vendredi, 04 mars 2016
Ce soir, sur Méridien zéro :
LE FAUX « ROMAN VRAI » D’UN FASCISTE QUI NE L’ETAIT PAS
Francis Bergeron
Article publié dans le n°41 de la revue Synthèse nationale cliquez ici
C’est une impression étrange que de lire la vie d’un homme qu’on a bien connu, ou que l’on croyait avoir bien connu, et d’en découvrir certaines faces cachées. C’est ce qui arrive avec la biographie de Christian Rol, intitulée Le Roman vrai d’un fasciste français. Car le fasciste portraituré s’appelle René Resciniti de Says.
René, « Néné l’élégant », on pouvait le rencontrer sans problème, et presque à tout coup, à la sortie de la messe de Saint-Nicolas du Chardonnet, ou lors de meetings de l’abbé de Nantes à la Mutualité, ou encore à l’occasion de réunions de l’Action française. C’était un « grand arpenteur des trottoirs parisiens », comme l’écrit Grégory Pons dans le numéro de juillet-septembre 2015 de la revue Eléments.
Le premier et principal défaut de ce livre, c’est son titre. En effet René Resciniti était royaliste. Il ne pouvait donc pas être fasciste. Ses idéaux politiques et intellectuels n’étaient pas exactement ceux des militants groupusculaires se réclamant du fascisme. Dans ces années-là, les « fascistes » revendiqués comme tels ou qualifiables de cette étiquette qui, aujourd’hui, est considérée comme une injure, sur le plan légal, étaient rarissimes. Comme ils restent rarissimes actuellement. C’est que le fascisme est une doctrine, née en Italie, d’une scission du Parti socialiste tentée par l’autoritarisme et le patriotisme. René Resciniti se voulait aristocrate, sensible aux 40 rois qui ont fait la France. Et le socialisme lui était totalement étranger. De ce point de vue, un Montebourg, avec son passé socialiste, son culte de l’image (de son image), et son patriotisme économique affiché, répond bien mieux à la vraie définition du fasciste (au sens doctrinal, et non injurieux du terme).
Mais revenons au militant royaliste Resciniti. Ce surnom « Néné l’élégant », sans doute a-t-il été employé plus tard, car à 20 ou 30 ans, dans ces années soixante-dix (il était né en 1951), il ne passait pas pour un prince de l’élégance. Et comme nous tous, il portait plus souvent le casque que le panama, et maniait plus fréquemment le manche de pioche ou le nunchaku que la canne de golf ou la cravache (sauf pour un usage détourné). Buveur, flambeur, il a traversé son époque en réussissant à ne jamais vraiment travailler.
Beaucoup d’entre nous le considéraient comme un personnage pittoresque, sympathique, aux fortes convictions et au courage physique indiscutable, mais finalement assez peu utile à la cause du trône et de l’autel. Une sorte de parasite, fatigant, à la longue. Car quand il était temps d’aller se coucher, lui voulait continuer à boire, et à parler. Mais encore une fois cette image date de quarante ans ou presque. Puis René eut quelques aventures, en Afrique, et au Liban. Nos routes se sont croisées à Beyrouth, en 1976, l’une de nos dernières rencontres.
Tandis que nous nous embourgeoisions progressivement (mariage, carrière, appartement, enfants, maison de campagne, bateau, ski, estomac, décorations et présidences…), René Resciniti, lui, semblait l’éléments fixe ; l’homme fidèle à ses idéaux de jeunesse. Immuable dans ses convictions – comme la plupart d’entre nous – mais surtout immuable dans son mode de vie.
Une rumeur qui enfle : Curiel, Goldman, c’est lui
L’une de mes dernières rencontres avec lui a été au restaurant Les Ronchons, agréable lieu de rencontre de la « génération Occident ». Je ne me doutais pas qu’il nous quitterait quelques mois plus tard, en avril 2012.
A cette date, la rumeur avait commencé à filtrer sur le fait que les deux crapules staliniennes Henri Curiel et Pierre Goldman, chouchous de l’extrême gauche, magnifiquement liquidés en 1979, avaient été exécutés par René lui-même. Et si j’ai acheté Le Roman vrai d’un fasciste française, c’est en quelque sorte, pour me faire pardonner d’avoir douté de René. En fait le livre nous offre une version plausible de ces deux exécutions (4 mai 1978 et 20 septembre 1979).Et il est possible en effet que René Resciniti de Says (1951-2012) ait été le justicier masqué. Mais en même temps le récit reste imprécis. Le vrai héros est plutôt Pierre Debizet, fort probable commanditaire. Debizet, je l’ai connu, aussi, et interviewé pour Le Choc du mois : patriote intransigeant, gaulliste, malheureusement, mais partisan de l’Algérie française, néanmoins.
Après la lecture de la biographie de René Resciniti, le doute reste entier : fut-il oui ou non, le justicier qui liquida les deux assassins ? Mais le seul fait qu’on puisse se poser la question constitue déjà une sorte de prise de conscience que ce semi-clochard royaliste a été ou aurait pu être un authentique héros de la France française.
Le Roman vrai d’un fasciste français, par Christian Rol, La Manufacture de livres, 2015.
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