tracol

Début septembre, une fois la période des vacances estivales achevée, la SNCF (Société nationale des chemins de fer français) a décidé de pénaliser par de lourdes amendes tout client en cas de surcharge de bagage. La mesure s’inspire des compagnies aériennes qui limitent de manière draconienne le volume maximal à transporter. Désormais, les TGV et les Intercités n’acceptent plus que deux valises de taille moyenne et un petit bagage à main pour chaque voyageur. Les contrôleurs vérifieront, car ils reçoivent sur toutes les amendes dressées une rétribution au pourcentage. On comprend mieux pourquoi cette catégorie professionnelle réclame toujours plus de personnel afin de garantir une meilleure sécurité à bord. Cette revendication est une déplorable plaisanterie de la part des syndiqués de la CGT et de SUD-Rail, organisations qui terrorisent l’économie et qui dénoncent sans cesse toute mesurette répressive à l’encontre de la racaille…

Il faut cependant reconnaître que bien des contrôleurs s’affligent des aberrations manifestes de leur entreprise. De nombreuses gares en campagne ne possèdent plus de guichet ou ne disposent que d’un automate peu maniable. En outre, il devient impossible de prendre un billet sur Internet au dernier moment, car le TER (Train Express Régional – l’équivalent du Transilien en Île-de-France) affiche complet, ce qui est faux. À tout voyageur sans billet de bonne foi, les contrôleurs regrettent d’appliquer le prix du trajet avec une majoration. Leurs appareils ne sont pas prévus pour s’adapter aux situations particulières. Ubu côtoie Kafka.

Longtemps entreprise – modèle du savoir-faire français, la SNCF n’est plus que l’ombre d’elle-même, victime des politiques libérales en matière de transports sous les injonctions des bouffons eurocratiques de Bruxelles et de la mainmise syndicale CGT-SUD. Elle souffre par ailleurs de la présidence désastreuse de Guillaume Pépy de 2015 à 2019 après un premier mandat entre 2008 et 2014. Ce bureaucrate l’a transformée en EasyJet terrestre guère fiable. Les gestionnaires à œillères de la compagnie ferroviaire ne cherchent qu’à fermer les petites lignes comme le réclament aussi les fumeux experts de l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) qui rêvent de tout privatiser.

La réouverture des trains de nuit aurait pu s’apparenter à une relance audacieuse de l’ambition ferroviaire si le public ne s’en détournait pas pour des motifs de temps de parcours trop longs et des conditions matérielles plus ou moins sommaires. Le train demeure un excellent facteur d’aménagement du territoire tant à l’échelle régionale qu’aux échelles française et continentale. À quand donc des lignes à grande vitesse entre Lisbonne et Varsovie, voire Minsk et Moscou, en passant par Madrid, Paris, Bruxelles et Berlin ?

Plus prosaïquement, cet été, une polémique concerna le TER qui dépend en partie des conseils régionaux, organisateurs de leurs lignes en concertation avec la SNCF. Suivant l’exemple en cours depuis juillet 2022 en région Normandie présidée par le centriste Hervé Morin, la région Grand-Est du macroniste de droite molle Franck Leroy, président entre autres du conseil d'administration de l’AFIT France (Agence de financement des infrastructures de transport de France) a mis en place une réservation gratuite obligatoire sur les lignes Paris-Troyes-Mulhouse et Paris-Châlons-Strasbourg. Il faut s’empresser de préciser que, pour l’instant, 25 % des places restent accessibles sans réservation. On peut imaginer qu’à moyen terme, ce système rigide deviendra payant au même titre que les TGV et les Intercités.

À l’instar du Transilien, le TER contribue au transport quotidien, en particulier pour les migrants pendulaires. En géographie sociale, une mobilité pendulaire désigne le déplacement journalier aller – retour entre son domicile et son lieu de travail, peu importe la manière de se déplacer (train, voiture, tramway, métro, bus). Sait-on qu’en dehors de la région parisienne, la ligne de train la plus fréquentée de France se trouve en Auvergne-Rhône-Alpes entre Lyon et Saint-Étienne ?

La justification fallacieuse de la réservation obligatoire en TER serait la nécessité de mieux répartir l’affluence aux heures pleines. Faudrait-il se rendre au bureau ou dans sa boutique à 9 h, voire à 10 h ? Il y a trente ans, un établissement scolaire avait dû changer ses horaires de cours afin que les élèves internes puissent rentrer chez eux en fin de semaine à un horaire décent. La SNCF a toujours eu une attitude imbue d’elle-même. Ses ingénieurs ne sont-ils pas à l’origine du sabotage de l’aérotrain de Jean Bertin au profit du TGV ?

Après ce précédent en TER, pourquoi ne pas l’étendre à l’accès aux bus, au métro et au tram afin de mieux maîtriser, là encore, l’afflux intermittent des usagers, surtout aux heures d’ouverture et de fermeture des bureaux ? Cette scandaleuse nouveauté se réalise au moment où le contrôle automobile, à savoir la surveillance par caméra thermique du covoiturage, atteint son paroxysme. À l’époque de l’hystérie covidienne, seuls les titulaires du sinistre pass sanitaire pouvaient monter à bord des TGV et des Intercités. En revanche, l’accès en TER ne nécessitait pas cet Ausweis. Ainsi pouvait-on traverser l’Hexagone sous apartheid vaccinal assez librement malgré une durée plus longue et de nombreuses correspondances. Avec la réservation en TER, il sera impossible de parcourir le pays. En outre, la réservation en TER marque la fin de l’anonymat en train. Déjà, au début de l’été 2004, la SNCF avait contraint ses clients à étiqueter leurs bagages. En 2022, toujours en lutte contre l’oubli des bagages, la SNCF a tenté de convaincre la moitié récalcitrante de ses voyageurs à étiqueter les bagages en leur proposant des étiquettes dotées de QR - code. On distribue une étiquette en plastique avec un QR - code en gare. Une fois scannée sur le smartphone, elle  dirige automatiquement l’usager vers un site Internet dédié où il indique ses nom, adresse et numéro de téléphone. Pis, depuis le mois de mai 2019, l’achat de billets de train exige de donner son identité personnelle, son adresse, son numéro de téléphone et sa date de naissance.

Dans son roman dystopique, Et c'est ainsi que nous vivrons (2023), Douglas Kennedy décrit dans un avenir proche l’éclatement de son pays natal en deux entités étatiques rivales : la Confédération chrétienne fondamentaliste qui accorde le port d’arme à ses citoyens, et la République, un régime progressiste wokiste dont tous les habitants sont pucés et donc surveillés par les autorités. Si le puçage de la population est aussi évoqué par la rédaction de Red Team dans le premier ouvrage d’anticipation militaire commandé par le ministère français des Armées, imposer une puce à toute la population risquerait de déclencher des révoltes populaires. Certes, il y aura toujours des malades mentaux qui se feront volontiers pucer. Mais cette mesure liberticide hautement visible détruirait l’actuel récit officiel autour des droits de l’homme, des femmes et des autres.

Le 22 août dernier, l’association Régions de France démentait toute possibilité de généraliser la réservation en TER, y voyant un débat absurde. En fait, la généralisation de la réservation obligatoire à tous les modes de transport public, y compris pour l’autopartage motorisé, passera par une application informatique indolore à télécharger sur le téléphone intelligent que possède tout un chacun (ou presque !). Il faut corréler cette proposition avec la suppression progressive de l’argent physique (les espèces) ainsi qu’au plan dément d’identité numérique envisagé par les hiérarques pseudo-européens, préfiguration du futur crédit social. Dans ce dessein machiavélique, le train joue un rôle essentiel. Il y a plusieurs années, le slogan d’une savoureuse publicité affirmait : « Laissez-vous prendre par le train ». Cette annonce a certainement ravi les habitants du Marais parisien. Très vite arrêtée, cette campagne fut cependant visionnaire puisque les usagers le sont aujourd’hui à travers la réservation obligatoire en TER. L’avenir sera une succession de moments réservés payants.            

Salutations flibustières !

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