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mardi, 13 juin 2023

Cacographie

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Etienne de Montety

Ce pourrait être un jeu comme hier le javanais, le loucherbem, le verlan, une manière adolescente de coder le langage qui fait lever les yeux au ciel les parents et les professeurs et finit par passer de mode. L’écriture inclusive, avec ses mots veillant à ne pas «genrer», à ne pas «assigner», s’installe. Des chercheurs, des universitaires, des militants politiques, des publicitaires, des communicants, toute une classe paradoxalement cultivée, ayant bénéficié des meilleures écoles et universités de la République, l’emploie, l’impose.

Pour les uns, cette nouvelle grammaire est l’expression d’un combat à mener pour la « visibilité » des minorités, pour les autres, elle est plus simplement chic, exhalant un progressisme de bon aloi. Ne pas l’employer, pire, y résister, c’est risquer la géhenne de l’obscurantisme. La méthode n’est pas neuve, on la trouve déjà exprimée chez Molière : « Par nos lois, prose et vers, tout nous sera soumis/ Nul n’aura de l’esprit, hors nous et nos amis./ Nous chercherons partout à trouver à redire,/ Et ne verrons que nous qui sache bien écrire. » Derrière les expériences fumeuses d’apprentis sorciers, c’est aussi une représentation du monde qui est mise à l’épreuve : l’adéquation précise du mot à la chose, son genre, son nombre y sont l’ennemi. On leur substitue un vocabulaire non identifié, abstrait, confus, censé exprimer les mille nuances de la nature humaine, au risque de la diluer dans ce qu’il faut appeler une « cacographie » – réalité qui serait à l’écriture ce que la cacophonie est à la musique. Et, alors que la langue française obéit historiquement à l’usage, et de temps à autre à des normes établies par l’autorité de l’État, un groupe idéologique s’arroge on ne sait quel magistère sé- mantique, et forcément éclairé, auprès du bon peuple.

Quant à savoir si celui-ci - des millions de francophones, vous, moi - entend quelque chose à ce sabir constitué de points médians et de néologismes bancals, c’est le moindre des soucis de ces promoteurs : ces inventions sont-elles utilisables ? Intelligibles? Harmonieuses ? Bah ! Pour eux la langue n’est pas un instrument d’expression, d’échanges et de compréhension au service de tous, c’est une arme de combat. s

Source : Le Figaro 13/06/2023

10:30 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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