mercredi, 03 août 2022
Est-ce la fin de l’hégémonie allemande ?
Entretien avec Jean-Michel Quatrepoint*
LE FIGARO. - La crise a mis en évidence les failles de la stratégie énergétique allemande. Cela remet-il en cause le modèle allemand?
Jean-Michel QUATREPOINT. - En matière énergétique, oui. Les Allemands ont choisi à la fois les énergies renouvelables - solaires et éoliennes - et le gaz russe. Mais ils ont surtout fait le choix d’abandonner le nucléaire. Cet abandon n’est pas seulement dû à des raisons écologistes; il s’explique surtout par le fait que l’Allemagne n’avait pas le leadership industriel en matière de nucléaire. Au départ, il y avait une coopération franco-allemande : Siemens avait 30% dans la société qui devait fabriquer les EPR, Areva ayant le reste. Mais en matière industrielle, les Allemands ne connaissent pas la coopération; soit ils ne sont pas présents, soit ils dirigent. Les Français ayant bloqué la volonté de Siemens de monter au capital d’Areva, Siemens s’est retiré du projet EPR en 2008. Trois ans plus tard, Angela Merkel a pris le prétexte de Fukushima pour arrêter le nucléaire et fermer les centrales. Aujourd’hui, le comble est que les Allemands ont encore trois centrales en activité, qu’il est prévu de fermer à la fin de l’année. Ils pourraient parfaitement les maintenir en activité pendant un ou deux ans, ne serait-ce que pour éviter d’ouvrir plus de centrales à charbon. Mais pour le moment il n’en est pas question, même si les industriels allemands réclament la prolongation de ces centrales nucléaires.
Les limites du modèle allemand touchent aussi l’économie : le pays a enregistré un déficit proche du milliard d’euros en mai, une première depuis 1991...
Le modèle allemand est un modèle mercantiliste, il mise sur des excédents de balance commerciale, essentiellement produits par l’industrie. Les Allemands ont profité de ce modèle pendant vingt- cinq ans: ils ont accumulé des excédents commerciaux, sur la zone euro essentiellement, et sur la France également, avec qui l’excédent commercial est d’environ 40 milliards d’euros chaque année. Cela s’explique en partie par le fait que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée allemande est le double de celle de la France. On est autour de 21% en Allemagne contre 10% en France. La désindustrialisation a coûté très cher à la France. Comme les gains de productivité de l’industrie sont intrinsèquement supérieurs à ceux des autres branches de l’économie, la réduction de la part de l’industrie en France a eu un effet mécanique de ralentisseur sur la croissance. Tout ça s’est traduit dans les chiffres du commerce extérieur. La France a accumulé des déficits, et l’Allemagne a accumulé des excédents. L’Allemagne a aussi bâti son modèle économique sur la délocalisation dans les pays de l’Est. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle a poussé à des élargissements de l’Union européenne rapidement. Elle a délocalisé une partie des sous-ensembles dans les chaînes de valeur, mais elle a concentré l’essentiel de la valeur ajoutée sur le territoire allemand : les pièces détachées sont fabriquées à l’Est puis sont rapatriées de sorte que le produit fini sorte des usines allemandes. L’industrie automobile française a fait l’inverse : elle a délocalisé l’intégralité de la production, ce qui était une erreur. Un autre avantage a été celui d’avoir accès à une énergie peu chère avec le gaz russe. À partir du moment où ils ne pouvaient pas avoir la maîtrise industrielle du nucléaire, les Allemands ont basculé sur le gaz russe. Dans le même temps, les Allemands ont essayé d’enlever l’avantage compétitif que les Français avaient avec l’énergie nucléaire en faisant sauter le monopole d’EDF et en agissant auprès de Bruxelles. Cela fait partie de la guerre souterraine à laquelle se livrent la France et l’Allemagne depuis vingt ans.
La fragilisation du modèle économique allemand signe-t-elle la fin de ce que vous appelez « l’hégémon de l’Allemagne » ? Cela peut-il rebattre les cartes en Europe ?
Ça pourrait rebattre les cartes si la France était en meilleure santé. Mais elle a un déficit commercial abyssal ; nous payons aujourd’hui les vingt-cinq ans d’erreur depuis 1995. Même si on a stoppé l’abandon de l’industrie depuis deux-trois ans, on ne redresse pas vingt-cinq ans d’erreur en quelques années. C’est un processus qui va durer au moins une génération. Ensuite, la France a une dette considérable, dont on va reparler dans les prochains mois, et on n’est pas dans une situation où l’on peut retrouver un avantage par rapport à l’Allemagne.
Sur la question énergétique, la France ne tire-t-elle pas son épingle du jeu ?
La France tire son épingle du jeu, mais nous avons un problème dû au fait que nous avons dénigré le nucléaire pendant quinze ans. Le nucléaire ne revient sur le devant de la scène que depuis un ou deux ans; il faut rappeler que c’est Emmanuel Macron qui a fermé Fessenheim. Aujourd’hui, la moitié des réacteurs nucléaires français sont à l’arrêt, c’est un comble. Par idéologie et par absence d’investissement, nous avons perdu les compétences ces douze dernières années. Une partie des retards de Flamanville sont aussi dus à l’excès de sous-traitance, y compris à des sociétés étrangères, parce que nous n’avons plus les compétences en France.
Se pose aujourd’hui la question de la solidarité entre pays européens : doit-on accepter de tarir nos ressources pour venir en aide à l’Allemagne ?
Cela va être un excellent exemple : on va pouvoir expliquer aux Allemands que la première des décisions qu’ils peuvent prendre, c’est de prolonger l’activité de leur dernière centrale nucléaire le temps qu’il faut. Moi, je conditionnerais cette solidarité à ça. Ils ont les moyens de récupérer un peu d’électricité pour l’hiver avec leur dernière centrale nucléaire. Nous pouvons accepter la solidarité à condition que chacun y mette du sien.
Certains évoquent la comparaison avec la crise grecque. Cette comparaison est-elle justifiée ? Les mécanismes de solidarité ne sont-ils pas appliqués à géométrie variable ?
On observe déjà que la Hongrie négocie des accords particuliers avec la Russie, faisant une entorse à l’unanimité au niveau européen. L’Espagne va négocier aussi pour obtenir des conditions particulières, de la même manière que le Portugal, qui refuse ce mécanisme de solidarité. Mais le mécanisme de solidarité existe déjà de facto : on achète effectivement de l’électricité aux Allemands, qui vient d’ailleurs de centrales à charbon. On voit que cette solidarité est à géométrie variable. Il suffit de se remémorer la manière dont les Grecs ont été traités pendant la crise, notamment par les Allemands et M. Schäuble. Mais on ne peut évidemment pas traiter l’Allemagne comme on a traité les Grecs.
(*) Journaliste économique
Source : Le Figaro 3/8/2022
09:23 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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L’affaire Cayeux
Robert Spieler
L’affaire Caroline Cayeux mérite d’être analysée dans le détail, tant elle démontre l’incommensurable lâcheté de la classe politique et l’arrogance des lobbys LGBTQIA+... On sait que depuis sa nomination au gouvernement, le 4 juillet, le ministre des Collectivités territoriales se retrouve sous le feu des critiques en raison de propos jugés “homophobes” tenus lors d’une séance au Sénat en avril 2013. L’inconsciente avait dit les “assumer” avant de faire marche arrière de façon particulièrement misérable. 129 personnalités, dont les anciens ministres socialistes Jack Lang et Manuel Valls, ont signé une tribune parue le 17 juillet dans l’Obs et dans le Journal du dimanche pour remettre en cause son maintien au sein du gouvernement.
Une cinquantaine de députés de gauche avaient auparavant demandé, dans une pétition parue dans le journal homosexualiste Têtu, le lundi 11 juillet, soit six jours plus tôt, « le départ » de trois ministres — le ministre de l’Ecologie, Christophe Béchu, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et donc Caroline Cayeux — qu’ils accusent d’avoir « un passé » au sein de la Manif pour tous et d’être des « LGBTQIAphobes notoires ». Rappelons les propos, il est vrai d’une extrême gravité, tenus par Caroline Cayeux qui citait la philosophe Chantal Delsol, épouse à la ville de l’ancien ministre Charles Millon. « Je pense que “l’exigence du mariage homosexuel, et l’adoption des enfants qui va avec”, n’est pas simplement un dessein “qui va contre la nature” ». Caroline Cayeux avait jugé l’affaire « plus grave, parce que l’on ne débat pas sur la question des limites : tout ce que je veux, et tout de suite, et qu’elles qu’en soient plus tard les conséquences. »
Bien entendu, les hurleurs hurlèrent. La pétition accusait Macron, « élu pour faire barrage à l’extrême droite homophobe » d’ajouter « à son gouvernement » une « nouvelle figure de la Manif pour tous ». Le 12 juillet, l’inconsciente disait “assumer” ses propos, déclarant crânement les maintenir, lors d’une intervention sur la chaîne Public Sénat. Avec un bémol toutefois. Se posant en républicaine pur jus, elle ajoutait : « J’ai toujours dit que la loi, si elle était votée, je l’appliquerai ». Quel courage ! Croyant bien faire, elle sortit l’argument qu’elle espérait choc, en ajoutant gravement : « J’ai beaucoup d’amis parmi tous ces gens‐là ». « C’est un mauvais procès qu’on me fait et ça m’a beaucoup contrarié. Je n’ai jamais fait partie de La Manif pour tous, je n’ai jamais défilé, que les choses soient claires. » Mais l’expression « J’ai beaucoup d’amis chez ces gens‐là » suscita l’indignation de nombreuses personnalités politiques. Le ministre Cayeux « insulte les homosexuels à la télévision. C’est grave, dangereux et interdit », s’indigna, entre autres, la militante Caroline De Haas.
Indignation chez « ces gens-là »
Caroline Cayeux fit ensuite marche arrière, le 15 juillet, dans un message publié sur Twitter : « Mes propos ont blessé nombre d’entre vous, écrit-elle. Je les regrette profondément, ils étaient naturellement inappropriés. L’égalité des droits doit toujours être une priorité de notre action. » Six associations « de lutte contre l’homophobie » déposèrent plainte, mercredi 13 juillet, à Paris pour « injure publique envers un groupe de personnes en raison de leur orientation sexuelle par une personne dépositaire de l’autorité publique ». Près de dix ans après le vote du mariage pour tous, « ces propos sont outrageants pour les personnes homosexuelles », estime Etienne Deshoulières, avocat de ces associations. La meute était lâchée. « On ne peut pas avoir un gouvernement qui prétend lutter contre les discriminations que nous subissons et une ministre qui s’autorise à dire ça », déclarait, quant à elle, Terrence Khatchadourian, secrétaire général de Stop Homophobie sur franceinfo. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, évoquait des « propos anachroniques », et Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, déclarait sur LCI qu’il fait, lui aussi, « partie de ces gens‐là ». Ça commençait sérieusement à chauffer pour le ministre qui redoubla d’efforts dans le registre de l’autoflagellation, déclarant “regretter” ses propos “stupides” de 2013, ajoutant que “les propos mentionnés remontent à dix ans ». « Et si je ne peux nier les avoir tenus, évidemment que je ne les utiliserais plus et les regrette. Je comprends que ces propos maladroits aient pu autant blesser ». « Je tiens ici à renouveler toutes mes excuses les plus sincères car ils ne reflètent pas du tout ma pensée ».
Mais ce n’est pas fini. Revenant sur la plainte déposée par plusieurs associations, terrorisée à l’idée d’être éjectée de son ministère, elle en rajoutait une couche, indiquant qu’elle leur a « écrit un courrier d’excuses », évoquant des « propos stupides et maladroits » : « Je veux qu’elles sachent qu’elles me trouveront toujours à leurs côtés dans les combats qu’elles mènent contre les discriminations et pour l’égalité des droits. » ajouta- t-elle. Interrogée sur son expression « parmi ces gens‐là », Caroline Cayeux assure mesurer « combien cette expression a été choquante et douloureuse pour de nombreuses personnes ». Quelle larve exceptionelle ! Et quelle naïveté ! Car, bien entendu, les chiens excités par l’odeur du sang, ne la lâcheront jamais. Même Manuel Valls, que l’on croyait disparu dans les oubliettes de l’Histoire, y est allé de son indignation. La secrétaire d’Etat chargée de l’Economie sociale, Marlène Schiappa, dénonce sur France Inter des propos « bien évidemment très blessants ». Le Premier Ministre, Elisabeth Borne a déclaré pour sa part que Caroline Cayeux a pu « réaffirmer qu’elle partageait totalement les valeurs progressistes que porte le président, que je porte et que porte mon gouvernement, et qu’elle sera très vigilante à l’avenir au soutien qui peut être apporté à toutes les associations qui luttent contre les discriminations, et notamment contre l’homophobie. » Ça promet ! Décidément, Catherine Cayeux boira la coupe jusqu’à la lie. Le prix exhorbitant à payer pour rester ministre. Le prix de la lâcheté. Mais, comme le soulignait Jérôme Bourbon dans l’éditorial du 20 juillet, ces gens-là n’oublient jamais, ne pardonnent jamais. Malgré les reptations de celle qui souhaite tant rester ministre, les signataires de la tribune estiment que les “regrets” de Caroline Cayeux n’ont pas la « force de la sincérité ». Quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle dise, la voici marquée à vie du sceau de l’infamie.
Source ; Rivarol du 27/7 au 30/08/2022
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