samedi, 10 décembre 2022
Geoffroy Lejeune a fait un rêve… et ça devrait vous plaire !
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« J’ai fait un rêve, comme dit l’autre. La nuit dernière, encore agacé par la dernière polémique née au sein de Science Po, notre prétendue « école de formation des élites de la Nation », mon inconscient m’a trahi et inspiré quelques pensées. Comprenez-le: des étudiants ont reproché à leur professeur de danse d’avoir voulu continuer à appeler un homme un homme et une femme une femme, au lieu de les désigner par les termes « leader » et « follower », ainsi que lui demandait l’administration de l’établissement. Certains élèves se sont élevés contre cette pratique rétrograde, humiliante et sexiste, ont cafté auprès des autorités compétentes, non sans avoir pleurniché sur les réseaux sociaux en se souvenant tout à coup que, quand même, cette prof avait l’air sacrément homophobe, lesbophobe, transphobe, queerphobe, quand on y pense.
J’ai rêvé, donc, qu’on me donnait une journée, rien qu’une journée, les rênes de l’école de la rue Saint-Guillaume. Mon souvenir est brumeux mais j’étais plus ou moins chargé de reprendre en main la pédagogie et de remettre à leur place les hommes soja qui croient y refaire le monde. Bienvenue dans mon rêve.
Arrivée sur zone à 5 h 45. Convocation des élèves à 6 heures. Filtrage à l’entrée, ne sont pas acceptés les chèches palestiniens ni les ponchos bariolés achetés au Pérou lors du dernier voyage éco-responsable à la découverte de peuples inconnus. Églantine, 20 ans, qui veut devenir chercheuse en sociologie pour analyser les comportements dominants chouine un peu. Enzo, son camarade qui porte une jolie tresse violette derrière l’oreille, ose même dire que c’est du « post fascisme ». T’es pas prêt, chaton.
Dans la cour, lever des couleurs. Marseillaise. J’ai fait venir d’Aubagne les légionnaires du 1er Régiment Étranger de Cavalerie pour donner le ton. Un adjudant-chef polonais est chargé de surveiller ceux qui ne chantent pas. Lorsqu’il s’approche d’eux, plissant l’œil et faisant gonfler une cicatrice menaçante sur l’arcade, tous retrouvent la mémoire et du souffle. Jules, 21 ans, responsable du comité Justice pour Adama dans le 7ème arrondissement, objecteur de conscience, a les larmes aux yeux. Comme c’est beau, le patriotisme. Ou est-ce de la peur ?
A l’issue, le major Gérald, chef des sports du régiment, huit opérations extérieures à son actif (Tchad, ex-Yougoslavie, Centrafrique, Somalie…), champion de boxe, de kick-boxing et de full contact, prend en main le dérouillage du matin. Parcours du commando, test de résistance des côtes et des vertèbres, pompes. Il y a un peu de casse. Un peu choqué qu’on sépare les filles et les garçons, Stanislas, le référent UNEF, a demandé s’il était possible de faire un troisième groupe pour les gender fluid, mais le major a répondu : « we are in France, we speak French. »
Inspection générale. Je passe en revue les troupes et ausculte les tenues. A droite, je fais placer les cheveux bleus, les piercings exubérants et les crock tops disgracieux. A gauche, ceux qui passent inaperçu et seront donc exemptés de corvée de patates.
C’est qu’il faut anticiper le déjeuner, et cette centaine de bouches à nourrir. Prévoyant, j’ai demandé à Willy Schraen, le président de la fédération des chasseurs, de me mettre de côté quelques dizaines de kilos de sangliers et de chevreuils abattus le week-end précédent en forêt de Compiègne. Térébenthine pleure. Habituellement, elle se sustente avec des graines de courge et de poudre de fleur de courgette qu’elle trouve au premier étage du bon marché, non loin d’ici, mais aujourd’hui elle va apprendre à lever un filet de chevreuil et à désosser un cochon pour nourrir ses camarades. Pour enseigner ce noble art, mon copain Willy est venu avec Bruno, un boucher du sud de l’Aisne dont la vitrine a été attaquée par des vegans. Mais Bruno n’est pas rancunier. Enfin, espérons.
Ce soir, pour détendre tout ce petit monde, j’organiserai dans le grand amphi une projection privée de Vaincre ou Mourir, le film produit par le Puy du fou sur l’histoire de Charette, le résistant vendéen. Mais il faut installer le matériel et, soucieux de respecter les idéaux de mes jeunes étudiants, je fonde une équipe paritaire pour transporter les kilos de sonorisation et de matériel vidéo qui attendent dans un camion (roulant au diesel) garé en double file boulevard Saint-Germain.
Nos petites têtes blondes enfin rassasiées, passons à l’enseignement, raison d’être de cette prestigieuse institution. J’annule la masterclass prévue avec Annie Ernaux qu’on entend déjà partout pour la remplacer par quelqu’un qui n’aurait jamais eu les honneurs de Sciences Po. En consultant la liste des personnalités jamais invitées, j’y constate l’absence étonnante de Jean-Marie Le Pen, malgré ses soixante ans de carrière politique. Chose réparée.
Petit coup d’œil aux enseignements fondamentaux. Je ne suis pas sûr de garder les « humanités politiques » consistant à étudier « la persistance et le changement des normes et pratiques sociales » ou « l'existence et l'articulation de plusieurs types d'inégalités ». Fabrice Luchini viendra donc faire une dictée (un texte de Péguy ou Nietzsche, il choisira) et seront envoyés au rattrapage les élèves au-dessus de cinq fautes.
Apprenant qu’en 2017, les étudiants des instituts d’études politiques de province ont placé en tête de leur vote à la présidentielle le candidat Mélenchon, talonné par Benoît Hamon, je décide d’ouvrir les esprits de mes chérubins à quelque chose qu’ils ne connaissent pas : la droite. Mais sans sectarisme. J’organise donc à la volée un débat entre Jordan Bardella, Éric Zemmour et Bruno Retailleau. Mon ami Matthieu Bock-Côté accepte de se libérer une heure pour modérer les échanges.
Après avoir ôté de la devanture de la bibliothèque Le génie lesbien, d’Alice Coffin, et le Guide citoyen de la sixième République, de Raquel Garrido, et y avoir installé les mémoires d’Hélie de Saint Marc et la bibliographie complète de Philippe de Villiers, j’avise mes élèves qu’ils auront prochainement un cours sur l’apport de l’Islam à la civilisation occidentale. Ils toussent un peu en apprenant que je le confie à Jean Messiha. Une heure devrait lui suffire.
Le réveil sonne, mon rêve s’interrompt. Dans la vraie vie, la prof a perdu son boulot et Églantine, Enzo, Jules et Stanislas vont passer la journée à cogiter sur la fin du productivisme avant d’aller résister à l’islamisme en terrasse et, éventuellement, de consommer de la cocaïne importée dans le ventre d’esclaves guyanaises. J’attendrai probablement encore un peu pour faire de ce rêve une réalité. La vérité, c’est que personne à droite n’oserait un jour imaginer imaginer pareil déséquilibre et n’envisagerait de sombrer dans cette caricature, qu’il s’agisse d’enseignement, de médias, ou même de politique. La gauche, elle, l’a fait. Ce temple s’appelle Sciences Po, et il vire désormais les femmes qui croient à l’existence de deux sexes. Paraphrasons de Gaulle: pour que cette école forme l’élite de la Nation, il faudrait qu’elle fut une élite et qu’il y eut une Nation. Sur ce, faites de beaux rêves.
16:49 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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