dimanche, 22 novembre 2020
Rembourser la dette : Mission impossible.
Depuis qu’il a abandonné la politique, Arnaud Montebourg a découvert la face sombre du socialisme et le tissu d’inepties dues à son idéologie. De sorte qu’il apparaît désormais comme un ovni. Sa parole est désormais frappée au coin du bon sens et mérite d’être entendue. Voici l’entretien qu’il a accordé au Parisien (22-11) sur la dette et suite à la publication de son dernier ouvrage, l’Engagement (Ed. Grasset). De gauche Montebourg ? Pas sûr. Il semble bien avoir basculé du côté "franchouillard" de la force !
P.P.
Source Le Parisien
Une des raisons de fond à la crise serait la priorité donnée à la réduction des déficits publics et de l’endettement ?
Une politique qui se concentre sur la réduction de la dette et des déficits fabrique du chômage, et n’a aucune chance de rembourser la moindre dette ni de réduire le moindre déficit. C’est ce qui s’est passé pendant la présidence Hollande. Nous avons eu l’austérité fiscale doublée d’une aggravation du chômage, la double peine pour les classes populaires ! Mais, de surcroît, on n’a diminué ni l’endettement ni les déficits. Dans la crise du Covid-19, nous avons tiré les leçons de la crise financière des années 2008-2010. Ce point est positif. Toutes ces règles euro- péennes relatives aux déficits et à l’endettement qu’on nous a infligées pendant dix ans, et qui ont prolongé inutilement les souffrances des peuples européens, viennent de disparaître par enchantement, démontrant leur parfaite inutilité et leur dangerosité.
Mais il faudra bien rembourser cette dette ?
Le montant des endettements publics et privés actuels est tel qu’il est humainement impossible de le rembourser par des moyens habituels, c’est-à-dire par les prélèvements fiscaux. Car sinon nous aurions une révolution et des jacqueries antifiscales ô combien justifiées dans toute l’Europe.
Mais les créanciers, comment vont-ils réagir ?
Il y a deux sortes de dettes. Tout d’abord, celles souscrites auprès des créanciers et que l’on doit rembourser. Et il y a la dette publique ou privée liée à la création monétaire. Et cette dette-là n’a aucune raison d’être remboursée, elle n’est pas sérieusement remboursable à horizon humain. Cette dette, c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui l’achète sur le marché des titres du Trésor public et elle représente pour la France environ 400 milliards d’euros. La dette publique de tous les pays explose dans la crise : en France, ce sont les milliards affectés aux dépenses de santé et sociales comme le chômage partiel, des milliards destinés à soutenir l’économie, par des prêts aux entreprises privées, et ce sont enfin les emprunts auprès de l’Union européenne (UE).
Comment annuler une telle dette ?
Si l’UE nous remet sur une trajectoire d’austérité fiscale, c’est-à-dire oblige les Etats à lever des impôts pour rembourser cette dette, alors l’Europe sautera comme sur un volcan social. Ce que l’Europe doit faire, c’est loger la dette Covid, celle des Etats et des entreprises privées, dans une structure de défaisance, la faire racheter par la BCE puis la faire annuler dans son bilan. Mieux vaut utiliser notre argent et nos efforts dans des investissements, essentiels pour la reconstruction écologique de l’industrie et de l’agriculture, créateurs de croissance et d’emplois que dans le remboursement de la dette.
Il n’y aura aucun préjudice pour les épargnants ?
Cela n’entraînera aucun préjudice ni aux créanciers ni aux épargnants puisqu’il s’agit de la dette née d’une pure création monétaire à l’initiative des banques et de la BCE. C’est sur ce point que l’UE assurera ou pas sa mutation et jouera sa survie. De nombreux économistes, fonds d’investisse- ment et même, je vous le confie, les services du Trésor, travaillent discrètement sur un scénario d’annulation de la dette par la BCE. Les seuls créanciers qui devraient être spoliés, de mon point de vue, devraient être les Chinois, car ils sont responsables de l’expansion de cette pandémie destructrice. Leur responsabilité devra être engagée.
Comment convaincre le système financier d’abandonner une partie de ses créances ?
Nous allons entrer dans une économie semi-dirigée. Ce qui suppose de reprendre le contrôle sur une partie du système bancaire. Les 130 milliards de prêts garantis par l’Etat qui sont aujourd’hui dans le bilan des entreprises, c’est ce qui va tuer les entre- prises à petit feu, car l’Etat, en les endettant, les a transformées en zombies, les promettant par dizaines de milliers à la faillite. Les banques qui ont les créances ne voudront jamais effacer leurs dettes. Alors ce sera à l’Etat de prendre des mesures directives.
Annuler la dette est, selon vous, la seule façon d’éviter une colère sociale ?
Bien sûr ! Les deux créateurs des Gilets jaunes, ce sont François Hollande et Emmanuel Macron (NDLR : avec la taxe carbone qui a déclenché le mouvement et la CSG sur les retraités), car ils ont indûment fait payer le prix de la crise aux classes moyennes et populaires, en leur infligeant un matraquage fiscal aussi injuste qu’incompréhensible. Sachons ne pas prendre exemple sur leurs erreurs.
Vous parlez de la France comme d’une cocotte-minute...
Nous sommes en alerte majeure sur l’explosion du chômage et de la pauvreté. Les demandes d’aides alimentaires ont bondi de 30 %... Beaucoup de nos compatriotes n’acceptent plus le système économique et financier tel qu’il (dys)fonctionne, et j’approuve ce refus. Je constate un divorce profond entre la classe dirigeante qui a imposé dix ans d’austérité aux Français et le peuple, qui s’est détourné de ses gouvernants. C’est l’enjeu des futures décisions politiques : agit-on pour la multitude et le plus grand nombre ou pour une petite oligarchie dominante et arrogante ?
Dans votre livre, on sent de la désillusion vis-à-vis du monde politique. Vous avez tourné la page ?
J’ai créé des petites entreprises d’alimentation équitable dans lesquelles j’ai mis en œuvre les idées que je défendais : le made in France, la transition écologique. Mon vrai parti, c’est le made in France. D’une certaine manière, la France ne m’a jamais quitté. Un sujet m’inquiète : comment va-t-on relever ce pays en train de s’affaisser ? La question de mon engagement futur se posera à cette aune, sans que j’en connaisse encore la forme. On en reparlera si vous le voulez bien l’année prochaine...
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