jeudi, 15 janvier 2015
Dieudonné, martyr judiciaire sur fond d’irresponsabilité politique
La chronique
de Philippe Randa
Le tact dans l’audace est de savoir jusqu’où aller trop loin, disait Jean Cocteau… Il semble que Dieudonné M’Bala M’Bala ait tweeté très au-delà de la ligne rouge en affirmant : « Je me sens Charlie Coulibaly », ce, en pleine hyper-messe émotionnelle qui a suivi les deux massacres, dans les locaux de Charlie Hebdo et dans l’épicerie cacher de la porte de Vincennes, sans oublier la « fliquette » à laquelle « l’héroïque » Coulibaly avait réglé son compte porte de Montrouge : contrairement aux déclarations d’un deux Frères Kouachi, tuer une femme ne l’a nullement gêné, lui.
Pour ce message pour le moins « inapproprié », il a été décidé de son jugement en correctionnelle pour apologie du terrorisme.
Était-ce là le but recherché par l’intéressé… ou est-il réellement affecté par sa garde-à-vue et sa mise en examen comme l’a déclaré son avocat ? Maître Mirabeau a en effet expliqué que son client n’a jamais voulu faire l’apologie du terrorisme, mais qu’il avait tout simplement« le sentiment qu’on le traite comme un terroriste et c’est pour ça qu’il a accolé les deux noms. »
Il n’est pas certain que dans le climat actuel, la subtilité de cette explication puisse convaincre les juges… d’autant que sa condamnation semble entendue d’avance : comment pourrait-on juger sereinement l’humoriste et envisager, le cas échéant, qu’il échappe à une condamnation, qui plus est très lourde, alors que la quasi-totalité des médias français réclame, une fois de plus, sa tête ?
Une condamnation qui, de toute façon, restera toujours insuffisante pour les uns, détracteurs obsessionnels du personnage, tandis qu’elle confortera ses partisans inconditionnels, persuadés que, dans notre pays, la liberté d’expression est de plus en plus soumise au couperet du « deux poids, deux mesures ».
Quoi que l’on pense de cette « affaire dans l’affaire », deux remarques tombent néanmoins sous le bon sens…
Tout d’abord, les crimes des frères Kouachi, s’ils restent à l’évidence injustifiables(1), répondaient tout au moins à un motif : la vengeance, suite à la provocation des caricatures de Mahomet publiées par l’hebdomadaire satirique.
Tout au contraire, ceux d’Amédy Coulibaly ne répondaient qu’à la simple haine et les victimes, outre la « fliquette », n’étaient que quatre Juifs « anonymes » dont on ignore, et le tueur en premier, ce qu’ils pouvaient même penser du conflit palestino-israélien.
Se référer à un tel tueur est non seulement humainement insupportable, mais qui plus est politiquement scandaleux, venant du tout récent co-fondateur (avec Alain Soral) d’un parti politique baptisé « Réconciliation nationale ».
Si l’Union nationale prônée par le président Hollande a connu un « pschitttt » immédiat par l’exclusion du Front national de celle-ci et que les manifestations du dimanche suivant l’hécatombe sanglante sont apparu à beaucoup comme une gigantesque manipulation de sidération émotionnelle, le « tweet » de Dieudonné n’est à l’évidence pas la meilleure illustration de sa sincérité politique.
On ne peut à la fois reprocher à la Justice française d’appliquer dans ses décisions « deux poids, deux mesures »… et faire de même dans ses positions publiques.
Note
(1) Bien peu de médias ont rappelés qu’ils étaient quasi-unanimement dénoncés par l’ensemble du monde musulman, ainsi que Jean-France Martin l’a rappelé sur le site www.palestine-info.cc : de Lekbir Kotbi, directeur général de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans, au théologien Tareq Ramadan en passant par La Ligue arabe et les autorités religieuses de la mosquée d’Al-Azhar au Caire, pour ne citer que les plus médiatiquement connus.
13:52 Publié dans Philippe Randa | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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