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vendredi, 04 juillet 2025

Comme l’Oncle Sam en Hexagone

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol 

On doit à Yannick Sauveur une excellente biographie de son ami Jean Thiriart parue en 2016 chez Pardès dans la collection « Qui suis-je ? ». Ce proche du fondateur de Jeune Europe a cependant commencé son militantisme aux débuts des années 1970 dans les rangs solidaristes. Il vient de publier une enquête très étayée et un réquisitoire solide sur un mal qui ravage la France.

L’américanisation de la société française. Acculturation et perte d’identité (L’Æncre, coll. « Nouveaux enjeux du XXIe siècle », 2025, 310 p., 35 €) met en lumière une tendance inquiétante qui atteint tout l’Hexagone. Les Français se rêvent de plus en plus en Texans de la Seine, en Californiens du Rhin, en Floridiens de la Garonne, en New Yorkais de la Loire et en Chicagoans du Rhône. Ce phénomène, particulièrement prégnant, est fort ancien. Il se manifeste à travers divers canaux de propagation dont ceux de la culture dite populaire : le cinématographe, la variété musicale, le roman et la bande dessinée.

Yannick Sauveur rappelle l’intervention primordiale de la CIA en matière culturelle afin de mieux façonner les « élites » d’Europe occidentale. Ainsi la construction européenne s’opère-t-elle dès le départ sous la tutelle implicite – mais réelle – des États-Unis d’Amérique ! Sous le prétexte facile de contrer la menace communiste soviétique, écrivains, journalistes et essayistes de renom s’engagent volontiers dans la promotion de l’atlantisme, de l’occidentalisme et du mondialisme sans toujours en connaître les aboutissements !

Déjà dénoncée en son temps par Régis Debray dans Civilisation. Comment nous sommes devenus américains (2017) et L’Édit de Caracalla. Ou plaidoyer pour les États-Unis d’Occident (2002), l’américanisation ne se limite pas au haut de la société; elle se diffuse partout, y compris et surtout dans les zones rurales où prolifèrent festivals, clubs et fêtes locales de country music chaque fin de semaine. La langue de Molière est sérieusement touchée par cette mode détestable. Par la faute du Conseil constitutionnel présidé par le délétère Robert Badinter, la loi Toubon de 1994 ne s’applique pas (ou si peu). On ne traduit plus les titres des films ! Une flopée d’anglicismes (« expérimentation », « létal » ou « dispatcher ») métastase le français courant. Maintes enseignes – et pas seulement les salons de coiffure ! – emploient des termes angloïdes, c’est-à-dire un sabir bâtard qui n’est finalement qu’un globish lamentable. Le grand remplacement n’est pas démographique; il est aussi linguistique.

L’Union dite européenne est en pointe dans cette invasion insidieuse. Malgré le Brexit, l’unique langue (officieuse) de travail de la Commission et du fumeux Parlement demeure l’anglais par la faute des responsables français qui, à partir de 1974, ont renoncé à soutenir leur propre langue. Mais est-ce si surprenant quand Yannick Sauveur rapporte que cette politogenèse soi-disant européenne est de confection étatsunienne et que de nombreux politiciens et politiciennes hexagonaux en tant que Young Leaders de la French American Foundation servent de relais majeurs d’influence étrangère ? Par ailleurs, l’entité terroriste planétaire appelée OTAN renforce l’intégration des États d’Europe dans une matrice occidentale cosmopolite.

On connaît bien maintenant les connexions entre les cénacles mondialistes et les instances de l’État profond US. Certes, il n’y a jamais une identité complète de vue, de projet et d’ambition entre eux. Toutefois, il importe de prendre en compte qu’en-dehors du courant isolationniste qui récuse souvent l’Ancien Monde s’affrontent une tendance hégémoniste pour qui les États-Unis doivent assumer seuls la direction politique du monde, quitte à s’emparer de nouvelles terres, et une faction globaliste chez qui l’expansion du modèle étatsunien doit susciter l’arasement total des cultures, des peuples et des nations. Pour ce dernier groupe, l’occidentalisation, l’américanisation et la mondialisation ne sont pas les étapes successives d’un seul et même procédé, mais les manifestations parfois simultanées d’une procédure d’homogénéisation de très longue durée.

Tel un déluge ou un raz-de-marée gigantesque, l’américanisation se retrouve partout, des arts dont l’art contemporain en est le fer de lance à la gastronomie. À la pause – déjeuner de Midi, le burger remplace le sandwich ! Quant aux divertissements, Disneyland – Paris attire un public venu de toute l’Europe pour déverser sur lui un récit détourné et dévoyé des mythes ancestraux européens. L’Oncle Sam pille sans retenue nos ressources, nos talents et notre imaginaire. Résultat, « l’aliénation culturelle, écrit Yannick Sauveur, va d’abord imprégner des enfants qui, dès le plus jeune âge, vont être conditionnés par l’american way of life. Ce n’est pas être excessif de dire que Disneyland symbolise à souhait l’impérialisme américain et l’américanisation culturelle et, circonstance aggravante, avec la complicité des dirigeants de notre pays ».

Les Français portent eux aussi une grand part de responsabilité dans cette   « McDonaldisation » qui « est aussi, à travers le succès de toutes ces chaînes commerciales d’origine américaine, prévient encore Yannick Sauveur, le spectacle peu réjouissant de la standardisation poussée à l’extrême et aussi avec pour conséquence la mort des centres villes et le déclin voire la disparition des petits commerces ». Le corollaire de ce triste constat correspond à l’essor d’un hyper-individualisme perceptible à l’hypertrophie de la place de l’automobile, élément central dans la surconsommation. Il serait peut-être temps que l’opinion avisée délaisse cet engouement pernicieux et s’intéresse à cette discipline novatrice lancée dès 1991 par Thomas Molnar : l’américanologie. 

Salutations flibustières ! 

• « Vigie d’un monde en ébullition », n°163, mis en ligne le 2 juillet 2025

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11:13 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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