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jeudi, 10 juillet 2025

De l’utilisation - ou pas - du mot "génocide" par la gauche et l’extrême gauche

France : Manifestation à Paris pour la Journée de la terre palestinienne

Didier Lecerf

Pour l’extrême gauche et la partie de la gauche qui lui est inféodée, un "génocide" est en cours à Gaza. Mais pour les mêmes, il ne saurait être question d’utiliser ce mot pour désigner les crimes des révolutionnaires en Vendée, en 1793-1794. Ainsi, selon que vous êtes Gazaouis ou Vendéens, les jugements des mutins de Panurge vous rendent dignes de considération ou pas…

En mars 2018, l’universitaire Alice Krieg-Planque, spécialiste des discours politiques, dans un entretien qu’elle avait accordé au magazine Agir par la culture, rappelait que « les mots et leurs usages sont essentiels car ils structurent notre compréhension de la réalité, ils donnent un cadre à ce que nous vivons et comprenons. Et par conséquent, ils nous mettent dans une certaine disposition pour penser et pour agir dans ce monde. (…) Lutter au sujet du langage fait partie du combat idéologique ».

 Des mots idéologiquement chargés

« Avec le discours politique, le verbe devient action ». Cette phrase d’un professeur de classes préparatoires, tirée d’un exposé de culture générale, résume bien l’importance du vocabulaire en politique. Depuis toujours sans doute, le choix des mots utilisés dans cette activité essentielle n’est pas neutre. Il est fonction du récit, des idées que l’on entend faire passer, de la vision du monde et des choses que l’on veut faire partager. Il relève de la propagande. « Le langage (politique) est investi de connotations » et « les mots sont idéologiquement piégés ». Ainsi, pour le Louis XIV de la révocation de l’édit de Nantes, le protestantisme est la "religion prétendue réformée", tandis que pour les huguenots, l’Église de Rome est la "Babylone moderne". De même, au XVIIIe siècle, les idées nouvelles constituent, pour leurs promoteurs, les "lumières", par opposition à l’"obscurantisme"…

Les révolutionnaires, en particulier, tout à leur entreprise totalitaire de déconstruction et de refondation (de l’homme, de la société), portent naturellement une attention toute particulière au vocabulaire. Ils cherchent – et parviennent trop souvent – à imposer leurs mots et avec eux, leurs analyses, leurs concepts. Ainsi, aujourd’hui, la volonté de façonner la langue est au cœur de la démarche de l’extrême gauche imprégnée de marxisme-léninisme et de wokisme. Ses adversaires sont des "fascistes", ses nervis des "antifas" et ses agressions des "actions d’autodéfense". Les forces de l’ordre et les juges sont l’incarnation de "la violence de l’État", le bras armé de "l’oppression de classe", l’une des sources du désordre (forcément légitime)… Les clandestins sont des "sans-papiers", les immigrés africains des "racisés", des "exploités". Ceux qui émettent la moindre critique ou réserve à l’égard de l’islam sont des "islamophobes" et la France ou Israël sont des États "oppresseurs", "colonisateurs" et "racistes"…

Depuis le massacre du 7 octobre et l’offensive militaire israélienne à Gaza, un mot en particulier est au cœur du discours islamogauchiste : "génocide". L’État hébreu en serait l’auteur et la population de l’enclave palestinienne la victime (tout comme, d’ailleurs, il y a 65 ans, la population algérienne, du fait de la France…). Face au choc des images, à l’ampleur des dégâts, au nombre des morts et des blessés (fourni par le Hamas et repris sans aucune précaution), le mot est martelé par les LFIstes, leur mouvance et leurs relais, au fil de tweets, d’articles, de prises de parole. Depuis plusieurs mois, ils caressent ainsi, dans le sens du poil, les banlieues qui ont élus leurs députés, entretiennent et amplifient l’indignation, en font un facteur de mobilisation, un moteur pour l’action, une arme sémantique de stigmatisation massive de l’adversaire (à savoir Israël et tous ceux qui le soutiennent ou qui, simplement, ont une approche plus nuancée de ce drame malheureusement ancien, fort complexe et persistant).

 "Génocide" à Gaza mais pas en Vendée

Un fait montre, s’il en était besoin, l’actuelle instrumentalisation politique du vocable "génocide" par la gauche et l’extrême gauche : alors que ces dernières en usent et abusent pour qualifier ce qui se passe à Gaza, elles dénoncent son utilisation, au sein de notre famille de pensée, pour nommer la répression ordonnée jadis par leurs "grands ancêtres" en Vendée… "Génocide" dans un cas mais pas dans l’autre. Encore et toujours, la gauche et l’extrême gauche prescripteurs autoritaires de la pensée conforme !

Prenons l’exemple de Radio France. En janvier 2023, sur le site de France culture, le journaliste web Yann Lagarde consacre sa chronique vidéo de 5’30 au « "génocide vendéen", histoire d’un concept polémique » (le titre, déjà, donne le ton), en prenant appui sur l’universitaire Jean-Clément Martin, qualifié d’« historien de référence de la Révolution ». Après un rappel globalement honnête des massacres et atrocités commises (mais comment pourrait-il en être autrement dès lors que les faits sont les faits et qu’ils sont désormais bien établis ?), Yann Lagarde conclut son propos par ce qui, fondamentalement, motive la séquence. 1) L’idée d’un génocide en Vendée est due à l’« historien controversé » Reynald Sécher. 2) Un génocide étant un « crime contre l'humanité tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux », il n’y a pas eu de génocide en Vendée parce qu’il n’y a pas eu de « population ciblée », de « politique visant spécifiquement le peuple vendéen » - « des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ici et là » ( !), oui ; un génocide, non -. 3) « Depuis les années 2000 », certains « députés de droite et d’extrême droite » instrumentalisent « ce débat d’historiens » afin de faire « reconnaître (les) massacres (de 1793-1794) comme un génocide » et, donc, « de diaboliser la Révolution française et ses acquis ». 4) D’ailleurs, « depuis 1989, le vicomte Philippe de Villiers met en scène le “martyr” des Vendéens, dans un spectacle vivant, au Puy du Fou ».

Maintenant que leur raisonnement est exposé, appliquons-le à l’idée selon laquelle il y aurait un "génocide" en cours à Gaza et retournons-le contre les milieux dont il provient. 1) L’idée d’un génocide dans l’enclave palestinienne n’est pas due à des spécialistes qualifiés et objectifs, disposant des informations fiables et du recul nécessaires, mais à des milieux très engagés mus par une intention politique. 2) Il n’y a pas de génocide à Gaza parce qu’il n’y a pas de population ciblée en tant que telle, de politique visant spécifiquement le peuple gazaoui - qui, en outre, ne représente qu’une partie du peuple palestinien -. 3) Depuis plusieurs mois, l’extrême gauche et une partie de la gauche instrumentalisent le débat autour de l’offensive à Gaza afin de faire reconnaître les bombardements meurtriers qui ravagent l’enclave palestinienne comme un génocide et, donc de stigmatiser non seulement le gouvernement d’Israël mais le pays tout entier, voire l’ensemble des juifs, "sionistes", "colonialistes", "racistes", ainsi que tous ceux qui n’adoptent pas le discours LFIste à leur égard. 4) D’ailleurs, depuis fin 2023, Rima Hassan, Jean-Luc Mélenchon et leurs petits camarades mettent en scène le “martyr” des Gazaouis, dans un happening récurrent à travers tout le pays (favorisant ainsi l’importation du conflit en France et le passage à l’acte des franges les plus excitées)...

On le voit, l’extrême gauche et la gauche feraient bien de ne pas oublier que toute utilisation politique d’un mot aussi chargé de sens que "génocide" doit faire l’objet d’une réflexion préalable suffisamment approfondie pour qu’il soit aisé de la justifier et qu’elle ne puisse être retournée contre ses auteurs.

Quand Reynald Sécher désigne de ce mot les crimes des républicains en Vendée, c’est sur la double base de la thèse universitaire qu’il a soutenue avec succès en 1986 et des travaux que lui-même et d’autres ont effectués depuis. En revanche, quand les LFIstes et leurs courroies de transmission assènent l’idée d’un "génocide" à Gaza, c’est par pur parti pris et pour des raisons uniquement politiques qui reposent sur des impressions, des sentiments, une indignation (compréhensible), mais certainement pas sur un travail d’investigation digne de ce nom…

00:29 Publié dans Didier Lecerf | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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