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jeudi, 02 novembre 2023

Cette époque que les « moins de 1000 ans » n’ont pas connue

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La chronique de Philippe Randa

Je viens de prendre un sacré coup de vieux ! Bien plus terrible que celui qui, comme tout le monde, me tombe dessus, chaque année, à date fixe, le jour de mon anniversaire !

À la lecture de la tribune de Michel Onfray dans le JDD de ce dimanche 29 octobre 2023, j’ai pris… 1 000 ans ! C’est d’ailleurs le titre de sa tribune : « Le 3 avril 1987… il y a mille ans ». Il y explique ce qu’était alors la liberté d’expression, de débats, de confrontation des idées en rappelant (entre autres exemples) cette émission de télévision où un Bernard Pivot « pouvait inviter sur le plateau d’Apostrophes Maurice Bardèche, fasciste revendiqué, et Bernard-Henri Lévy sans que… […] Il y avait juste eu débat. C’était le 3 avril 1987, il y a mille ans. »

Je ne peux que recommander la lecture de cette excellente tribune, même si, à cause d’elle, beaucoup prendront aussi mille années dans la figure, comme une énorme et vilaine gifle ou comme un aussi terrible que maléfique coup de déprime.

1987, les années quatre-vingt du siècle dernier, donc… qui ravivent en moi certains souvenirs de ce qu’était encore le monde des Lettres d’alors !

Une époque où j’écrivais – par passion autant que par besoin financier, la première étant aussi obsessionnelle que le second – des romans populaires aux éditions du Fleuve noir d’abord, puis des Presses de la Cité ensuite.

Jamais alors, malgré mes idées politiques que je ne mettais guère dans ma poche, même si j’évitais toute provocation inutile, et qui, forcément, transparaissaient de-ci, de-là dans mes écrits, je n’ai eu à subir la moindre querelle, la moindre remarque désobligeante… et encore moins la moindre censure.

Lors d’un rare échange « politique » avec le directeur du Fleuve noir qui avait publié mon premier livre, celui-ci m’a avoué au cours d’un déjeuner qu’il se considérait comme royaliste, qu’il pourrait éventuellement accepter une invitation à la Fête de l’Huma, mais que jamais, évidemment, il n’accepterait de se rendre à la fête des Bleu-Blanc-Rouge. Pour lui, ça tombait sous le sens. Mais il ne m’interdisait nullement de m’y rendre moi-même, bien sûr… et d’y dédicacer mes romans qu’il publiait.

Quant aux Presses de la cité, il y eût ce lundi matin où j’avais rendez-vous avec une des deux directrices littéraires des collections « Gérard de Villiers » pour lesquelles j’écrivais des romans policiers et d’espionnage. C’était le 18 juin 1984. La veille avaient eu lieu les élections européennes où furent élus les dix premiers députés du Front national de Jean-Marie Le Pen.

Je frappais à la porte de son bureau. La directrice me pria d’entrer, me faisant signe ensuite de m’asseoir, le temps de terminer sa conversation. Furieuse, elle vilipendait ces « 11 % de cons » qui avaient voté Le Pen. Elle raccrocha et devant mon sourire quelque peu moqueur et terriblement explicite de ce que j’en pensais moi-même, elle grommela que bien évidemment, ça devait me ravir, mais que c’étaient quand même des « cons », etc., etc., ce à quoi je pris un malin plaisir à lui faire remarquer que c’était la démocratie, etc., etc.

Nos rapports, excellents, ne changèrent nullement après cet échange… Quant à mes romans, pourtant lus, relus et corrigés par cette excellente professionnelle, jamais je ne subis la moindre censure, pas même une simple remarque contrariée, même quand j’écrivais dans le premier chapitre de Poudrière javanaise (Skal n° 14) : « Robert Czskalszski (alias Skal, le héros), assis à l’avant de sa Porche 928, parcourut rapidement la une de Présent : Nouveau scandale dans les services secrets français… Suivait un article lapidaire d’Alain Sanders, connu pour ses positions radicales sur tout ce qui concernait la politique étrangère de la France, qui résumait l’affaire… »

Et comme si cela ne suffisait pas à me vouer aux gémonies de la bien-pensance, quelques lignes plus loin, j’en rajoutais une couche en écrivant que « la sœur de l’honorable correspondant venait de déposer, accompagné par son avocat, Maître Éric Delcroix, (1) une plainte en bonne et due forme… »

Imagine-t-on de nos jours la possibilité pour un romancier de commettre ce genre de fantaisies chez un éditeur renommé de la République des Lettres ? (2)

Poser la question est évidemment y répondre.

Notes

(1) Militant d’Ordre nouveau, candidat du Front national, conseiller régional de Picardie (1998-2004), avocat (entre autres) de Claude Autant-Lara, Marie-Caroline Le Pen, Vincent Reynouard, Catherine Mégret, Jean Plantin et… Robert Faurisson ! Auteur de plusieurs ouvrages dont certains que j’ai publiés (La Francophobie et Le Théâtre de satan aux éditions de l’Æncre), cet ami fut également mon avocat.

(2) Pour ce genre de fantaisies, justement, les amateurs pourront désormais trouver leur bonheur parmi les titres du « Lys noir » des éditions Auda Isarn… ou des « bergers de l’évasion » des éditions Dutan.

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19:22 Publié dans Philippe Randa | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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