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jeudi, 08 juin 2023

Travailler plus longtemps pour se faire tondre davantage encore ?

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Arnaud Raffard de Brienne

La période actuelle d’inflation qui voit fondre à vitesse accélérée notre pouvoir d’achat comme notre épargne n’offre-t-elle pas une occasion propice de s’interroger sur les dernières mesures régressives concernant l’indemnisation du chômage, les retraites et, de façon plus générale, sur la finalité de cette frénésie productiviste et matérialiste qui domine la fonction économique, le consumérisme et la folie du toujours plus de production, de productivité, de consommation, de gaspillage aussi, auxquels nous n’avons que trop sacrifié. Et si nous nous demandions sérieusement un instant pour qui et pour quoi il nous faudrait travailler toujours plus longtemps alors que la productivité n’a jamais cessé de s’améliorer pour atteindre des sommets, notamment en France et contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire ?

Nous savons tous plus ou moins qu’entre le salaire total payé par l’employeur, le “salaire super brut”, et ce que perçoit le salarié sur son compte en banque, la captation de départ s’élève déjà à environ 50%. Le salaire véritable, celui déboursé par l’employeur se trouve, avant même prélèvement de l’impôt sur le revenu, diminué de moitié avant de rejoindre l’escarcelle du salarié, ce qui n’est pas rien mais ne constitue pourtant qu’un tout début…

Le salarié va-t-il quand même pouvoir vivre de la moitié de ce salaire brut total ? Non, bien entendu, cette inimaginable ponction initiale ne constitue en effet que le point de départ d’un laminage fiscal en règle qui fait de notre pays le champion du monde des prélèvement fiscaux et sociaux comme l’a reconnu l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un rapport publié en 2019. Le pays le plus taxé au monde donc, celui du vin et du fromage dont il serait capable d’offrir une variété chaque jour de l’année mais aussi celui de près de 500 taxes et impôts divers et variés.

Revenons à notre salarié lambda dont le salaire a déjà été divisé par deux puis ponctionné de l’impôt sur le revenu calculé en fonction de sa rémunération et donc de la tranche d’imposition dans laquelle il se situe, avant même d’aboutir sur son compte bancaire. Mais il ne s’agit là que d’aimables préliminaires et c’est maintenant que commence vraiment la fête. La totalité de ses achats de biens et de services, de la plaquette de beurre au PC portable ou à l’automobile lui coûtera 20% d’impôts au titre de la fameuse Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), cette invention perverse datant des années 1950. Perverse en effet puisqu’elle sera ajoutée aux dépenses à chaque stade de la commercialisation d’un bien ou d’un service, sur la base de la valeur dépensée, ce qui revient à intégrer dans l’assiette de l’impôt la valeur de taxes déjà récoltées au stade précédent. Il fallait y penser !

Donc, après avoir perdu à la source la moitié de son salaire puis l’impôt sur le revenu et 20% sur tout achat de biens et de services, voici notre salarié pour le moins allégé. Il lui reste maintenant à subir les centaines de taxes et impôts directs et indirects potentiels au premier rang desquels la taxe d’habitation, les taxe foncière pour les propriétaires de leur logement, les intérêts et frais bancaires en tous genres, la taxation aberrante prélevée par les notaires pour tout acte de vente, d’achat ou toute opération patrimoniale, les taxes spécifiques sur les carburants, le tabac, l’alcool, les jeux bien sûr mais aussi l’impôt sur les sociétés, l’un des plus élevés au monde, sur l’épargne, sur les droits d’enregistrement de tout acte juridique, taxes à l’importation, à l’exportation, pour l’environnement, le recyclage, les amendes… L’exhaustivité en la matière relèverait d’une gageure et d’un labeur de bénédictin.

En 2022, le jour de libération fiscale, celui à partir duquel le salarié commence à travailler pour lui et les siens, était estimé au 19 juillet 2022. Il aurait donc travaillé six mois et demi pour la collectivité, ce qui nous apparait très largement sous-estimé puisque ne prenant pas en compte la totalité des éléments mentionnés ci-dessus. Il ne resterait en fait au salarié que bien moins de 20% du salaire brut total déboursé par l’entreprise. Sans doute entre 10 et 20%, selon la combinaison des variables propres à chaque cas.

Mais n’imaginez pas pour autant que le salarié et ses héritiers puissent jouir sans entraves de ces ressources résiduelles car ce serait ignorer le terrible coup de rabot qui, au soir de sa vie et surtout après, lui volera une bonne partie de ce qu’il aura néanmoins réussi à grappiller tout au long de son existence placée sous le signe de la tyrannie fiscale. Nous voulons bien entendu évoquer l’épargne et la fiscalité du patrimoine et de la succession. Après avoir gavé sa vie durant l’État, les banques, notamment à travers ses emprunts, les intermédiaires en tous genres (assurances, syndics…) et l’ensemble du système, il lui faudra, une fois ad patres, se faire voler, selon les cas de figure d’une fiscalité complexe, en moyenne 20% de son patrimoine légué à ses propres enfants mais carrément 35 à 45% si la succession bénéficie à ses frères et sœurs, 55% pour les autres membres de la famille et jusqu’à 60% pour les tiers et concubins… La fiscalité nécrophagique en quelque sorte.

Seule consolation  dans cet enfer fiscal : pareille prédation globale nous garantit évidemment un État prospère, des ministères pleins aux as, des infrastructures de premier ordre, la gratuité des autoroutes et un réseau routier de qualité irréprochable, des villes propres et pimpantes, un système de santé incomparable et un hôpital opulent, une sécurité à toute épreuve pour les citoyens, un premier rang dans le domaine de la recherche, le plein emploi, l’absence de toute précarité et une éradication durable de la pauvreté, des logements douillets pour tous, une armée puissante, bien dotée, aux équipements d’avant-garde, des retraites confortables garanties pour des décennies et des décennies et une Éducation nationale aux performances mondialement enviées, n’est-ce pas ? Et, bien entendu, pas le moindre centime de dette de l’État ! Bon, passons… Insister serait cruel.

Il faudrait donc, si l’on s’en tient au récent pseudo-débat sur les retraites et aux votes de l’Assemblée nationale et du Sénat, cotiser deux années supplémentaires pour que se prolonge pareille félicité ? On comprend qu’il y ait peu de volontaires.

10:09 Publié dans Arnaud Raffard de Brienne | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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