dimanche, 01 décembre 2024
DÉCEMBRE : MOIS DU BILAN (financier)
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Roland Hélie
directeur de Synthèse nationale
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ALEP : « L’ÉTAT ISLAMIQUE », C’EST REPARTI !
Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
Alep était une ville magnifique de cet « Orient plus que compliqué » lorsque j’y suis allé, il y a fort longtemps. Tout faisait penser à ce que notre imaginaire d’enfant ou d’adolescent avait laissé transpirer en termes d’images et d’odeurs. Images d’un Orient fantasmé. Le Bagdad « des mille et une nuits » bien entendu et, plus particulièrement dans le cas qui nous intéresse, Alep avec ses minarets en forme de fusées, sa massive forteresse, dominant la ville, mutilée plus tard par les combats entre rebelles et gouvernementaux… Des odeurs des souks et, plus particulièrement celle, plus persistante, du savon, spécialité locale déclinée à tous les parfums de l’orient.
Un raid spectaculaire qui a surpris tout le monde
L’inattendu, quelque part l’incroyable, s’est produit le mercredi 27 novembre dernier : la plus grande partie de la ville avec son aéroport, sont facilement tombés aux mains des rebelles islamistes du HTC, l’Hayat Al-Cham d’Ahmed Al-Chara. Ce dernier avait déjà fondé Al-Nosra, puis le mouvement salafiste HTS. Le HTC d’aujourd’hui est la version d’Al-Quaida en Syrie. Ces rebelles ne partaient pas de n’importe où et sans « biscuits ». Ils disposaient déjà d’un solide sanctuaire, la province d’Iblid qui leur avait été laissée au terme d’un accord plus ou moins informel entre les parties, et leurs parrains respectifs – Turquie, Iran, Russie -, après la reconquête d’Alep par les forces gouvernementales en 2016.
D’incroyables alliances contre-nature
Des hordes de barbus, armés jusqu’aux dents – un mix d’anciens de Daech, de mercenaires Turkmènes qui « roulent » pour Ankara et d’irréductibles ennemis de Bachar-Al Assad -, parties du quartier du Nouvel Alep, ont pénétré dans la ville sans rencontrer de grande résistance. L’armée syrienne était-elle endormie sur ses lauriers ? Ces hommes ont gagné la citadelle de la « plus vieille cité du monde », comme le revendiquaient jadis des prospectus publicitaires…
On a pu voir des images de jeunes rebelles juchés sur un char gouvernemental abandonné par son équipage, exprimant leur joie de conquérants. C’est un revers monumental pour le gouvernement de Damas et ses alliés russes et iraniens, ainsi que pour les proxys de ces derniers, le Hezbollah, déjà durement étrillé par Israël.
Quelle lecture correcte peut-on faire de ces alliances, bien souvent contre-nature ? D’abord, ce coup porté à Bachar et à son régime arrange les Kurdes dissidents, qui peuvent affermir leur autonomie auto-proclamée mais, dans le même temps, il est de nature à inquiéter leurs alliés américains, qui exploitent sans vergogne le pétrole syrien. Il n’est pas mal vu non plus, par Israël, car il affaiblit son ennemi syrien et ses alliés iraniens et chiites libanais. On pense même que l’État hébreu, pendant la guerre civile syrienne, avait soigné des insurgés islamistes en lutte contre la Parti Baas, en application du principe que « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Superbe alliance contre-nature, moralement condamnable ! La Turquie, pour des raisons différentes, est derrière ces insurgés islamistes qui humilient le régime damascène, son « meilleur ennemi ». Et pourtant, dans « le même temps » comme dirait « l’autre », il indispose Moscou qu’Erdogan veut ménager.
Et nous, Français, quel est notre intérêt là-dedans ?
Notre intérêt immédiat, pour notre sécurité intérieure, est l’affaiblissement de tout ce qui, de près ou de loin, peut conforter la mouvance islamiste. Ce n’est donc pas, une bonne nouvelle, même si le Hezbollah et son parrain iranien, qui tiennent nos amis libanais en otage, son sévèrement touchés, par contre coup. C’est une tragique information pour les Chrétiens d’Orient, et plus particulièrement ceux de Syrie et d’Alep, où ils pensaient pouvoir se reconstruire après la tyrannie de l’occupation de l’État islamique. Ils vont devoir, une fois de plus – une fois de trop ? -, quitter leurs foyers ou « raser les murs »…
Si l’Occident avait réfléchi intelligemment lorsque la Syrie s’est embrasé, il aurait dû soutenir le régime laïc du parti Baas et s’appuyer sur Assad, malgré le despotisme non éclairé de son régime, car, entre deux maux, il faut choisir le moindre. Le temps était fini où l’Iran comme la Syrie, perpétuaient des attentats en nos murs, comme la Libye d’ailleurs sur un autre front. Mais non, les alliés de l’OTAN ont fait le choix inverse. Résultats des courses, des attentats, des victimes et…pas de représailles. Les alliances sont très paradoxales.
La France et ses amis sont proches de pays comme le Qatar et l’Arabie saoudite, qui ne sont pas plus démocratiques que la Syrie dirigée par les Alaouites Assad père et fils, et hostiles à ce dernier. Si l’on peut comprendre que nos intérêts pétroliers sont en jeux et que de fructueux marchés de ventes d’armes s’offrent en perspective à nos industries, on ne peut pas négliger la nébuleuse islamiste fondamentaliste, ni le trouble jeu de puissances comme la Turquie.
Accessoirement le double jeu d’Israël, État qui a la « vue basse », et ne pense pas à l’avenir, ne « roulant » que pour ses propres intérêts à court terme. Autre paradoxe pour notre camp, c’est de souhaiter ardument la victoire de l’un des régimes les plus durs et les plus anti-démocratique de la planète. Mais notre sécurité globale est à ce prix. L’Occident – et l’Europe plus précisément -, vont-ils enfin ouvrir les yeux et, entre deux maux, disons-le encore et encore, choisir le moindre mal ? On déroule bien le tapis rouge devant d’autres satrapes qu’Assad, tout aussi ou bien plus sanguinaires !
16:58 Publié dans Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
Fin de la coalition tricolore allemande
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Les crises politiques s’accumulent en Europe. Longtemps moteur de la politogenèse eurocratique, le duo franco-allemand se paralyse de part et d’autre du Rhin. Une fragile et implicite cohabitation s’installe à Paris entre un président Jupiter dévalué et un « socle commun » parlementaire hétéroclite et instable. À Berlin, la victoire de Donald Trump a amplifié les fractures au cœur même du gouvernement fédéral.
Le 6 novembre 2024, le chancelier Olaf Scholz désavoue le ministre des Finances, Christian Lindner, et demande au président fédéral Frank-Walter Steinmeier de le limoger, chose faite dès le lendemain. Or Christian Lindner dirige le FDP, le parti libéral. Son éviction entraîne la démission de deux autres ministres libéraux de la Justice et de l’Éducation. En revanche, le ministre des Transports et du Numérique reste en place et abandonne le FDP. C’est la fin d’une entente montée avec douleur trois ans plus tôt.
Aux législatives de 2021, le Bundestag se fragmente en six groupes. La coopération habituelle entre les sociaux-démocrates du SPD et les Verts n’assure pas une majorité. Les deux partenaires se tournent alors vers un troisième larron, le FDP. Après de longues et âpres négociations, les trois formations s’accordent, le 24 novembre 2021, sur un contrat commun de gouvernement. Les journalistes parlent de « coalition en feu tricolore » en raison des couleurs respectives des nouveaux alliés (rouge pour le SPD, vert pour les Grünen et jaune pour le FDP). Cette configuration politicienne est inédite dans l’histoire de l’Allemagne fédérale.
Jusqu’en novembre 2023 et en dépit de divergences fréquentes entre les Verts et les libéraux, le gouvernement « tricolore » se maintenait cahin-caha. Il y a un an, le Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe prononçait l’inconstitutionnalité partielle du budget 2023, un camouflet inédit dû à l’initiative de l’opposition démocrate-chrétienne. Le gouvernement Scholz avait en effet jonglé avec différents financements. Il utilisait sciemment un reliquat budgétaire de soixante milliards d’euros, destiné à l’origine à lutter contre le covid-19, afin d’alimenter un fonds destiné à la transformation de l'économie et au climat. Les magistrats critiquèrent la manœuvre et s’indignèrent d’une dépense réalisée entre janvier et octobre 2023 de plus de trente-et-un milliards d'euros sans que ces sommes n’apparaissent dans le budget légal. Le Tribunal constitutionnel interdisait par conséquent de transférer le reste du montant vers tout autre fonds. Sa décision entraînait en outre le gel de l’ensemble des nouveaux crédits de tous les ministères fédéraux inscrits dans ce budget retoqué. Karlsruhe annulait enfin les subventions massives au secteur industriel et aux plans de décarbonation chers aux Verts.
Les dissensions s’affichent au moment où une violente crise économique et sociale atteint la première puissance économique d’Europe, fragilisée par les retombées négatives des sanctions contre la Russie. SPD et Grünen cherchent en priorité à aider les secteurs économiques en difficulté notable. La préparation du budget 2024 devient laborieuse et pose un dilemme : augmenter les impôts ou bien diminuer les dépenses à moins que la coalition s’exonère provisoirement d’une règle débile, celle du « frein à l'endettement » inscrite dans la Loi fondamentale qui limite tout endettement à 0,35 % du PIB. Tenant acharné de cette règle, Christian Lindner se présente aussitôt en défenseur d’une stricte orthodoxie budgétaire, économique et financière. Le 1er novembre dernier, il adressait au chancelier et à leurs alliés une note longue d’une vingtaine de pages suggérant une réduction draconienne des aides, des subventions et des dépenses publiques, en particulier dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Le vice-chancelier et ministre Vert de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, y vit dans cette proposition une véritable déclaration de guerre contre lui et son parti.
Désormais chef d’un gouvernement minoritaire, Olaf Scholz aurait souhaité poursuivre jusqu’aux législatives de septembre 2025. Toutefois, son opposition de pacotille, les démocrates-chrétiens de la CDU et les conservateurs de la CSU, rejette cette combine. Mis à l’écart par Angela Merkel au début de son règne calamiteux, le millionnaire Friedrich Merz qui a travaillé pour BlackRock, à la fois président de la CDU et de son groupe parlementaire, profite des circonstances pour rêver d’accéder à la chancellerie. En position de force, le centre-droit a fait pression sur Scholz afin qu’il pose la question de confiance au Bundestag. Prévu le 16 décembre prochain, le vote sera très certainement négatif. Dès lors, si les députés ne désignent pas entre-temps un nouveau chancelier selon la procédure de l’article 68, Frank-Walter Steinmeier aura vingt-et-un jours pour dissoudre le Bundestag. Les élections anticipées sont annoncées pour le 23 février 2025. L’Allemagne entre en campagne.
Les sondages annoncent la victoire de la CDU – CSU, mais sans bénéficier d’une majorité absolue impossible à obtenir en raison d’un mode de scrutin mixte et complexe. Par ailleurs, outre un SPD en forte baisse, les études d’opinion préviennent de la sortie probable de la prochaine législature du FDP et de Die Linke (la gauche radicale wokiste) qui stagneraient en dessous du seuil électoral fatidique de 5 %. Les projections électorales qui découlent de ces premiers aperçus prévoient une chambre partagée en cinq factions parlementaires (CDU – CSU, AfD, SPD, Grünen et BSW). Rappelons que BSW signifie l’Alliance Sahra Wagenknecht - Pour la raison et la justice dont le positionnement politique atypique pour un esprit français incarne un conservatisme pacifiste de gauche radicale anti-wokiste opposé à l’immigration de peuplement. L’excellent Lionel Baland y voit une résurgence assez manifeste d’un national-bolchevisme atténué.
Considérée comme le prochain gagnant, la CDU – CSU envisage déjà de gouverner soit avec le SPD dans une nouvelle « Grande Coalition » - mais les relations entre Scholz et Merz sont exécrables -, soit avec les Verts comme, à l’heure actuelle, en Autriche où cette alliance a permis aux nationaux-conservateurs du FPÖ d’arriver en tête aux législatives du 29 septembre 2024.
La période électorale qui commence sera déterminante pour l’avenir d’un pays en déclin avancé et pour l’ensemble du continent. En effet, quand l’Allemagne tousse, l’Europe s’enrhume.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n° 135, mise en ligne le 27 novembre 2024 sur Radio Méridien Zéro.
10:32 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |