vendredi, 11 avril 2025
Dans le nouveau numéro du magazine québécois "Le Harfang" : un grand entretien avec Roland Hélie, directeur de Synthèse nationale, après la disparition de Jean-Marie Le Pen
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Le texte de l'entretien avec Roland Hélie :
Pourriez-vous nous dire comment votre relation avec Jean-Marie Le Pen débuta ?
Cela remonte au milieu des années 1980. Au moment où le Front national venait de faire sa percée historique aux élections européennes de 1984. Je faisais alors parti du Bureau politique du Parti des forces nouvelles et, après dix ans de concurrence ardue avec le FN, nous venions de décider de mettre fin aux activités du PFN et de rejoindre le Front national.
Pour bien comprendre, il faut remonter quelques années en arrière. Après l’échec (relatif) de la campagne présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vignancour en 1965, la droite nationale française entama une « traversée du désert ».
Au lendemain de Mai 1968, est créé le mouvement Ordre nouveau qui se caractérise par une certaine radicalité idéologique et un activisme militant de circonstance. Pour élargir son audience, Ordre nouveau participe à la création, en 1972, du Front national destiné à regrouper tous les courants de la droite nationale. Jean-Marie Le Pen en prend la présidence.
Mais, très vite, un an après sa création et après la dissolution d’Ordre nouveau en juin 1973, des fissures se multiplient et le Front se divise. D’un côté ceux qui restent fidèles à Le Pen et, de l’autre, les anciens responsables d’ON qui vont donner naissance au Parti des forces nouvelles. Durant les dix années qui suivirent, les deux formations se sont entredéchirées alors que les résultats électoraux restaient modestes, pour ne pas dire dérisoires.
Pourquoi et comment, après l’élection de François Mitterrand en mai 1981, la Droite nationale a retrouvé une place sur l’échiquier politique français ?
L’arrivée de la coalition socialo-communiste au pouvoir a traumatisé la droite modérée. Cette période correspond aussi aux premiers effets de l’immigration sur la société française. L’insécurité et le chômage se développaient et la gauche, très vite, commençait à décevoir. Dans ce contexte, la Droite nationale en général et le Front national de Jean-Marie Le Pen en particulier, commençaient à voir le bout du tunnel. Lors des municipales de 1983, le FN fit ses premières percées spectaculaires (à Paris XXe et à Dreux, une petite ville alors déjà confrontée à une immigration importante, située proche de la capitale).
En juin 1984, la liste du FN conduite par Jean-Marie Le Pen fit plus de 10% des voix aux élections européennes. De ce fait, le PFN n’avait plus d’espace politique ; la sagesse et l’intérêt national nous ont donc amené à rallier FN.
Vous qui aviez côtoyé Jean-Marie Le Pen, quel genre d'homme était-il au quotidien ?
Je n’ai jamais fréquenté Jean-Marie Le Pen « au quotidien ». En fait, c’est Jean-Pierre Stirbois, alors secrétaire général du FN, qui avait le plus œuvré pour le ralliement du PFN au FN. Le Pen était la figure tutélaire, le Président, mais c’était Jean-Pierre qui gérait le mouvement « au quotidien » Hélas, après le décès accidentel de celui-ci, les relations se compliquèrent. Il y eu beaucoup de malentendu à cette époque et quelques années plus tard, nous prirent quelques distances avec le FN. Puis, finalement, les choses se sont arrangées.
Depuis la création de Synthèse nationale, en 2006, Jean-Marie nous a, à maintes reprises, fait part de l’intérêt qu’il portait à notre démarche militante. À partir de 2016, il a régulièrement participé à nos journées annuelles, les Rendez-vous Bleu-Blanc-Rouge.
Je crois que c’est à l’occasion de notre RDV BBR d’octobre 2019 qu’il a pris, pour la dernière fois, la parole en public devant plusieurs centaines de personnes enthousiastes. Depuis, son état de santé ne lui permettait hélas plus de se livrer à de telles performances.
Nous avions même organisé un banquet à Paris, réunissant de nombreux convives, à l’occasion de la parution de ses Mémoires en 2018.
Outre son courage, quelle était la plus grande force de Jean-Marie Le Pen ?
Autant il avait l’art et la manière pour se brouiller avec ses amis (politiques), autant, il savait y faire pour se réconcilier avec eux. L’un de ses proches m’avait un jour résumé le comportement de Jean-Marie : « Quand tu aimes Le Pen, Le Pen t’aime bien. Quand tu n’aimes plus Le Pen, Le Pen ne t’aime plus ». C’est peut-être simpliste, mais cela explique bien des choses.
Les quarante années qu’il a passées à la présidence du Front national ont été marquées par de nombreux conflits internes, allant parfois jusqu’à la scission (PFN en 1974, Alliance populaire en 1992, MNR en 1998…). Et à chaque fois, les choses ont fini par rentrer dans l’ordre.
N’est pas chef qui veut. Pour être un vrai chef, il faut avoir à la fois du charisme, du talent et être doté d’un redoutable sens politique. Le Pen réunissait ses conditions, c’est pour cela qu’il est devenu et qu’il est resté, le « leader » incontournable de la droite nationale française. De plus, j’ajouterai que le personnage était particulièrement attachant…
Malgré le fossé qui se creusait avec sa fille Marine, comment percevait-il les gains incroyables réalisés par le RN ?
Le RN d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec le FN d’hier. Certes, en cinquante ans, la France et le monde ont changé mais il y a des « constances » qui restent. Les problèmes soulevés par le FN à sa création demeurent les mêmes. Notre indépendance nationale n’existe pratiquement plus et la submersion migratoire est devenue ce que l’on appelle désormais « le grand remplacement ». Dans ces conditions, était-il nécessaire de procéder à un tel « nettoyage » du mouvement national. Jean-Marie avait, il y a quelques années, parfaitement résumé à sa manière la situation : « Ce n’est pas au moment où le diable devient sympathique, qu’il faut procéder à une dédiabolisation ».
Partout en Europe, on assiste à un réveil national et identitaire des peuples face à la volonté des oligarchies dirigeantes d’imposer une gouvernance mondiale. Le RN, en France, bénéficie de ce « soulèvement » généralisé.
Les enjeux soulevés par Jean-Marie Le Pen comme l'immigration et l'insécurité sont devenus omniprésents. Le péché de JMLP fut-il d'avoir raison trop tôt ?
En politique, on a toujours raison à un moment ou à un autre. Le problème, c’est d’avoir raison au bon moment… Et c’est justement au moment où l’Histoire est en train de lui donner raison que Jean-Marie est passé de vie à trépas…
Propos recueillis par Rémy Tremblay
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20:05 Publié dans Jean-Marie Le Pen | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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