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mercredi, 03 décembre 2025

La Russie n'est pas notre ennemi

Suspension de l'application d'une partie substantielle des dispositions de  la convention franco-Russe

Un article de Bruno Mégret publié sur Polémia (cliquez ici)

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie continue d’agiter la presse et les politiciens. Des points de vue antagonistes sont présentés, parfois de manière violente, et la Russie – qui a envahi militairement l’Ukraine, c’est indéniable – est présentée comme un ennemi absolu pour les Français et les Européens. Sur ce sujet complexe, Polémia donne la parole à toutes les voix, à toutes les visions, à tous les discours. Vous retrouverez ci-dessous un texte de Bruno Mégret. Un texte engagé qui mérite d’être lu, quel que soit son avis sur ce conflit.
Polémia

De l’opération de communication à la guerre ?

On assiste depuis quelque temps à une opération apparemment orchestrée visant à établir un antagonisme durable entre l’Union européenne et la Russie. Macron, toujours désireux de faire croire qu’il existe, en rajoute lourdement, parlant de l’ennemi russe. Il a même envoyé le chef d’État-major des armées tenir un discours des plus alarmistes aux maires de France réunis en congrès, leur annonçant qu’il fallait demander aux Français de se préparer à la guerre et donc au sacrifice de leurs enfants. Indépendamment des bénéfices que Macron espère sans doute tirer de l’atmosphère d’anxiété qu’il essaye de diffuser dans la société française, cette prise de position n’a aucun sens. La Russie n’est nullement un pays ennemi.

La Russie est un pays européen

Certes, ce n’est pas un pays politiquement correct, pas plus que la Chine, l’Inde, le Japon, ou les États-Unis de Trump, mais c’est en revanche un pays européen à part entière, par sa population, sa culture et son histoire qui se sont entrecroisés au cours des siècles écoulés avec ceux de la France. Qui peut dire que Dostoïevski, Tchékhov, Tolstoï, Tchaïkovski, Stravinsky ne font pas partie du patrimoine de notre civilisation européenne ? C’est de surcroît une puissance très complémentaire du bloc que constitue l’Union européenne. La Russie est en effet un pays très peu peuplé au regard de l’immensité de son territoire et doté en revanche de ressources considérables en matières premières et en énergies fossiles, alors que l’Europe densément habitée en est presque totalement dépourvue. Par ailleurs, la Russie est, comme l’Europe, soumise sur son flanc sud à la pression du monde musulman. L’intérêt de l’Europe était donc de nouer avec la Russie des liens étroits de coopération dans le domaine de l’économie, de la sécurité et de la culture et non de la renvoyer vers la Chine. La menace pour l’Europe, ce n’est pas la Russie mais le monde musulman. La menace ne vient pas de l’est mais du sud. Et malheur aux politiques qui se trompent d’ennemi !

L’agression russe a été voulue par le prédécesseur de Trump

Si telle avait été la vision de Macron et des Européens, la guerre en Ukraine n’aurait jamais pu avoir lieu. Il faut rappeler en effet que ce sont les Américains qui ont voulu cette guerre. Fortement investis dans le pouvoir ukrainien, ils ont multiplié les provocations à l’égard de la Russie, affirmant à maintes reprises que l’Ukraine allait entrer dans l’Otan et dans l’Union européenne et refusant dans le même temps toutes les offres de négociation avancées par les Russes, lesquels proposaient une conférence pour la paix et la sécurité en Europe. Dès lors, Poutine a estimé, comme l’avaient prévu les stratèges de l’État profond américain, qu’il devait attaquer l’Ukraine rapidement, avant qu’elle n’entre dans l’Otan. Les Américains n’ont d’ailleurs pas fait preuve d’une grande imagination : ils ont piégé Poutine comme ils avaient piégé Saddam Hussein en le poussant à envahir le Koweït pour pouvoir ensuite le discréditer et finalement l’envahir et le détruire. Dans l’affaire ukrainienne, il en va de même : il s’agissait de pousser la Russie à attaquer l’Ukraine pour discréditer le régime de Poutine et pour couper tous les liens entre la Russie et l’Union européenne, comme ils ont coupé le pipeline Northstream qui alimentait l’Allemagne en gaz russe.

La Russie avait des droits légitimes

En réalité, les Américains se sont comportés vis-à-vis de la Russie comme avec l’Irak, sans prendre en compte la nature même du peuple qu’ils veulent subjuguer. Ils n’ont pas admis que l’Ukraine n’est pas pour la Russie un pays comme un autre : c’est une partie d’elle-même puisque la Russie est, avec la Biélorussie et l’Ukraine, l’héritière de la Rus’ de Kiev, l’État slave qui s’est imposé du IXᵉ au XIIIᵉ siècle à l’est de l’Europe et dont la capitale était Kiev.
De plus, la Russie avait des motifs de se protéger des Occidentaux, le but ultime des chefs de l’État profond américain étant de faire éclater la Fédération de Russie en petits États où pourrait être installée selon eux une démocratie politiquement correcte soumise à Washington.
Enfin, si Poutine est à la tête d’un État autoritaire, ce n’est pas un État totalitaire. Il y a des élections et il y règne à bien des égards plus de liberté de pensée qu’en France. En réalité, ce mode de gouvernement est adapté au peuple russe lequel, d’ailleurs, soutient majoritairement le régime. À vrai dire, les Russes n’ont guère connu que l’imperium soviétique et l’empire des Tsars. Les quelques années de démocratie politiquement correcte ont été synonymes de désordre et de corruption.

Les Européens auraient dû se désolidariser des États-Unis

Les pays de l’Union européenne n’auraient donc jamais dû s’opposer à la Russie au motif que Poutine ne cochait pas toutes les cases de la Cour européenne des droits de l’homme. Ils auraient dû traiter avec ce grand pays pour ce qu’il est et non par rapport à nos critères prétendument moraux. C’est ce que font les hommes d’État.
Ils auraient donc dû s’opposer à la manœuvre américaine qui était d’ailleurs implicitement dirigée contre eux et, sans se soucier des États-Unis, répondre positivement à la proposition de Poutine d’une conférence sur la paix et la sécurité en Europe. Dans ce cadre, ils auraient dû considérer l’Ukraine et la Biélorussie comme deux pays de transition entre le monde russe et l’Union européenne, et accepter que l’Ukraine devienne un pays neutre n’ayant pas vocation à entrer ni dans l’Otan ni dans l’UE, ce qui n’a rien de déshonorant car tel est le statut de la Suisse et tel a été pendant longtemps le cas de l’Autriche. Une telle posture aurait émancipé l’Europe de la tutelle américaine, apaisé les Russes, évité la guerre en Ukraine et consolidé les économies européennes par une coopération fructueuse avec la Russie, notamment pour son approvisionnement en énergie fossile.
Si Macron avait été un homme d’État et non un trublion pathétique et dangereux, il aurait dû, au nom de la France, prendre l’initiative de ce basculement géostratégique. Il aurait ainsi donné à la France un rôle de leadership en Europe et aurait évité des centaines de milliers de morts et des centaines de milliards d’euros de destruction en Ukraine.

L’Union européenne et la Russie, une alliance naturelle

Le problème, c’est qu’il n’y a apparemment plus d’homme d’État en France ni en Europe. Personne dans la classe politique ne semble avoir de vision de notre avenir, personne n’ouvre de perspectives qui réconcilieraient les peuples européens avec leur histoire et leurs valeurs. Pourtant, dans le monde multipolaire qui s’annonce, l’Europe doit s’ériger en une puissance autonome avec comme alliés la Russie d’un côté et les États-Unis de l’autre.
Le monde occidental, disons le monde blanc, qui a dominé d’une façon ou d’une autre l’ensemble de la planète, doit faire face à un choc des civilisations qui n’aura sans doute rien de très amical. Aussi est-ce de l’intérêt de ces trois composantes que chacune d’elles soit forte et agissante pour faire face aux nouveaux pôles de puissance et aux civilisations qu’ils portent.
Encore faut-il, pour mettre en œuvre une telle perspective, renouer avec les règles immémoriales de la politique et donc se libérer de l’idéologie incantatoire et déconstructiviste de l’état de droit national ou international, enfermant les peuples et leurs dirigeants dans l’idéologie abêtissante et suicidaire du politiquement correct.

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