mardi, 18 juin 2019
Précis de décomposition
Le billet de Patrick Parment
Emmanuel Macron aura finalement réussi son pari d’exploser tout ce qui constituait hier encore le paysage politique français scindé entre droite et gauche et leurs satellites respectifs. Si le macronisme est un bouillon qui fait la synthèse de la droite et de la gauche, le Rassemblement national, aujourd’hui, est bel et bien l’opposition de droite. Entre les deux, il n’y a plus rien. Marion Maréchal, sur le fond, n’a pas tort, l’avenir de cette vieille droite centro-gaulliste, est dans le Rassemblement national.
Si les éléphants de la gauche défunte ont disparu – le camarade Mélenchon n’est pas au mieux de sa forme - ce n’est pas le cas à droite où les vieilles raclures de bidet de l’UMP cherchent désespérément à continuer d’exister. Si ces caciques ne veulent pas mourir, ce n’est pas en raison d’une quelconque idée d’eux-mêmes et du monde, mais dans la préservation de leur casse-croûte. A devoir se fondre dans le Rassemblement reviendrait pour la plupart d’entre eux à disparaître corps et âme. Raison pour laquelle, s’appuyant sur leur maillage municipal, ils persistent à croire qu’ils pourront survivre. On voit mal comment dans la mesure où ils n’ont plus aucune idée, plus de partis et surtout plus aucun leader pour les incarner. De voir surgir le nom de Christian Jacob ne prête même plus à sourire. Ce qui nous fait rigoler, en revanche, c’est la tête de tous ces francs-macs qui vont devoir abandonner leurs petites combines et surtout leurs juteuses magouilles.
L’autre aspect qui ne plaide guère en faveur de leur survie, c’est la fracture sociale dont les Gilets jaunes sont l’une des manifestations majeures. Il n’y a plus d’électorat homogène dans une France désormais scindée en trois : une France d’en haut, urbaine et mondialisée, une France d’en bas, suburbaine, rurale où vivent les classes moyennes en voie de paupérisation et la France des immigrés. Or, cette France d’en haut est largement libérale au plus mauvais sens du terme quand la France d’en bas remet justement en question ce modèle économique qui est en train de nous détruire (1). Même là, la vieille droite n’a plus sa place. Ce à quoi il faut ajouter comme l’a bien vu Jérôme Fourquet (2) le déclin du catholicisme qui ne structure plus désormais les différentes classes sociales et notamment le monde rural. La religion est renvoyée dans la sphère privée. Ce qui ne veut pas dire que les acquis « idéologiques » du catholicisme ont pour autant disparu.
Nous sommes donc bien dans une phase de recomposition du paysage politique sur fond d’affaiblissement du sentiment démocratique dans la mesure où la dérive ploutocratique est forte. Pour toutes ces raisons, les prochaines élections municipales vont être un très intéressant baromètre car elles vont nous renseigner sur l’état réel des forces en présence dans notre pays. Nul doute que les maires qui souhaitent conserver leur siège vont analyser de près le vote des européennes pour savoir de quel côté leur cœur va balancer. Un sport de haut niveau à n’en pas douter.
(1) Voir à ce sujet l’excellent ouvrage d’Alain de Benoist, Contre le libéralisme, Le Rocher ed.
(2) L’archipel français, le Seuil
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