10 mars 1906 : l'enfer dans les fosses de la Compagnie des Mines de Courrières !

Yves Darchicourt

10 mars 1906: le travail commence dans les fosses 2, 3, 4 et 11 de la Compagnie des Mines de Courrières. Les hommes sont descendus bien que, depuis trois jours qu'il a débuté dans une veine de la fosse 2, un incendie perdure malgré la mise en place d'une simple estoupée d'abord puis de barrages consécutifs de maçonnerie pour étouffer le feu. Le délégué des mineurs a bien tenté d'obtenir l'interruption du travail jusqu'à ce que l'incendie soit maîtrisé et puis il a répété ce que des camarades lui ont dit: depuis quelques jours une odeur suspecte flotte dans certaines galeries de la fosse 4, du grisou sans doute. On ne l'a pas écouté, la rentabilité d'abord, la Direction a des comptes à rendre aux actionnaires et le charbon rapporte gros à ceux qui ne l'extraient pas eux-mêmes.

A 6 h 00 ils sont 1664 à être descendus. A 6 h 43, l'explosion d'une nappe de grisou dans la fosse 4 a soulevé une énorme quantité de poussières qui s'enflamment aussitôt. En deux minutes le souffle incandescent du "coup de poussier" va balayer 110 km de galeries carbonisant les hommes, puis les gaz méphitiques se répandent jusque dans les moindre veines... 1 099 ouvriers mineurs sont morts brûlés ou asphyxiés dont 242 galibots de 13 et 17 ans.

Pas de postes de secours. Ni équipes de sauveteurs ni matériels spécialisés avant l'arrivée des belges du Borinage et des allemands de la Ruhr. La Compagnie qui bâcle les opérations de sauvetage, fait protéger les gisements et veut relancer l'exploitation. Les corps dans les fosses communes, la cérémonie des obsèques expédiée à la va-vite sous la neige. La rancoeur, l'exaspération, la rage dans les corons et la grève enfin. Les gueules noires qui multiplient les débrayages et Clemenceau qui fait donner la cavalerie. La République au service des dividendes ! Et 1 099 mineurs de fonds passés en pertes et profits !