lundi, 06 mai 2019
Les dinosaures se portent bien
Membre du BP du Parti de la France
Mars 1983, le 1er tour des municipales à Paris est terminé et la campagne du second est acharnée. Un ami à moi, qui avait été tête de liste FN dans le 18e arrondissement, a l’idée d’inviter chez lui Alain Juppé pour une réunion de quartier. Par pure curiosité, mais dans le but de savoir s’il mérite nos suffrages contre le PS. Je lui déconseille cette idée, non par rigidité d’appareil mais parce que « je ne sens décidément pas ce Juppé ». « On va bien voir ! » me répond-t-il, têtu, et il invite dans cette perspective les militants FN de sa campagne, ses amis, les commerçants du coin. Il appelle le secrétariat de Juppé, ne cache rien de son pedigree politique et propose une date pour une réunion d’échanges et un apéritif.
Juppé accepte. Le jour dit, j’arrive en avance à l’appartement où je retrouve nos amis mais aussi des voisins, un dentiste, un curé en soutane, le boucher du coin, le libraire, plusieurs mères de famille, et quelques couples du quartier, en tout une quarantaine de personnes, un panel assez complet des âges et conditions sociales du tout Montmartre. Flanqué d’un cadre de la Mairie de Paris, Juppé arrive en retard et s’excuse à peine. Il reste debout, un peu tendu, décline le verre de mousseux et ne se lance même pas dans le serrage des mains habituel. Il va déclarer alors mots pour mots « Bonjour à tous, pardonnez mon retard mais j’avais une réunion de quartier qui a traîné… Merci à notre ami pour son invitation. Vous connaissez les enjeux de ce 2e tour, c’est important. Je vous préviens tout de suite, je ne suis pas nazi...
Mais ceux qui souhaiteraient participer à ma campagne du 2e tour peuvent s’adresser à mon adjoint M. Y qui va rester un moment avec vous. Il est à votre disposition. Je suis désolé mais je dois partir, l’emploi du temps est chargé, vous vous en doutez, et j’ai d’autres réunions sur le feu. Au revoir ». Les gens étaient sidérés et sans voix. Puis ce fut le brouhaha, « c'est honteux ! C’est ça Juppé ? ». L’adjoint du candidat ne resta pas longtemps et mon ami lui fit part de son indignation sur le palier.
Juppé considérait comme « nazis » les gens du FN en général et ceux qui l’avaient invité mais, pour autant, il ne refusait pas leur invitation ni leur aide militante à condition que ce fût organisé par un intermédiaire. Discuter politique, mieux connaître les gens, écouter leurs questions ? Totalement inutile puisqu’ils sont « réputés » nazis.
L’hypocrisie des chiraquiens, nous l’avons bien connue aussi, surtout quand les élus régionaux RPR venaient s’épancher à la buvette en surenchères racistes tout à fait malvenues puisque leurs patrons étaient directement responsables du Regroupement familial et leurs amis du CNPF de l’embauche de travailleurs immigrés à prix cassés. Leurs clins d’œil, leurs confidences étaient pitoyables.
Que dire aujourd’hui de la reconversion inverse et spectaculaire de Jacques Toubon ? Lui aussi ose tout ! Mais surtout dans la discipline olympique du tout-reniement. Il est vrai que la mission à lui confiée par Hollande en 2014 beurre les épinards et qu’il a, grâce à la Gauche, rattrapé tous ses copains dans les promotions. Évalués entre 21 000 et 30 000 euros mensuels, ses appointements justifient le zèle qu’il met à pourfendre les écarts de la Police, le machisme, le racisme (sauf anti-français), l’anti-islamisme, l’antisémitisme, l’état d’urgence etc.
L’explication d’un tel revirement ? Sans doute, disent-ils à Gauche, le besoin de rédemption (!) après ses outrances du passé. Comme tout Chiraquien, il en commit effectivement sous le prétexte de vouloir contenir le FN ; dans les années 80, il prononça même un discours en partie en dialecte africain histoire d’en rajouter sur les « odeurs » des cités si incommodantes pour son Patron… Humour pitoyable, humour RPR. En 87, devant les Clubs Avenir et Liberté, il condamna les « contraintes mises en place par 40 ans de sociale-démocratie » ! Autant dire que De Gaulle, Mollet, Coty, Blum, Herriot et même Lebrun devaient se retourner dans leurs tombes ! Mais qu’importe le Général, il fallait rivaliser avec les populistes !
Depuis que Chirac a avalisé l’Acte Unique Européen en 1984 et sans cesse mis ses pas dans ceux de la Gauche radsoc, sans oublier sa brillante réélection en 2002 devant une marée de drapeaux algériens reconnaissants, lui et sa bande auront trahi leurs électeurs pendant plus de 40 ans et à contribué largement à dégoûter l’ensemble des citoyens de la vie politique.
De celle-ci, il a fait un « milieu » où l’opportunisme, le mensonge, les coups tordus et la corruption forment le modus operandi. De l’Appel de Cochin en 1978 il ne reste rien si ce n’est son exacte antithèse dans tous les actes du grand Patron pendant 25 ans. Y compris quand il s’agit de diaboliser Le Pen de 83 à 88, puis de le rencontrer en catimini entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1988 pour tenter d’obtenir un soutien indirect, moins de 8 mois après le « Détail » ? Pour comprendre la chiraquie jusque dans ses soubresauts, il suffit d’attendre les conséquences du mensonge ou du reniement. Juppé savonne la planche de son propre camp depuis plusieurs années ? Sincère car tout le monde le croit indéfectible à Bordeaux Il suffit que la récompense tombe, bingo, et tout le monde croira aussi qu’il a bien pesé en conscience le poids de son ancienne condamnation avant d’accepter de siéger au Conseil constitutionnel. Foutaises, hypocrisie, tartufferie !
En attendant un fauteuil similaire de Sage ou de Juste, Toubon soigne son image de marque, retourne toutes ses vestes et palpe. Leur sincérité n’existe pas, seul leur intérêt personnel subsiste. Sarkozy a beau traîner derrière lui une quantité de casseroles dignes des cuisines de Chambord, il n’aura de cesse de crier à chaque fois son innocence, comme Tapie la sienne, car ces gens-là ont pour seule devise de survie de n’avouer jamais. Insatiable, l’ancien Maire de Neuilly n’écarte pas non plus l’idée de se représenter, sans même passer comme Hollande par la case « mémoires best-seller ».
Un comble. Enfin, Raffarin, dont vous pourriez vous inquiéter du sort, va bien. Ses échecs au Sénat sont cicatrisés. Il n’a de cesse de donner des leçons de morale (à Wauquiez surtout), il a pour étendard lui aussi les Droits de l’Homme et pour leitmotiv « l’Humanisme » qu’il prononce toujours avec componction comme un Archevêque devant une dinde rôtie. Et où croyez-vous qu’il mène ses affaires et reconversions ? Dans le pays par excellence des Droits de l’Homme et de l’humanisme, la Chine populaire évidemment où il se rend très souvent avec désintéressement et sacrifice de sa personne, comme Chirac le fit de son côté pour le Japon où il se rendit 5 fois plus souvent que notre ami Gollnisch pendant des années pour l’amour du sumo ! Mais n’était-ce pas aux frais du contribuable ? Je vous le disais, les Chiraquiens ont tous la même trame mais pas au point d’être « impayables ».
09:17 | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.