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dimanche, 28 février 2021

Plan Biden : un nouveau plan Marshall ou la République de Weimar ?

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Marc Rousset

Sur la semaine, les indices ont nettement baissé à Wall Street et à Paris : le CAC 40 a perdu 1,20 %, le Dow Jones 1,78 %, le NASDAQ presque 5 %, le SP 500 1,83 %. Le taux à dix ans sur les obligations américaines a atteint 1,61 %, son plus haut niveau depuis février 2020. Un seuil de taux au-dessus de 1,50 % est fondamental, car il correspond au rendement actuel des actions aux États-Unis. Il y a risque, avec le plan Biden, d’un cocktail de dépenses budgétaires démentielles et de laxisme monétaire qui peut alimenter une explosion trop forte des dépenses de consommation et une reprise trop élevée de l’inflation, d’où le risque possible d’un arrêt, à terme, des politiques monétaires accommodantes, ce qui entraînerait une augmentation des taux d’intérêt avec, à la clé, un double risque de krach sur les obligations et les actions.

De début décembre 2020 à aujourd’hui, les taux obligataires sont passés, respectivement, de 0,8 % à 1,54 % aux États-Unis, de -0,45 % à 0 % en France, de -0,65 % à -0,26 % en Allemagne, de 0,45 % à 0,76 % en Italie. Le Plan Biden, c’est 1.900 milliards de dollars dans l’immédiat, qui viennent s’ajouter aux 4.000 milliards de dollars déjà accordés en 2020 contre le Covid-19, plus 2.000 milliards à prévoir dans les prochains mois, mais qui seront étalés sur quatre ans pendant son mandat, afin de rebâtir le pays, soit la bagatelle en tout de 7.900 milliards de dollars. Par comparaison, le plan de l’Union européenne, toujours pas déclenché, c’est 750 milliards d’euros dont des prêts, auxquels il convient d’ajouter les plans de relance nationaux.

Le plan Biden est très généreux : 422 milliards de dollars doivent être distribués directement aux ménages les plus modestes, 350 milliards serviront à soutenir les finances des États et des collectivités locales, 246 milliards sont prévus pour renforcer les allocations d’assurance chômage, 160 milliards pour la vaccination et la lutte anti-Covid, 130 milliards pour les écoles et les lycées, 7,25 milliards seulement pour les PME, 600 milliards pour les crédits d’impôts. La veuve, l’orphelin et le chômage constituent de bons prétextes, tandis que le plan pour les États et les collectivités cache des cadeaux électoraux pour les démocrates et que les dépenses climatiques sont considérées comme du gaspillage par les climato-sceptiques.

Ce plan n’est pas un plan structurel d’investissements porteur d’avenir. Il y a risque de surchauffe. L’argument de Biden, c’est qu’il y a dix millions d’emplois à recréer, que le risque de surchauffe est limité à court terme et que pour ralentir l’économie si c’est nécessaire, il augmentera les impôts et laissera monter les taux d’intérêt. Biden préfère prendre le risque de trop que pas assez, compte tenu de l’échec, en 2008, du plan de relance Obama, beaucoup trop modeste. Le seul hic, c’est que tout cet argent sera encore emprunté !

Jerome Powell, de la Fed, cherche à rassurer en disant qu’aucun « tapering » (réduction des achats obligataires) n’est dans les tuyaux avant 2024 ; il minimise le risque de surchauffe alors que les pénuries actuelles de composants électroniques et la soudaine accélération du prix de certaines matières premières démontrent le contraire. Certains économistes pensent que l’on va tout droit vers un « taper tantrum » (crise du « QE »), que les marchés obligeront la Fed à augmenter les taux. Les grands prêtres keynésiens Blanchard et Summers ont déjà jeté l’éponge. La masse monétaire M2 de la Fed est en hausse de 25,7 % par rapport à l’année dernière.

En Europe, le canari italien dans la mine s’est déjà manifesté ; le taux obligataire de 0,30 %, suite à la nomination de Draghi, est directement passé à 0,76 %. L’économie européenne, empêtrée dans la crise sanitaire, l’endettement du « quoi qu’il en coûte » et le chômage à venir, pourrait être victime des conséquences de la folle relance de Biden, qui pourrait mettre fin à son redressement, la déstabiliser, voire la faire exploser.

Avec son plan, Biden joue à quitte ou double ! C’est soit un plan Marshall génial bienvenu, au bon moment, pour les États-Unis avec des risques très importants pour l’Europe dont il n’a que faire, soit les États-Unis et l’Europe sont à l’aube de la République de Weimar avec un krach épouvantable, une hyperinflation et la révolution à la clé, si l’on en croit Michael Burry, le célèbre investisseur qui a fait fortune en anticipant la crise des « subprimes ».

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17:00 Publié dans Tribunes de Marc Rousset | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

L’ère des sectaires

 

3460602292.jpgYves Thréard

Wokisme, islamo-gauchisme, décolonialisme… Que de formules obscures pour des intentions qui le sont beaucoup moins. Ceux qui les portent en étendard dont de claires ambitions  : ils veulent réécrire l’histoire, gommer les mâles du genre humain, effacer la différence des sexes, crier leur haine du monde occidental. Ils entendent réveiller le peuple des soi-disant damnés de la société pour qu’il prenne conscience des horreurs qu’il subit depuis des siècles. L’heure est à la revanche sur l’ordre judéo-chrétien. Marx est mort, mais ses avatars rôdent, avides d’installer une nouvelle idéologie, tout aussi ravageuse. Discriminés de tous les pays, unissez-vous pour abattre l’homme blanc, au cœur rassi et au casier familial suspect ; il a du sang sur les mains. Du passé, il faut faire table rase; et faire feu sur les résistants qui dénoncent la prise en otage des esprits. Celui qui dit la vérité doit être exécuté : il est immédiatement qualifié de fasciste, de raciste, d’ennemi des masses opprimées. Maintenant, celui-là doit payer sa dette.

Tel est le visage de ce nouveau militantisme qui se propage en Europe et en France. Ses thèses irriguent de plus en plus les milieux politiques, syndicaux, universitaires, intellectuels, sportifs. Elles ont pris d’assautles réseaux sociaux, qu’elles polluent de leurs détestations. Importée des Etats-Unis dans le sillage du mouvement Black Lives Matter, cette vague ne recule devant aucune outrance pour s’imposer. On l’a vue à l’œuvre à Paris, en novembre 2019, quand des manifestants défilant contre l’islamophobie arboraient une étoile jaune ! Émettre une critique, c’est permettre à ses tenants de se poser en victimes. Frédérique Vidal vient d’exprimer son inquiétude face à la montée de l’islamo-gauchisme dans les facultés. Aussitôt, les mandarins de l’enseignement supérieur ont exigé la dé- mission de la traître.

Ainsi sont-ils, ces apôtres de l’antiracisme, de la diversité, de la défense des minorités : des activistes aux pratiques totalitaires. C’est l’ère des sectaires.

Source : Le Figaro 26/02/2021

11:44 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

Gabriele Adinolfi analyse la situation italienne

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Gabriele Adinolfi 

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Pourquoi le choix de la Ligue devrait-il être perçu comme une trahison ? Telle est la perception de ce qu’on appelle en sociologie les sous-cultures. Dans la communication moderne, des ghettos sociaux sont créés et à l’intérieur de ces ghettos sociaux certains utilisateurs s’influencent mutuellement, transformant la réalité des partis et des politiciens (Salvini, Trump, Poutine, Orban) à leur guise. Ils rejettent tout ce qui contredit leur vision et soulignent ce qui leur tient à cœur. Ils pensent ainsi que le succès de ces partis ou de ces politiciens est dû aux raisons que les utilisateurs des ghettos sociaux considèrent comme fondamentales et, quand la réalité fait tomber leur illusion, ils croient que les électeurs ont été trahis et qu’ils se retourneront contre les traîtres. Mais cela ne réside que dans la fausse perception de la réalité par les ghettos sociaux.

La Ligue, l’euro et l’Europe

La bataille de Salvini pour la sortie de l’euro a duré un an, de 2016 à 2017. Compte tenu de la façon dont cette ligne avait pénalisé Marine Le Pen à l’élection présidentielle, Salvini l’a brutalement abandonnée.

Il faut dire aussi que cette campagne démagogique a été lancée par une Ligue qui était à son plus bas résultat historique (4%), alors qu’elle était marginale et pouvait se permettre de dire ce qu’elle voulait.

Cependant, la Ligue est revenue pour gouverner les régions productives italiennes, pour représenter les industries, le tourisme, le commerce et là, si quelqu’un propose de quitter l’Euro, ils appellent directement une clinique psychiatrique.

Les ghettos sociaux n’ont pas compris cela car il y a encore trois ou quatre représentants de la Ligue qui jouent le no euro et les anti-allemands et, comme d’habitude, les utilisateurs sociaux confondent ceux qui viennent pêcher dans leur environnement avec l’ensemble du mouvement qui lui n’est pas du tout sur ces positions.

Il faut dire aussi que le souverainisme est suivie de près par les loges anglaises; loges qui veulent la faiblesse italienne et européenne, et donc soutiennent les lignes anti-euro.

Le personnage principal du parti de la City et de la Bourse proche de la Lega est Paolo Savona, qui fut l’un des architectes de la séparation entre la Banque d’Italie et le Trésor et l’un des porte-étendards des privatisations. Sa tâche n’est pas de nous sortir de l’euro, mais de saboter la puissance économique européenne. La pieuvre britannique du souverainisme en soutien au dollar et à la livre n’est pas dans la Ligue, elle opère à l’extérieur (Paragone, Giubilei, Fusaro). Au sein de la Ligue, le plus grand critique de l’euro et de l’Europe est Alberto Bagnai, l’homme qui célèbre publiquement le bombardement de Dresde. À un niveau beaucoup plus bas de la hiérarchie, il y a Borghi et Rinaldi, dont l’impact dans la Ligue et sur l’électorat de la Ligue est insignifiant mais qui sont imaginés par les ghettos sociaux comme dirigeants de la Ligue.

Draghi et les Italiens

Draghi a obtenu 86% des voix au Sénat et 89% des voix au Parlement.

Le consensus des Italiens pour Draghi est inférieur à celui exprimé par les partis, mais il est juste légèrement inférieur, car il approche des 80%.

Draghi est considéré comme l’homme qui a réussi à vaincre la ligne d’austérité de la Banque centrale et à aider l’économie italienne. Les Italiens qui continuent à être appelés eurosceptiques à l’étranger ne sont pas du tout eurosceptiques. Il est nécessaire de comprendre la mentalité italienne et l’expression comique de la politique.

En Italie, par tradition, l’État est quelque chose d’étranger à la vie quotidienne: on le maudit en payant des impôts mais on l’invoque pour l’aide économique et l’emploi.

C’est comme si vous aviez affaire à un grand-père qui se considère riche et de qui vous espérez obtenir quelque chose mais que vous êtes très réticent à rester auprès de lui.

Les chrétiens-démocrates avaient une majorité ininterrompue pendant cinquante ans, mais rencontrer alors quelqu’un qui prétendait voter pour DC était plus rare que de trouver un trèfle à quatre feuilles. Avec une mentalité syndicale, les Italiens ont tendance à critiquer ce qu’ils votent réellement, mais parce qu’ils croient qu’en faisant cela, leur soutien semblera décisif et qu’ils pourront exiger et obtenir plus de leur seigneur.

La relation avec l’UE de la part des Italiens est exactement la même. C’est un européanisme passif.

Depuis que Merkel a forcé les Européens à aider à restaurer l’économie italienne, les Italiens se font des illusions sur le fait qu’ils peuvent se remettre sur les épaules des autres et pensent que Draghi a l’autorité nécessaire pour que cela se produise à un coût limité.

Considérant aussi à quel point les deux gouvernements présidés par Conte se sont révélés amateurs, le consensus pour Draghi n’est inférieur, dans l’histoire italienne, qu’à celui de Mussolini.

L’Italie et la comédie

Chaque peuple a ses comédies et la démocratie est la comédie par excellence.

Aucune comédie n’est sérieuse. Mais les comédies sont différentes d’un pays à l’autre. En France, la tendance est à la vantardise, en Italie à être cabotin.

Le fanfaron doit respecter autant que possible le rôle qu’il joue, l’istrion change de rôle sans avoir de problèmes et joue un autre rôle à la seconde.

L’improbable unité italienne derrière Draghi est incompréhensible ailleurs. Salvini qui rencontre les dirigeants du Parti démocrate et qui s’apprête à gouverner avec eux. Salvini parlant avec le ministre de l’Intérieur qui a pris sa place contre lui et trace une ligne commune, Borghi inventant que Draghi est un “souverainiste”, sont des singeries qui ne seraient possibles nulle part ailleurs dans le monde mais qui en Italie sont très normales, comme les films de Sordi et Gassman l’enseignent.

La Ligue et Draghi

On ne sait pas exactement ce que Draghi essaiera de faire ni s’il réussira. J’espère pour ma part que cela échouera pour une raison simple : je crois qu’il faut maintenant la catastrophe la plus noire et la plus violente en Italie pour qu’il se produise un effet de choc qui puisse, peut-être, faire exister les vertus italiques chez quelqu’un parce qu’aujourd’hui l’Italie est, collectivement, une immense bouffonnade.

En tout cas, pour imaginer ce que Draghi tentera de faire, il faut abandonner tous les clichés en cours dans les ghettos sociaux. Draghi ne veut pas «liquider» l’Italie pour un méchant patron allemand ou français et ne veut pas la mettre en faillite. Au contraire, il veut rationaliser les dépenses, contrôler les revenus et relancer la production. Ce qui n’est pas du tout contraire à la soi-disant grande réinitialisation de Davos car, si vous lisez leurs documents préliminaires, ils sont préoccupés par la santé des entreprises productives; pour la simple raison que quiconque se nourrit du sang des autres, quand il meurt, doit lui donner des transfusions robustes.

Draghi n’est pas encore au travail mais certaines données s’éclaircissent. Le poids politique de la droite, et en particulier de Berlusconi, est très fort. Draghi veut se lancer dans un bras de fer avec l’État profond parasite italien et le choix de Brunetta comme ministre de l’administration publique le confirme. Trois ministères sont allés à la Ligue, dont deux revêtent une importance stratégique et pour l’économie et pour l’électorat de ce parti. Il s’agit du ministère du Tourisme, qui va à Massimo Garvaglia et du ministère du Développement économique qui va à Giancarlo Giorgetti, qui a grandi au MSI (note Strategika : Mouvement Social Italien, droite nationale post-fasciste).

Qu’elle gagne ou qu’elle perde, la Ligue a donc toutes les références pour bien jouer son jeu. Si ce match réussissait, la Ligue triompherait. Et si le jeu échoue ? Il ne se passerait pas grand-chose : elle jouerait ensuite un autre match. Le transformisme politique italien et la mentalité avec laquelle la comédie est vécue chez nous permettront tout autre nouveau saut périlleux. N’oublions pas que la Ligue a été à tour de rôle sécessionniste, autonomiste, souverainiste et européiste et que, changeant de masque, elle est toujours restée en selle. Tout simplement parce que elle est l’expression de territoires productifs et de classes sociales pénalisées par l’État profond et la bureaucratie. Par conséquent, elle risque peu ou rien dans son nouvel investissement.

Gabriele Adinolfi est un théoricien politique italien. Il a dirigé la rédaction du journal Orion et lancé divers projets médiatiques et métapolitiques comme le site d’information NoReporter ou le think tank Centro Studi Polaris. Il a aussi parrainé en Italie les occupations illégales d’immeubles abandonnés à destination des familles italiennes démunies, occupations dont la plus connue est la Casapound (dont le nom fait référence à l’écrivain Ezra Pound) et qui est aujourd’hui un mouvement politique national. A partir de 2013 il anime un think tank basé à Bruxelles, EurHope. Les activités de Eurhope et de Polaris aboutissent au projet de l’Académie Europe (2020) qui relie des intellectuels, des activistes et des entrepreneurs de plusieurs pays. Le but de cette initiative est de créer une élite politique et entrepreneuriale apte à influer sur la politique européenne à l’échelle continentale. Dans le cadre de cette Académie Europe, il donne un cours de méthodologie politique en français tous les jeudis à 18h. Cours accessible en ligne ici.

00:33 Publié dans Gabriele Adinolfi | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |