mardi, 06 décembre 2016
Le plus incompétent est donc récompensé...
Article de Patrick Parment publié dans le n°44 (automne 2016) de Synthèse nationale :
L’inénarrable Monsieur Cazeneuve
Par Patrick Parment
Notre ministre de l’Intérieur trimbale plusieurs sobriquets : « Cazevide », « le cardinal » voire « l’ombrelle de Cherbourg » ! A chacun son Bernard Cazeneuve. Le nôtre, c’est celui d’un professionnel de la politique dont les compétences ne sont pas à la hauteur des tâches qui lui ont été confiées. En cela, il ne diffère guère de ses homologues d'avant, qu'ils soient socialistes ou républicains.
Quand François Hollande l’a nommé ministre de l’Intérieur (pardon, Manuel Valls !), il lui a lancé d’un air moqueur : « Avec ta tête de Fouché malin, tu as tout pour réussir ! » Sous ses dehors froids, Bernard Cazeneuve partage avec Hollande, dans sa version anglaise, le même sens de l’humour. Ce qui le fait craindre de ses adversaires comme de ses confrères socialistes. Sur le fond, Cazeneuve est un austère peu porté sur la gaudriole, les dîners en ville, les mondanités de toute sorte. Il aime ses dossiers et il est comme tous ses confrères qui accèdent à de hautes fonctions, spécialiste de rien du tout. Mais, à chaque échelon qu’il a franchi, il a bouffé du dossier pour essayer de comprendre quelque chose et éviter de se faire « enfler » par les énarques qui vous entourent. Ah, l’Ena ! Il s’est tout bonnement planté. Ca arrive et ce n’est pas forcément un handicap. Comme la plupart des ministres, Cazeneuve est d’abord un coureur du marathon politique.
Il est né le 2 juin 1963 à Senlis dans l’Oise où son père, instituteur, était responsable du Parti socialiste (alors SFIO). Curieusement, Bernard Cazeneuve est diplômé de Sciences-Po Bordeaux et non Paris, où il animé la fédération des Jeunes radicaux de gauche de 1982 à 1987. Ayant échoué à l’Ena, il entre dans la banque et prend sa carte du Parti socialiste. Là, il va cofonder et présider un petit club mitterrandien, Avenir démocratie, avant d’animer le cercle fabiusien, Micromegas, avec un certain Thierry Coudert que l’on retrouvera plus tard dans les eaux sarkoziennes. Cazeneuve vient de rencontrer son grand homme en la personne de Laurent Fabius. Alors qu’il est chargé de mission à la caisse centrale de la Banque populaire – un fief maçonnique – de 1987 à 1990, le voici propulsé – via les réseaux fabiusiens – au cabinet de Thierry de Beaucé, secrétaire d’Etat aux relations culturelles internationales, comme conseiller technique aux questions audiovisuelles extérieures. Où il n’y connaît rien, cela va de soi. Il enchaîne comme chef de cabinet d’Alain Vivien, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères (1991-1992) et surtout grand manitou de la Fraternelle parlementaire avant de passer, in fine, chez Charles Josselin, secrétaire d’Etat à la mer.
C’est Laurent Fabius qui a la bonne idée de le parachuter dans la Manche où les zozos de la fédération d’Octeville se déchirent à belles dents. Il a pour objectif de reprendre la ville perdue en 1989. Ce qui sera chose faite en 1995. A la surprise générale – nous sommes en 1997, année de la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac – il est élu député de la 5e circonscription de la Manche avec 58,6% des voix, battant le sortant, l’UDF Yves Bonnet. En juin 2002, il sera battu de peu par l’UMP Jean Lumière.
Conseiller général de la Manche de 1994 à 1998, ainsi que maire d’Octeville (1995-2001), ce fabiusien – qui a voté non à la Constitution européenne puis sera hostile au traité de Lisbonne – devient maire de Cherbourg, rattachée à Octeville, où il succède au socialiste Jean-Pierre Godefroy.
Propulsé par François Hollande comme tête de liste dans la Manche aux élections régionales de 2004, le défenseur de l’énergie nucléaire, très hostile à Cohn-Bendit, ne réunira pas la gauche plurielle, les Verts et les Radicaux ayant décidé de faire chambre à part. Cazeneuve devient néanmoins vice-président du conseil régional, suite à la victoire du socialiste Philippe Duron. Simple maire et conseiller régional, Cazeneuve entre comme avocat au cabinet August & Debouzy qui gère notamment les dossiers de lobbying du PS*. En 2007, il récupère son siège de député face à Jean Lumière, l’emportant largement avec 58,96% des voix. Il est réélu à Cherbourg lors d’une élection municipale partielle en 2008 et devient président de la Communauté urbaine de Cherbourg. Côté finances, ça roule, plus besoin de jouer les avocats d’opérette.
A l’Assemblée, il se fait remarquer comme rapporteur de la mission parlementaire sur l’attentat de Karachi. Mais, il se heurtera au silence de Hervé Morin, alors ministre de la Défense, et de Michèle Alliot-Marie, ministre des Affaires étrangères, qui ne lui donneront pas l’accès au dossier. Il en tirera un livre, Karachi, l’enquête impossible (Calmann-Lévy, 2011).
Porte-parole du candidat François Hollande lors de la présidentielle de 2012, il a en charge les questions industrielles et le nucléaire dont il est un fervent soutien. Et pour cause, il a Flamanville et La Hague dans sa circonscription. Il est réélu au premier tour député de la 5e de la Manche en juin 2012 (55,39%). Il appartient – outre à la franc-maçonnerie -, au comité d‘honneur du cercle Léon Blum qui réunit tous les communautaristes juifs du PS et leurs amis ainsi ce qui lui donne une place d’honneur aux dîners du Crif.
Le 16 mai 2012, il est nommé ministre délégué aux Affaires européennes auprès de son mentor Laurent Fabius, ministre en titre. Il est alors remplacé à la mairie de Cherbourg par Jean-Michel Houllegatte et à l’Assemblée nationale par sa première adjointe à la mairie, Geneviève Gosselin. Il ne laissera guère de traces aux Affaires européennes étant nommé, dans l’urgence, le 19 mars 2013 ministre délégué au Budget en remplacement de Jérôme Cahuzac pris en flagrant délit de main dans un coffre en Suisse. Un beau scandale qui ébranle la clique hollandaise. Aux chiffres, Bernard Cazeneuve ne connaît rien du tout. Mais, il affirme vouloir poursuivre la politique de réduction des déficits publics, fixée à 5 milliards d’euros sur le budget de 2014. A l’ordre de ses faits d’armes, on retiendra son intervention pour enterrer un amendement étendant le champ de la taxe sur les transactions financières aux opérations de trading à haute fréquence. Un engagement du candidat Hollande. Il a également proposé un amendement relevant la TVA applicable aux activités équestres de 7 à 20%, ce qui a fait hurler professionnels et amoureux du cheval.
Quant Manuel Valls remplace Jean-Marc Ayrault à Matignon, voici Bernard Cazeneuve propulsé ministre de l’Intérieur. Il a fait l’objet d’un compromis entre François Hollande souhaitant François Rebsamen et Manuel Valls, Jean-Jacques Urvoas. Et là, Cazeneuve va montrer toute l’incompétence socialiste en matière de police et de sécurité.
Sur son bureau, un premier dossier brûlant : la jungle de Calais. Il attendra 215 jours exactement avant de mettre les pieds dans la cité meurtrie. La ville a vraiment le sentiment d’être abandonnée par les pouvoirs publics. C’est qu’en matière d’immigration, la classe politique et les socialistes en particulier n’ont jamais su trancher.
Lundi 24 octobre 2016, jour du démantèlement de la « jungle » - on ne sait s’il s’agit de 6 ou 8 000 personnes - Bernard Cazeneuve rappelle que les centres d’accueil et d’orientation ont été renforcés au vu des besoins, offrant 42 000 places dans 450 lieux, contre 20 000 en 2012. Le dispositif a déjà accueilli 6 000 personnes depuis octobre. Une soixantaine de bus, dotés de deux accompagnateurs chacun, seront affrétés vers toute la France (hors l’Ile-de- France et la Corse). Chaque migrant pourra choisir entre deux régions. Ce qui en clair signifie que l'« islamisation » du territoire se poursuit au mépris des communes dont les maires n’ont même pas été concertés. Et pour cause, la majorité d’entre eux n’en veut pas. C’est de l’assassinat culturel, mais Bernard Cazeneuve n’en a pas conscience. C’est un « hors sol ».
Ministre des Cultes, ses relations sont courtoises avec les autorités religieuses. Il s’exprime assez peu sur le sujet, mais en bon franc-mac, les racines chrétiennes de l’Europe, ça ne passe pas. Pour lui, ces racines chrétiennes, c’est faire une relecture historique frelatée de la France. C’est, à ses yeux, « brader l’héritage laïc du pays ». C’est ce qu’il a déclaré durant la campagne de Hollande, en 2012, en réponse à Sarkozy. Plus récemment, il a ouvertement remis à sa place le nouveau maire, pourtant PS, de Cherbourg qui voulait marquer de sa présence la Manif pour tous eu égard à son hostilité au mariage gay.
Souvenez-vous. Le 14 juillet 2014, Cazeneuve fait arrêter préventivement plusieurs responsables et militants du FN par crainte de sifflets durant le passage du chef de l’Etat sur les Champs-Elysées. Mais, on ne notera aucune arrestation auprès des écolocasseurs, tous fichés pourtant, à Dijon, Toulouse et Nantes à la suite des événements survenus au barrage de Sivens, dans le Tarn, le 25 octobre.
Lors de l’attentat contre la salle de spectacle le Bataclan à Paris le 13 novembre 2015, une polémique naîtra suite à la non intervention des militaires présents sur place et qui n’ont pas reçu l’ordre d’aider la police. Les huit militaires équipés de fusils d'assaut ne peuvent qu'assister à la scène en spectateurs. Les militaires ne sont qu'en assistance, ils ne peuvent pas intervenir. Et donc ne pas tirer ! Autrement dit, aucune coordination n’a eu lieu entre les forces de l’ordre.
Certes, si l’on ne peut demander l’impossible à la police, surchargée de travail, on notera que le plupart des individus mis en cause dans les différents attentats de ces dernières années sont fichés S (Mohamed Mera, Moussa Coulibaly, Sid Ahmed Ghlam, Yassin Salhi). Preuve que les différents services du renseignement font leur travail.
Le 14 juillet 2016, un terroriste fonce dans la foule sur la promenade des Anglais à Nice à bord d’un camion : 86 morts et 434 blessés. Une querelle naîtra : une policière municipale, Sandra Bertin, qui dit avoir subi des pressions du ministère de l’intérieur pour changer son rapport sur la nuit du 14 juillet. Cela concerne la video surveillance. On lui demande d’attester de la présence d’effectifs policiers sur la bande. Ce à quoi elle se refuse. Or, les attestations transmises à la justice qui corroborent la version de Mme Bertin. Libération publie une enquête dans laquelle des journalistes affirment que « contrairement à ce qu’a affirmé le ministère de l’Intérieur, l’entrée du périmètre piéton de la promenade des Anglais n’était pas protégée par la police nationale le 14 juillet au soir. » Après que le ministre ait démenti toute faille dans le dispositif de protection, le journal réitère ses critiques dans un éditorial dénonçant « les arrangements avec la réalité, l’absence de transparence et donc de responsabilité des services de l’État. »
Le 1er août 2016, les ministres de l'Intérieur et du Logement ont publié un communiqué passé totalement inaperçu dans la torpeur de l'été mais d'une importance capitale sur le plan de l'évolution des mentalités et de l'idéologie politique française (voir encadré). Ce communiqué enterre de fait toute notion d'immigration irrégulière. Il abolit le clivage entre légalité et illégalité en matière d'immigration. Il va dans le sens de la loi du 7 mars 2016, dont les dispositions reviennent à rendre très difficiles l'application des mesures d'éloignement. Il proclame que la France a le devoir d'accueillir et de prendre en charge tout étranger sur son territoire, qu'il soit autorisé à entrer et à séjourner ou qu'il ne le soit pas. De facto, le principe ainsi proclamé abroge l'idée de frontière ou de respect du droit de l'entrée et de séjour. Les associations humanitaires, les idéologues, les partisans de la liberté totale d'immigrer en rêvaient depuis au moins quarante ans. M. Cazeneuve et Mme Cosse l'ont fait. La question est de savoir quel sera l'ampleur de l'appel d'air que cette transformation profonde de tous les fondements de la politique d'immigration française est susceptible provoquer à terme. Le communiqué annonce une France ouverte, qui n'éloigne plus ses migrants illégaux mais au contraire les accueille. Le potentiel d'émigration est élevé: des centaines de millions de personnes déshéritées et désœuvrées, dans ce monde en ébullition, ne songent qu'à trouver un point d'accueil. Reste à savoir si la France, qui compte cinq millions de chômeurs, de gigantesques problèmes de logement, des centaines de milliers de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, un millier de cités sensibles dévastées par la violence, l'exclusion, le communautarisme, l'islamisme radical, si cette France a les moyens d'accueillir une immigration supplémentaire. Mais pour M. Cazeneuve et Mme Cosse, c'est une autre affaire. Et ce n'est visiblement pas la leur.
Suite à l’Etat d’urgence, décrété le 14 novembre 2015 – et renouvelé depuis jusqu’en 2017 -, la police est sur des charbons ardents. Elle a dû tour à tour faire face à l’Euro 2016 de football, au tour de France, aux bâtiments à protéger, au terrorisme, conduisant les policiers à descendre dans la rue. Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est l’agression au cocktail Molotov de quatre agents bloqués dans leur voiture, le 8 octobre 2016, à Viry-Châtillon dans l’Essonne. Quatre policiers gravement blessés dont un entre la vie et la mort. A la uite de quoi plusieurs centaines de policiers ont défilé, hors consignes syndicales, sur les Champs-Elysées donnant lieu à des manifestations spontanées dans toute la France.
Nicolas Sarkozy avait supprimé plus de 10 000 policiers, le gouvernement socialiste, et Bernard Cazeneuve en tête, n’ont rien fait pour améliorer la situation. Comment se fait-il qu’un ministre de l’Intérieur ne connaissent rien du moral de ses troupes au point que celles-ci décident de manifester spontanément à Paris comme en province ? Leur passer de la pommade ne suffit pas. Les policiers veulent des actes, notamment du côté de la justice, laxiste à leurs yeux. Les solutions passent également par un traitement de l’immigration, clandestine ou pas. Les mesures prises à ce jour ne sont pas assez énergiques et notre droit, largement manipulé et interprété par le lobby pro-immigrés , n’est plus à la mesure des enjeux. Comme le résume un policier : si la police fait défaut, c’est le chaos assuré. Avec Cazeneuve, on y court.
(*) Voir à ce sujet, Vincent Nouzille, République du copinage, Fayard, 2011
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