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vendredi, 25 mars 2022

L’impossible double guerre

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Christian Daisug

Pourquoi les Etats-Unis ne sont-ils pas intervenus militairement en Ukraine pour tenter de s’opposer au déferlement de l’armée russe ? Plusieurs raisons furent avancées, notamment la possibilité d’un enchaînement fatal vers une conflagration mondiale et la préférence de Joe Biden pour des sanctions économiques punissant Vladimir Poutine, président de la Fédération russe. Cependant, l’argument qui emporta la décision à la fois de la Maison Blanche et du Pentagone n’a rien de commun avec cette prudence calculée et ce choix de moyens : il est stratégique. Les Etats-Unis refusent de prendre le risque d’avoir à combattre sur deux fronts simultanés. Or, s’ils avaient estimé leur présence indispensable contre les envahisseurs de l’Ukraine, à l’autre bout du monde, Xi Jinping, le président chinois, aurait très bien pu sauter sur l’occasion et ouvrir des hostilités afin de s’emparer de Taiwan. Il n’attend que ce scénario et compte sur les faiblesses de l’Amérique.

En fait, ce ne sont pas tant les faiblesses, toute relatives, de leur superpuissance en déclin qui inquiètent les autorités de Washington que la force impressionnante de la Chine. En vingt-cinq ans, celle-ci s’est hissée sur les plans militaire et économique – deux domaines intimement liés – au niveau du pays que son ambition a pris pour cible. Elle le nargue. Elle le défie. Elle guette la moindre de ses défaillances ou de ses erreurs pour croiser le fer et essayer de prendre sa place. Xi a davantage de navires que Biden et peut utiliser des missiles supersoniques que son rival ne possède même pas. Il est vrai que les bombardiers indétectables restent le joyau de l’US Air Force, mais elle n’en dis- pose que de vingt. Si les Etats-Unis voulaient voler au secours de Taiwan, les experts ont calculé qu’ils devraient engager en avions, sous-marins, commandos, reconnaissance et renseignement, les trois quarts de leur armée. Que resterait-il pour un théâtre d’opérations en Europe ? Des unités clairsemées dotées d’un ma tériel insuffisant. Autrement dit, une Amérique faisant pâle figure devant une Russie plus décidée que jamais à prendre sa revanche.

Conclusion : pour les Etats-Unis, Taïwan est infiniment plus importante que l’Ukraine. L’île rebelle sert de verrou à leur influence dans le Pacifique. Si Xi parvenait à le faire sauter, Washington ne serait plus en mesure de défendre ses trois principaux alliés dans la région – Japon, Philippines et Corée du Sud – ni même de poursuivre avec eux un intense commerce : ses dirigeants auraient perdu la face. La Chine communiste aurait obtenu ce dont elle rêve depuis sa fondation : l’effacement de l’ultime symbole de l’ancien régime. Xi fait de cet objectif l’apothéose de son programme et le fer de lance de sa carrière. Son alliance avec Poutine sent le pétrole, le commerce et la fructueuse complicité face à l’adversité. Elle sent aussi la menace d’un double embrasement armé. Le Pentagone tient à sa formule : les alliés européens sont mieux placés pour tenir tête à la Russie que ne le sont les alliés asiatiques pour contenir la Chine.

Source : Présent 24/3/2022

02:00 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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