jeudi, 04 mars 2021
Le grand leurre
Gaëtan de Capèle
La reconquête de la souveraineté de la France figurera, nous dit-on, au cœur de la prochaine élection présidentielle. Quoi de plus urgent, en effet, dans un monde toujours plus instable, que de retrouver la pleine maîtrise de son destin ? Chacun, de gauche à droite, en fait profession de foi. Pour juger de la capacité des uns et des autres à y parvenir, il existe peu de meilleur révélateur que le débat sur la « dette Covid ».
Certains se font fort de l’annuler d’un trait de plume, au motif qu’elle serait liée à des circonstances exceptionnelles et financée en partie par la Banque centrale européenne. Ils se disqualifient d’entrée de jeu. Passons sur l’impossibilité juridique - les traités l’interdisent - et disons les choses simplement : non seulement il est paradoxal de prétendre restaurer la grandeur de la France en commençant par renier sa signature, mais le déciderait-on que nous n’en aurions pas les moyens. Car, à force de laxisme budgétaire, nous avons perdu depuis longtemps la maîtrise de notre dette. Chaque année depuis un demi-siècle, nous creusons nos déficits et devons emprunter pour payer nos fonctionnaires et nos services publics. Sans nos créanciers, les caisses de l’État seraient vides à partir du mois d’octobre. Eux ne font pas la différence entre la « dette Covid » et celle que nous avons accumulée auparavant. Allons-nous trahir leur confiance ?
Le surplus de dette lié à la pandémie (215 milliards sur un total de 2 700 milliards) nous emmène certes sur des terrains inconnus (l’endettement national atteint 120 % du PIB, soit le double de ce qu’autorisent les traités) mais ne change rien au tableau général. La France vit bien au-dessus de ses moyens et aux crochets non pas de la finance internationale, comme on nous le répète, mais des épargnants du monde entier. Elle retrouvera sa souveraineté le jour où elle reprendra enfin le contrôle de ses dépenses publiques. Certainement pas en leurrant les Français avec des promesses intenables.
Source : Le Figaro 4/03/2021
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