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mardi, 02 décembre 2025

Ukraine : Drôle de drame

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Dans un entretien au Figaro Magazine, avec Isabelle Lasserre, correspondante diplomatique, Pierre Lellouche nous explique dans quelle galère se retrouvent les Européens face au problème ukrainien. Isabelle Lasserre se demande si on n va pas vers un nouveau Munich ?

Pierre Lellouche. -  « Munich » , c’est en effet la grille de lecture adoptée par la plupart des médias occidentaux en 2022, notamment en France : Poutine est un nouveau Hitler, Zelensky, lui, est Churchill : il combat seul pour nous. Il est « la première ligne de défense » de l’Europe libre… Biden, lui, parlait à Varsovie d’une « guerre du bien contre le mal ». Pour faire bonne mesure, on assure aujourd’hui que si l’Ukraine tombe, nous serons les prochains sur la liste. Sauf que cette lecture est erronée. Elle ignore la complexité des neuf cents ans d’histoire entre ces deux peuples slaves et l’imbrication de leurs relations. Cette guerre est une guerre de sécession de l’Ukraine par rapport à la Russie, en même temps qu’une guerre civile et qu’une guerre indirecte, par procuration, entre l’Otan et la Russie. De surcroît, même s’il rêve désormais d’un nouveau congrès de Vienne qui accoucherait d’un monde postoccidental avec son allié chinois, Poutine, malgré tous ses travers, n’a rien à voir avec Hitler et son idéologie raciale.

À l’issue de tout cela, ce que je crains, ce sont deux choses : soit un accord imposé par Trump qui sera pire que ce que les Ukrainiens auraient pu obtenir lors des négociations de 2022, soit une prolongation du conflit qui pourrait à tout moment entraîner l’Europe entière dans l’engrenage d’une escalade non contrôlée. Ce n’est donc pas 1938 ou 1939, mais 1914. À savoir qu’un groupe d’États, qui ne veulent pas d’une guerre mondiale, se retrouvent entraînés, par une erreur de calcul de l’un d’eux et par la mécanique des alliances, dans un engrenage qui conduit à la guerre. Je le redis : plus cette guerre dure, plus elle porte en germe le risque d’une escalade. Les Ukrainiens, après l’échec de la contre-offensive ukrainienne de juin 2023, ne peuvent pas militairement regagner les territoires perdus. Ils manquent cruellement d’armes et surtout d’hommes.

Le nombre de déserteurs dépasse désormais celui des recrues et la population ukrainienne a fondu de 52 millions à l’indépendance en 1991 à moins de 38 millions aujourd’hui, le quart de la population de la Russie. La vérité est que nous sommes depuis des mois dans le déni de la défaite annoncée de l’Ukraine, parce que cette défaite est devenue aussi la nôtre. Et nous continuons à nous tromper, en entretenant l’illusion que nous allons gagner cette guerre ou que si nous ne la gagnons pas, nous aurons à combattre la Russie en Estonie ou en Pologne dans cinq ans ! Or, l’Ukraine ne gagnera pas, et nous perdrons avec elle, sans même être en position de médiateur avec la Russie. Il faudra pourtant bien vivre avec ce pays une fois la guerre terminée, car la Russie ne disparaîtra pas. L’Europe, et particulièrement la France, devra donc renouer un dialogue et penser la sécurité commune du continent. C’est sur cet enjeu qu’il faut travailler aujourd’hui, plutôt que de rejouer 1938. Nous ne sommes pas dans ce cas de figure.

(…) Isabelle Lasserre a globalement raison dans son analyse de Trump. Il se désintéresse complètement de l’Ukraine. La seule fois où il s’y est impliqué, lors de son précédent mandat, c’était pour une affaire de basse politique intérieure, concernant le fils de Joe Biden qui était employé par une société de gaz ukrainienne. Trump avait proposé à Zelensky, qui venait d’être élu, d’échanger l’inculpation de Hunter Biden par le procureur de Kiev contre la livraison de missiles antitank Javelin. L’affaire avait fuité, entraînant une très désagréable procédure de destitution… C’est dire si Trump n’aime ni l’Ukraine ni Zelensky, et manifeste une préférence évidente pour Poutine. L’Europe ne l’intéresse pas non plus, sauf pour vendre ses armes et du gaz à la place du gaz russe. Depuis février, Trump a changé de position à de multiples reprises… Mais ce qu’il cherche avant tout, c’est un deal.

Il a essayé de convaincre Poutine de s’arrêter en acceptant dès le sommet d’Anchorage, le 15 août dernier, l’essentiel des exigences russes. Mais Zelensky, soutenu par les Européens, avait alors refusé et l’on semblait se diriger vers une cinquième année de guerre, entièrement financée cette fois par les Européens. L’élément nouveau aujourd’hui, c’est que, outre la dégradation de la situation militaire sur le terrain cet automne, Zelensky est cerné par une énorme affaire de corruption impliquant ses plus proches. On parle de détournement de 100 millions d’euros, de cuvettes de WC en or massif, de fuite en Israël de l’associé de Zelensky… Les services américains ayant probablement intercepté la totalité des échanges, Zelensky n’est plus vraiment en position de bloquer ce qui est déjà dénoncé, y compris à Paris, comme une « capitulation »… D’où l’ultimatum de huit jours, « jusqu’à Thanksgiving » imposé par Washington, dans le dos des Européens.

Que peuvent faire les Européens ? Peuvent-ils s’opposer au plan de paix de Trump ?

P. L. – À ce stade, on voit mal comment les Européens pourraient s’opposer au plan de paix américano-russe, faute de pouvoir construire une alternative crédible et pas seulement des incantations et des discours. Poursuivre la guerre, comme le souhaitent certains, nécessite des armes que les seuls Européens ne peuvent pas produire, mais aussi beaucoup d’argent. Au moins 70 milliards d’euros par an. L’Europe n’en a pas les moyens, à l’exception peut-être de l’Allemagne. Autrement dit, même si les Ukrainiens acceptent de continuer à payer la note du sang, il est douteux que nous soyons capables de financer et d’armer l’Ukraine sans les Américains. Nous avons déjà dépensé environ 175 milliards d’euros depuis le début de la guerre, et il faudra ajouter au moins 60 milliards cette année. L’Amérique partie, nous voici donc avec la note d’un conflit que nous ne contrôlons aucunement, mais dont l’issue sera extrêmement négative pour nous. Tel est le prix politique que je redoutais depuis le premier jour : celui d’un engagement sans réflexion stratégique, où l’issue est déterminée par des acteurs extérieurs comme Trump et Poutine ; nous voici coincés au milieu du gué et nous devrons payer les conséquences.

Existe-t-il un risque de poursuite de la guerre après un éventuel cessez-le-feu ?

Instruits par l’Histoire, les Ukrainiens attendent aujourd’hui de véritables garanties de sécurité. Mais ils risquent une fois encore d’être déçus… Le projet d’accord américain exclut l’entrée dans l’Otan, mais prévoirait une formule voisine du fameux article 5 de l’Alliance. Reste à savoir si cela suffira, d’autant que le projet d’accord prévoit de plafonner l’armée ukrainienne… Il faut plutôt concevoir un plan de reconstruction, similaire à celui envisagé pour Gaza, avec un système intérimaire où des puissances extérieures viendraient à être déployées comme des Casques bleus, pour garantir la stabilité le long de la ligne de front. La tâche sera difficile, car il subsistera des irrédentistes.

Source : Le figaro magazine 30/11/2025

 

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La menace confiscatoire

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Le 23 octobre 2025 se tenait à Bruxelles un nouveau conseil regroupant les chefs d’État et de gouvernement des États-membres de l’Union prétendue européenne. Le principal débat portait sur le sort des actifs de la Banque centrale russe gelés depuis le début de la guerre avec l’Ukraine.

On estime que la Russie aurait placé en Occident avant-guerre environ trois cents milliards d’euros. Ce montant comprendrait les avoirs souverains, soit les réserves de la Banque centrale, et les fonds privés qui appartiennent aux personnalités russes soumises aux sanctions occidentales.

Les experts pensent encore que ces sommes bloquées se répartissent très inégalement entre le Luxembourg, la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Australie et la Belgique. Le royaume belge concentrerait la plus grande majorité des actifs souverains russes en raison de la présence à Bruxelles, son siège légal, d’Euroclear, un établissement central de dépôt des titres. Société de droit privé, Euroclear est une entreprise financière qui travaille en toute confiance avec les banques centrales, les banques et les fonds d’investissement de la planète. Ils déposent de manière dématérialisée des obligations, des produits financiers, des actions et des investissements. Son dépôt global pèserait 42 500 milliards d’euros en titres ! Euroclear détiendrait 193 milliards d’euros d’actifs russes bloqués.

Une partie du Conseil dit européen aimerait s’emparer de ces fonds. L’argent ainsi confisqué servirait de gage au prêt de réparation à l’Ukraine. Or le Premier ministre fédéral belge, le national-centriste flamand Bart De Wever, s’y oppose résolument. Il craint à juste titre que cette première historique de s’approprier les actifs d’un autre État n’entraîne de fâcheuses répercussions politiques, financières, économiques, sociales, diplomatiques et juridiques. Le dirigeant belge exige donc de ses partenaires un mécanisme solide de garantie capable de rembourser Euroclear si jamais Moscou parvenait à rapatrier en Russie ses placements. Les discussions se poursuivent. La direction d’Euroclear entend par ailleurs contester devant les tribunaux toute confiscation des avoirs russes. Elle sait qu’une telle mesure anéantirait la confiance des déposants.

Les négociations portent aussi sur un prêt de réparation gagé sur le fonds souverain de la Norvège. Bien que non-membre de l’Union pseudo-européenne, Oslo participe à l’OTAN, à l’Espace économique européen et à la zone Schengen. Grâce aux hydrocarbures en mer du Nord, le royaume scandinave disposerait grâce à ce fonds plus de 1 700 milliards d’euros ! Les eurocrates ont déjà prévu d’utiliser les intérêts de ces avoirs russes (soit plus de cinq milliards d’euros) pour aider l’Ukraine.

Les réticences du chef du gouvernement belge sont légitimes. La saisie illégale des avoirs d’État russe et leur utilisation à l’effort de guerre seraient considérées comme des actes délibérés de belligérance avec des conséquences imprévisibles. Cet acte de piraterie internationale constituerait enfin un terrible et néfaste précédent pour la population française.

La France croule sous la dette et les déficits. Au lieu de trancher, de tailler et de sabrer dans les dépenses inutiles et problématiques (subventions faramineuses aux partis politiques, aux syndicats, aux associations déviantes, etc.), les politiciens ne cachent plus leur envie de détourner ce gigantesque magot que représente l’épargne des Français. Pour le premier semestre 2025, le taux d’épargne des particuliers atteignait près de 19 %, d’où un patrimoine financier des ménages estimé à 6 430 milliards d’euros !

Le 2 avril 2024, l’inénarrable députée Verte de Paris, Sandrine Rousseau, suggérait de combattre la dette publique en contraignant les épargnants français à renflouer ce tonneau des Danaïdes. Elle n’est pas la seule à lorgner sur les économies d’une vie de labeur. L’apparentée Verte, Sophie Taillé-Polian, députée du Val-de-Marne et adhérente à Génération.s, le groupuscule de Benoît Hamon, développe une autre obsession. Outre son fantasme psychotique de fermer CNews et d’écraser le groupe médiatique Bolloré, elle envisage, début novembre, de piller l’épargne afin de financer la nationalisation de l’économie hexagonale et la réindustrialisation. « Récupérer l’épargne des Français pour qu’elle soit réinvestie dans le productif et non dans le financier, se justifie-t-elle, c’est remettre en selle notre modèle social. » Faire les poches des Français au nom du sinistre pacte républicain tout en refusant la fermeture des frontières et en acceptant tous les migrants du monde est fort audacieux.

Corrélons ces deux infâmes propositions avec d’autres qui expriment une agression discrète contre la propriété. Les services fiscaux exigent chaque année de remplir une déclaration d’occupation et de loyer. Cette déclaration est à mettre en relation avec le projet de faire payer aux propriétaires une location qu’ils devraient s’ils n’étaient pas précisément propriétaires ! Ubu travaille au fisc ! Posséder des biens immobiliers constitue un marqueur, plus ou moins fort, d’enracinement. Dans une tribune parue dans Le Monde du 19 octobre 2025, sommet de la désinformation et de la dénonciation facile, Aurore Lalucq défend le projet funeste d’euro numérique qui, selon elle, contournerait les banques. Bien sûr, on y croit ! Députée française apparentée socialiste au Parlement dit européen, Aurore Lalucq co-préside Place publique (Rigole publique serait plus juste !), un autre groupuscule, celui de Raphaël « CIA » Glucksmann. Sa prise de position en faveur d’une monnaie numérique liberticide n’est donc pas étonnante.  

Les kleptocrates occidentaux se méfient des propriétaires et de toute réalisation tangible de participation dans les entreprises. Leurs lointains aïeux ont aboli les corporations qui reconnaissaient la propriété du métier et favorisé le salariat. Confisquer l’épargne privé constituerait une nouvelle étape vers l’instauration d’un hilotisme 2.0 et d’un véritable communisme de marché. Dans cette perspective anxiogène, comment réagirait alors l’opinion publique ? Assisterait-on à l’émergence de « super-Gilets jaunes » ? Comment répondraient les unités de sécurité potentiellement spoliées ? Continueraient-elles à obéir docilement à l’hyper-classe cosmopolite ou bien se rallieraient-elles aux mécontents, quitte à renverser dans la foulée le régime ? Tout demeure incertain. Espérons seulement que ni l’écureuil, ni la fourmi ne se laisseront plumer.    

Salutations flibustières !

00:00 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |