vendredi, 02 octobre 2015
HOLLANDE A L’ONU, C’EST… « CAUSE TOUJOURS, TU M’INTERESSES ! »
Le Bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
A force de tergiverser sur le sujet syrien, « j’y vais, j’y vais pas » et de se cantonner dans une hostilité sans faille à l’égard du régime de Damas, la politique étrangère française au Proche-Orient est devenue sinon totalement illisible, au moins complètement solitaire, pour ne pas dire isolée.
Et ce n’est pas le discours de François Hollande devant l’Assemblée générale de l’ONU prononcé le lundi 28 septembre, gonflant ses petits muscles face au Président russe, qui redorera le blason de la diplomatie française. « Je ne cesse d’expliquer à Vladimir Poutine que nous devons trouver une autre solution que Bachar Al Assad », a confié le Chef de l’Etat lors d’une conférence de presse donnée dans les locaux du building de l’East River à New-York. On aurait pu penser après le règlement du dossier des « Mistral » – couteux, de 200 à 250 millions d’Euros pour nos pieds ! – et de la (relative) stabilisation du front ukrainien, que les relations franco-russes se réchaufferaient. Patatras, la « fatwa » élyséenne lancée contre le Président syrien remet tout en cause. Pendant que Dae’ch décapite, pille, viole, tue, massacre, détruit et… s’enrichit, la France s’acharne contre le seul gouvernement de Damas. Et, partant de là, contre la seule armée qui combat au sol, avec les Kurdes, les terroristes de l’Emirat islamique. Quelle incohérence, d’une main on arme ceux que l’on prétend combattre - combien de nos armements et de nos munitions sont passées des mains des « Syriens libres » entre celles de l’E-i ? – de l’autre, si je puis dire, on bombarde ces mêmes islamistes, notamment dans la région de Deir Ez Zor ?
Hollande isolé
Les Etats-Unis et la Fédération de Russie qui, eux, jouent dans la cour des grands, vont probablement trouver un modus vivendi avec leurs incontournables partenaires que sont, respectivement, la Turquie et l’Arabie Saoudite pour les premiers, l’Iran pour les seconds. Et la France alors, dans tout ça ? Lâchée par Dame Merkel qui, décidément, dans ce dossier comme sur celui des « migrants » n’en fait qu’à sa tête, le Président Hollande se retrouve tout seul. Le secrétaire-général de l’ONU, le birman Ban Ki Moon ne s’y est pas trompé, omettant de citer la France parmi la courte liste des protagonistes pouvant résoudre la crise, militairement, puis politiquement. Or, c’est l’inverse que souhaite le locataire, espérons-le « provisoire », de l’Elysée : d’abord « évacuer » Bachar Al Assad de la scène politique et combattre Dae’ch ensuite. Au mieux, les deux simultanément. En attendant, que cela plaise ou non, le « tyran » de Damas c’est le Président élu des syriens, donc un Président légal, tout autant que peut l’être un François Hollande Président par défaut. Bachar ophtalmologiste de formation, héritier contre son gré il faut le rappeler, de la dynastie des Assad, est le chef des armées, le responsable suprême du parti Baas. Ce dernier est l’ossature politico-administrative de ce pays qui est, est-il utile de le souligner, multiconfessionnel, donc de construction fragile.
Les poursuites engagées par Paris contre Bachar pour « crimes de guerre » ne vont rien arranger et sont d’une totale contre-productivité. Le régime va se braquer, se raidir encore plus, fort qu’il est du soutien pour l’instant indéfectible de ses alliés russes et Chiites iraniens. Car, ne l’oublions pas, ce conflit politique se superpose à un conflit religieux : Chiites contre Sunnites, tout autant que des « démocrates » contre le parti Baas au pouvoir.
Pour un partage équitable des influences
Répétons-le, si De Gaulle parlait à juste raison de « L’Orient compliqué » au lendemain de la deuxième guerre mondiale, c’est que tous les acteurs du panorama géopolitique d’aujourd’hui étaient déjà là : l’Etat d’Israël, trublion tardivement arrivé sur un échiquier compliqué, Liban et Syrie multiconfessionnels, pétromonarchies Irakienne, (à l’époque un Royaume Hachémite comme la Jordanie), et Saoudienne, sans oublier la Perse (Iran) millénaire. En déclarant « qu’Assad est à l’origine du problème, il ne peut faire partie de la solution », François Hollande prive la France d’une capacité de manœuvrer et ferme la porte à toute issue honorable pour ce président. Qui prendrait le pouvoir dans une Syrie en ruine en supposant que les islamistes aient été éradiqués ? La démocratie à l’occidentale, formelle, n’a existé dans ce pays qu’un très court laps de temps. Ce système politique de majorité parlementaire n’est pas adapté aux pays arabes comme ceux d’Afrique d’ailleurs, qui fonctionnent par tribus, clans, communautés ethno-religieuses. La loi du plus grand nombre, forcément ici celle des Sunnites, s’imposerait alors comme celle des Chiites s’exerce dans un Irak post-Saddam, avec tous les échecs que remporte cette formule. A croire que les spécialistes hyper diplômés du quai d’Orsay n’ont rien appris, rien compris ! Il n’est qu’à regarder le fragile Liban en équilibre continuellement instable avec sa démocratie parlementaire mixée d’un très fort communautarisme institutionnel. La solution à cette terrible guerre civile – je suis effaré de voir à la télévision les ruines d’Alep, une ville où j’avais parcouru jadis les antiques souks aujourd’hui détruits – passe par un règlement GLOBAL des crises au Proche-Orient, y compris le drame israélo-palestinien. Elle passe aussi par un partage équitable des influences politico-religieuses des uns et des autres : pétromonarchies majoritairement Sunnites et Iran majoritairement Chiite. Avec la solide estampille des deux « parrains » incontournables, les USA et la Russie. L’Europe dans l’affaire est, malheureusement, inexistante. Le Royaume-Uni suivra son mentor américain, l’Allemagne n’a d’influence (relative) qu’en Turquie, et la France tant qu’elle campera sur une position rigide, restera le… « chose » entre deux chaises !
Car si François Hollande se félicite qu’Obama ait déclaré « qu’on ne peut pas soutenir des tyrans comme Assad sous prétexte que l’alternative serait pire », il s’est bien gardé de dire QUI, quels pays enverraient des soldats combattre au sol les forcenés de Dae’ch ? Des militaires français ? L’armée est exsangue. Des troupiers US ? L’Amérique a du mal à se désengager des bourbiers irakien et afghan. Des forces russes ? Elles sont déjà là, en filigrane, derrière l’armée syrienne. Les seuls qui peuvent venir massivement en soutien à l’armée d’Assad épuisée par plusieurs années de combats, ce sont les Iraniens. On voit bien que des recrues potentielles de l’Armée syrienne fuient dans les pays européens, plutôt que de résister dans le leur. Parallèlement à cet engagement, il faudrait que les pétromonarchies cessent d’aider, objectivement, les Sunnites de Dae’ch. On le voit, l’architecture d’un règlement pacifique à long terme, est extrêmement difficile à dessiner. Sans compter que ce conflit est tout bénéfice pour l’Etat Hébreu : ses ennemis Chiites du Hezbollah au Sud Liban sont en Syrie, l’armée de Damas ne pèse d’aucun poids face à Tsahal sur le plateau du Golan annexé en 1967, et les revendications palestiniennes, provisoirement, sont au placard… Ceci expliquant qu’Israël donnerait un petit coup de main à la rébellion islamiste – un comble ! – en soignant, par exemple, les blessés d’Al Nosra.
Des signaux contradictoires
Pour toutes ces raisons, l’agitation française, sa montée en puissance contre le gouvernement de Damas et l’engagement de ses « Rafales » dans le ciel du Croissant fertile, donnent des signaux contradictoires. Il serait temps que Paris définisse une ligne claire : d’abord, d’urgence, régler son compte à Dae’ch. Ensuite, il sera toujours temps de faire entendre, si nécessaire, la voix de la France, dans le Landernau politique de ce que furent pendant une vingtaine d’années, avec le Liban, nos Etats sous mandat au Levant.
12:31 Publié dans Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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