samedi, 30 octobre 2021
Ces poisons qui rongent notre démocratie
Ivan Rioufol
La France ne peut, décemment, donner des leçons de démocratie. Idem pour l’Union européenne (UE). Les « élites » françaises et bruxelloises tordent le nez, ces jours-ci, sur la Hongrie de Viktor Orban : le premier ministre est accusé d’avoir aboli les contre-pouvoirs et de se cabrer, avec la Pologne, contre l’ « État de droit » décrété par l’UE. Mais notre Assemblée nationale est elle-même devenue la caricature d’une représentation populaire. L’autre nuit, la possibilité pour le gouvernement de reconduire le passe sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022 a été votée en présence de 261 parlementaires sur 577 : 55 % des députés n’ont donc pas jugé utile de venir défendre des libertés. Or elles sont malmenées par le nouvel hygiénisme d’Etat qui rêve d’une société infantilisée où chacun serait numériquement identifié et suivi. Les députés ? Des obligés de l’Exécutif.
Le chœur médiatique prédit une campagne présidentielle autour du pouvoir d’achat. Le sujet est assurément une préoccupation pour les gens. Mais le choix du gouvernement de distribuer une « indemnité d’inflation » de 100 euros aux 38 millions de Français qui gagnent moins de 2 000 euros net par mois est une désinvolture supplémentaire venant d’un pouvoir déconnecté. Une crise sociale ne s’achète pas seulement avec
de l’argent ; l’aumône est insultante. Cela fait trop longtemps que la société subit une « cascade de mépris » (Mirabeau). Rien n’a changé depuis 1789. Lire François Garçon (1) : « La France du XXIe siècle vit encombrée d’archaïsmes d’Ancien Régime. » Le point de rupture est atteint avec la macronie hors sol. « L’Assemblée, élue en 2017, est probablement la plus élitiste socialement depuis plus d’un siècle (...) », dit le sociologue Étienne Ollion (Libération, lundi).
La France est malade d’avoir été réduite à une démocratie d’apparence: une oligarchie a marginalisé la classe moyenne. Cette dernière représente environ 50 % de la population. Or elle a disparu (1 %) de l’hémicycle du Palais Bourbon, sans même parler du Sénat. L’Union européenne se moque pareillement des peuples quand ils réclament la maîtrise de leurs lois. Les Hongrois et les Polonais sont menacés de sanctions par Bruxelles parce qu’ils osent faire prévaloir leurs règles sur celles décidées par des apparatchiks non élus. Orban ne manque pas d’arguments quand il accuse l’Europe, samedi, de se « comporter avec nous et les Polonais comme avec des ennemis ». Le Hongrois compare cette politique impérialiste à la « doctrine Brejnev », qui imposait le communisme aux pays de l’Est sous tutelle soviétique. L’UE étouffe les nations renaissantes.
Le rappeler : les Français, consultés en 2005 par référendum, ont refusé à 55 % d’avaliser la Constitution européenne qui prétend chapeauter les États. L’annulation de leurs votes, avalisée dans l’entre-soi des « élites » en 2007 par le traité de Lisbonne, délégitime les prétentions de Bruxelles à imposer ses « valeurs », c’est-à-dire l’ouverture à l’Autre, la visibilité des minorités (notamment LGBT), la «diversité» culturelle. Frédéric Rouvillois le note (Le Figaro, 25/10) : le principe de primauté du droit européen ne figure pas dans les traités de Rome de 1957, socle de l’Europe contemporaine ; les juges l’ont introduit « en catimini ». C’est aussi en 2003, à l’initiative de Romano Prodi, président de la Commission européenne, que les bases d’une Europe multiculturelle ont été jetées par un « groupe de Sages », dans le dos des peuples, avec un « Dialogue entre les peuples et les cultures de l’espace euro-méditerranéen». La «démocratie» bruxelloise est une blague.
Dévoiement
Le désintérêt collectif porté à la défense des libertés individuelles, mises en cause par le confinement puis le passe sanitaire renouvelé, accentue le dévoiement de la démocratie française. L’absentéisme des députés lors du vote prolongeant l’état d’urgence est le reflet d’une apathie de la société. La progression de l’abstention, redoutée pour avril 2022, est un autre symptôme. L’hygiénisme d’État, cette nouvelle idéologie imposée par Macron le 12 juillet dernier, a été rendu implacable grâce à l’effacement des contre-pouvoirs, à la dramatisation de la contagion du Covid, à la diabolisation des opposants à cet ordre sanitaire. Or, derrière sa prétention à protéger d’un virus, cette quête de pureté contient les germes d’un possible totalitarisme, soft et dépolitisé. Ce régime liberticide est à l’œuvre en Chine communiste. En France, la surveillance collective, la dénonciation citoyenne, la ségrégation civique, l’intrusion de l’État dans
L’intimité des vies sont les premières régressions. L’Assemblée vient de voter, en violation du secret médical, la possibilité pour les chefs d’établissement d’accéder au statut vaccinal des élèves. Rares sont les parlementaires qui, comme Loïc Hervé mardi, osent dire : « Pour nous, le Sénat doit etre la Chambre qui restaure les libertés des Français ».
Les médias «progressistes» ne sont plus, eux-mêmes, à la hauteur de leur mission de défense des libertés d’opinion et d’expression. Lundi, sur le site de Mediapart, près de 200 journalistes avaient déjà signé un appel à «invisibiliser» les personnes «prônant des idées fascistes, racistes, xénophobes (...)», etc. Se prétendant «respectueux des valeurs démocratiques », ces censeurs appellent, sans le nommer, à faire taire Éric Zemmour et à dénoncer ceux qui lui donnent la parole. Or ce sectarisme et cette intolérance n’ont pas été dénoncés par les sociétés de rédacteurs. Elles étaient plus réactives quand il s’agissait de rappeler à l’ordre des confrères trop libres ou impertinents. Pareillement, l’accusation moutonnière en complotisme et en racisme, réservée par les médias à ceux qui avalisent, à la suite de Renaud Camus, le constat d’un «grand remplacement » en cours de la population européenne se révèle infondée: un sondage Harris Interactive publié par Challenges montre que deux tiers des Français s’inquiètent fortement de ce phénomène. Le déni du réel va de pair avec la démocratie sous surveillance.
La droite gagnante... peut perdre
Le politiquement correct est en miettes. Ses mensonges ne peuvent plus cacher l’état du pays. La gauche dissimulatrice en paie le prix : elle est balayée par la droite dont se réclament désormais 37 % des électeurs, contre 20 % pour la gauche (Le Figaro, mercredi). Mais la droite, rongée par ses divisions, est capable de perdre...
(1) France, démocratie défaillante, L’Artilleur.
Source : Le Figaro 29/10/2021
00:12 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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