lundi, 17 février 2014
Renaud Lavillenie, un extraterrestre ? Simplement un champion… et c’est plus rare !
La Chronique de Philippe Randa
Boulevard Voltaire
Un exploit reste toujours un exploit. Et celui du perchiste français Renaud Lavillenie qui a passé 6,16 m (nouveau record du monde) à Donetsk (Ukraine), sur les terres de l’ancien recordman Sergueï Bubka, restera de fait dans les mémoires sportives. L’ancien record était vieux de 21 ans… Combien de temps le restera le sien ? Des mois ? Des années ?
Les records sont faits pour être battus, notre champion le sait très bien lui-même. Au journaliste du quotidien L’Équipe, Nicolas Herbelot, qui lui demande : « Ces 6,16 m, n’est-ce pas votre plus beau saut ? », il a cette réponse mesurée : « Peut-être pas le plus beau, mais le meilleur. Beau, on s’en fout un peu. C’est le saut rêvé puisqu’on passe au-dessus de la barre, que cette barre est belle et qu’elle reste en haut quand on redescend. Un record olympique aux Jeux à Londres (5,97 m), c’était déjà bien ; un record du monde aux Championnats du monde, c’est encore mieux. Mais la médaille d’or reste la plus précieuse. Derrière, il y a la Marseillaise… Et puis on la garde, alors que le record, on le perd un jour… »
On appréciera, au passage, qu’un tel athlète soit sensible à notre hymne national et le fasse savoir… Il faut dire qu’il n’y a désormais plus guère que dans le domaine sportif où le patriotisme a encore sinon droit de cité, tout au moins droit d’être cité.
Et saluons également la réaction du champion détrôné Sergueï Bubka, légende de la perche mondiale et présent au meeting Pole Vault Stars. Il a été parmi les premiers à féliciter le Français : « Une nouvelle ère dans ce sport est arrivée. Aujourd’hui, le vainqueur est un champion olympique, une personne qui a déjà obtenu de nombreux succès. Nous nous attendions à cet événement et nous sommes ravis que cela se soit passé précisément ici, à Donetsk […] J’ai beaucoup de sympathie pour ce gars. Je suis sûr que ce n’est pas le dernier sommet qu’il atteint et que d’autres succès brillants l’attendent. »
Cela étant dit, et sans retirer une once d’admiration à ce grand athlète des plus sympathiques, constatons aussi que nombre de commentaires du monde politique et journalistique n’ont pas la même élégante pondération.
Depuis sa prestation connue, le langage des journalistes connaît une inflation de superlatifs assez grotesque… Pourquoi le qualifier « d’extraterrestre » ? Ne peuvent-ils imaginer qu’un simple terrien, à force d’entraînement, de volonté et de travail (il a amélioré à deux reprises son record depuis le début de l’année) soit ainsi capable d’un tel exploit ? Comme d’autres avant lui et, à l’évidence, après lui ? Et s’ils étaient, eux, des extraterrestres de l’information ?
Plutôt que d’imaginer ainsi quelque « anormalité terrestre », ne serait-il pas plus valorisant pour notre héros de reconnaître qu’un terrien, certes issu d’une famille de perchistes – mais si cela suffisait, ça se saurait – puisse presque tout gagner dans sa discipline et se hisser aux premières places majeures (à l’exception des Championnats du monde), parce que, comme il l’assure, « à aucun moment je n’ai douté. Je me suis dit “donne tout ce que t’as” »…
Renaud Lavillenie, un extraterrestre ? Simplement un champion… et c’est plus rare !
16:30 Publié dans Philippe Randa | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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