lundi, 27 octobre 2025
La geste du colonel Antonio Tejero : pour tenter de conserver une Espagne Una, grande y libre
Michel Festivi
Subitement, le 23 octobre 2025, à l’âge de 93 ans, le colonel Antonio Tejero Molina a été annoncé mourant. Néanmoins, et Dieu merci, sa famille a ensuite fait savoir que très gravement malade, il avait réussi, en l’état, à surmonter ses affections. Cet évènement nous fournit l’occasion de revenir sur l’histoire récente de l’Espagne et sur ce coup d’état manqué du 23 février 1981. Tejero fut effectivement, l’un des principaux protagonistes d’une tentative désespérée de rétablir une Espagne « vertébrée » comme aurait pu le proclamer le grand philosophe espagnol José Ortega y Gasset, qui dans son ouvrage majeur de 1922 : « L’Espagne invertébrée », luttait déjà contre sa désarticulation. Tejero entendait également prémunir sa patrie du terrorisme basque, du séparatisme catalan, et du communisme qui minaient le pays. Son hospitalisation nous donne l’occasion de revenir sur les prémices à ce coup d’état avorté le 23 février 1981, ses causes, mais aussi les buts poursuivis par les acteurs de cette entreprise glorieusement vaine, tenue en échec, et retracer les actes de certains des personnages qui ont participé à cette ultime aspiration, en vue de débarrasser l’Espagne des errements mortifères de son passé révolutionnaire et destructeur, qui avaient ensanglanté la péninsule entre 1934 et 1939.
L’Espagne après la mort de Francisco Franco :
Franco meurt à la suite d’une trop longue agonie, le 20 novembre 1975. Sous sa houlette, l’Espagne unie comme jamais, était devenue la 9e puissance économique et industrielle du monde. Depuis 1969, et une loi organique validée par les Cortès, Juan Carlos de Bourbon, - (petit-fils d’Alphonse XIII, le dernier roi qui avait quitté le pays sans abdiquer le 14 avril 1931) -, est proclamé Prince des Asturies. Franco, après avoir longtemps hésité, avait tout organisé pour qu’à sa mort, la monarchie bourbonienne retrouve sa place, et que Juan Carlos 1er monte sur le Trône. Depuis 1700, les Bourbons avaient remplacé les Habsbourg, et c’est un petit fils de Louis XIV, Philippe V, qui était devenu roi d’Espagne, le premier de cette nouvelle lignée.
Mais après le décès du Caudillo, la politique suivie par le centriste de l’UDC Adolfo Suarez va désespérer, et à juste titre, les tenants d’un régime volontariste pour lutter contre la désagrégation du pays, le terrorisme basque qui reprend de plus belle, et le communisme, qui a semé la terreur entre 1934 et 1939 - (Cf Les griffes de Staline sur l’Espagne républicaine 1936-1939 chez Dualpha, cliquez ici) -. L’ETA fera plus de victimes après ladite transition démocratique, que sous le régime franquiste. Les attentats redoublent de vigueur et frappent tous azimuts, le gouvernement semble incapable d’éradiquer cette spirale de crimes et d’attentats les plus gratuits, qui engendrent de très nombreux morts et blessés.
En septembre 1976, les syndicats révolutionnaires : l’UGT socialiste, la Commission Ouvrière communiste et la CNT anarchiste, sont légalisés. En avril 1977, le Parti communiste espagnol, totalement inféodé à Moscou, malgré la vitrine de l’eurocommunisme, et dirigé par le tortionnaire de bureau Santiago Carrillo, l’un des principaux organisateurs des massacres de masse de Paracuellos de Jarama et de Torrejon de Ardoz, en novembre et décembre 1936, est autorisé. Cela provoque, et à juste titre, des remous considérables dans la haute hiérarchie militaire qui n’a pas la mémoire courte.
Les prémices : l’opération Galaxie :
En 1978, des officiers vont alors se réunir au Café Galaxia, à Madrid, pour s’opposer à ce processus de dislocation, qu’ils jugent hautement contraire aux intérêts de l’Espagne. Ils envisagent, alors que Juan Carlos serait au Mexique en voyage officiel, de s’emparer du palais de la Moncloa, siège de la présidence du Premier ministre, et de nommer un gouvernement de salut public pour empêcher la validation de la nouvelle constitution dont le referendum doit se tenir un mois plus tard. Parmi les nombreux militaires, le colonel Antonio Tejero est déjà présent. Mais suite à des indiscrétions, voire des trahisons au sein même de l’organisation, le complot va échouer, les auteurs vont être dénoncés aux autorités.
Le 8 mai 1980, les jugements tombent contre les comploteurs. Mais la justice se montre alors clémente, pourtant de très lourdes sanctions avaient été requises, de 5 à 6 ans de prison. Tejero est condamné à 7 mois d’emprisonnement, sans aucune sanction professionnelle ou administrative, comme la plupart des autres participants. Les juges de l’époque avaient sans doute encore en mémoire, les exactions des révolutionnaires anarchistes et staliniens, et puis ces conjurés n’avaient-ils pas de sérieuses circonstances atténuantes ?
Le coup d’état du 23 février 1981 : 23-F
Antonio Tejero est né le 29 avril 1932. Formé à l’Académie militaire générale qui avait été recréée à Saragosse en 1928 par Miguel Primo de Rivera, et commandée jusqu’en juin 1931, par Francisco Franco (Cf ma biographie de Franco, Un caudillo pour l’Espagne, Bio-Collection, éditions Déterna et Synthèse nationale - octobre 2025, cliquez là), Tejero s’engage dans la Garde civile en 1951. En poste au Pays basque, il pourfend et fustige le drapeau d’Euskadi, refusant qu’il puisse remplacer l’oriflamme sang et or. Très anticommuniste, il est en poste comme commandant de la Garde civile, de la 3e région militaire le 23 février 1981.
Avec 200 hommes, il prend d’assaut le Congrès des députés, qui doit justement voter l’investiture du nouveau gouvernement, suite à la démission d’Adolfo Suarez, quelques jours auparavant. Adolfo Suarez avait effectué toute sa carrière au sein du Movimiento, et avait renié l’ensemble des caractéristiques du régime qu’il avait servi du temps de Franco, s’acharnant à détricoter toute l’articulation du pays, et ce avec la complicité de Juan Carlos. Très critiqué, Suarez venait de renoncer à ses fonctions, et les instigateurs entendaient profiter de cette vacance du pouvoir.
Aux côtés de Tejero, deux personnalités importantes émergent, le général Jaime Milans del Bosch qui fait aussitôt quadriller Valence par ses chars, et Alfonso Armada, gouverneur de Lérida en Catalogne, qui devait être nommé président de cette nouvelle junte, pour mettre fin à cette volonté de briser toute la construction politique et juridique du franquisme, dont l’unité de l’Espagne.
L’échec de ce pronunciamento, est essentiellement dû au fait que les buts différaient pour nombre d’entre eux. Tejero entendait revenir à une sorte de régime républicain fort, et mettre fin à la monarchie ; Milans et Armada souhaitaient eux, conserver le régime monarchiste. Et surtout comme bien souvent dans l’histoire, les principaux chefs militaires sont restés attentistes, attendant de voir où pencherait le vent. Cela nous rappelle à nous Français, le putsch raté d’avril 1961 à Alger.
Alors que les députés doivent décider de l’accréditation d’un nouveau gouvernement, présidé par Leopoldo Calvo Sotelo, du même parti d’Adolfo Suarez – (un neveu du martyr José Calvo Sotelo, assassiné par la police du front populaire, le 13 juillet 1936) -, vers 18H20 ce 23 février 1981, Tejero, avec sa paire de moustaches si caractéristique, accompagné de 200 gardes civils armés, fait irruption dans l’hémicycle, pistolet au poing. Il interrompt les débats, et oblige les députés à se coucher au sol, sous la menace de coups de feu tirés aux plafonds du bâtiment. La scène qui va passer à la postérité sera filmée plus d’une demi-heure par les caméras de la télévision espagnole. Un seul député sera admis à quitter les lieux, la socialiste catalane Anna Balletbo, car elle est enceinte, la presse espagnole vient d’ailleurs d’annoncer son décès à l’âge de 81 ans, il y a quelques jours.
L’état d’exception est proclamé depuis Valence par le général Milans del Bosch, qui tente vainement de faire soulever les autres garnisons du pays, qui ne bougeront pas. Le général Torres Rojas ne parvient pas à prendre le commandement de la meilleure division blindée du pays, la division Brunete, marquant ainsi l’échec de la tentative d’occupation des principaux points stratégiques de Madrid, dont la Radio et la Télévision, ce qui a été déterminant dans la faillite du soulèvement.
De nombreuses négociations et tractations vont avoir lieu entre les militaires et la Maison Royale, et finalement, vers 1 h du matin le 24 février, le putsch ayant échoué, Juan Carlos va intervenir à la télévision, en uniforme de Capitaine-général des armées, s’étant assuré du concours fidèle de tous les autres chefs militaires espagnols, pour affirmer la continuation des réformes. L’insuccès est consommé, Tejero résistera jusqu’à midi le 24 février, Milans del Bosch, renonçant, ayant été arrêté vers 5 h du matin.
Tejero, Milans del Bosch, Alfonso Armada seront condamnés à 30 ans d’emprisonnement. Plusieurs dizaines d’autres subiront de fortes peines entre 1 an et 12 ans d’emprisonnement, selon les échelles des responsabilités. Incarcéré à Alcala de Henares, Tejero sera libéré sous le régime de la liberté conditionnelle en 1996. Le 24 octobre 2019, lors de l’une de ses dernières sorties publiques, il ira courageusement manifester au cimetière de Mingorrubio, près du Pardo, pour s’opposer à l’ignominie de l’exhumation de la dépouille de Francisco Franco del Valle de los Caidos, suprême abjection du gouvernement socialo-communiste espagnol de Pedro Sanchez. En 2013, il avait protesté publiquement comme l’irrédentisme catalan.
Les autres personnages :
Jaime Milans del Bosch est né en 1915. Il combattra pendant la seconde guerre mondiale sur le front de l’Est, dans les rangs de la fameuse Division Azul et sera décoré de la Croix de fer. Devenu général, il prendra le commandement de la division blindée Brunete jusqu’en 1977, unité d’élite, qui aurait dû être le fer de lance du putsch du 23 février 1981. Destitué le 25 février 1981 alors qu’il était Capitaine-général de la IIIe division militaire, il ne sera libéré qu’en 1991, et va décéder en 1997.
Alfonso Armada est né lui, en 1920. Malgré son très jeune âge, il participe dès 1936 aux combats de la guerre civile dans les rangs des nationaux, notamment lors des batailles de Madrid et de Teruel. Lui aussi ira en Russie, lutter contre les communistes dans la Division Azul. Instructeur militaire, il aura notamment comme recrue, le futur Juan Carlos. En 1977, il sera nommé professeur principal à l’École supérieure de l’Armée. Le 23 février 1981, il est gouverneur de Lérida. C’est lui qui en cas de succès, aurait dû présider la nouvelle Junte militaire. Gracié en 1988, pour raisons médicales, il se retirera en Galice, se consacrant désormais, jusqu’à sa mort en 2013, à la culture et la vente d’orchidées.
En tout cas, un fait est certain. Depuis 1981, et surtout depuis l’arrivée au pouvoir des socialistes espagnols des plus sectaires, José Luis Zapatero d’une part puis de Pedro Sanchez d’autre part, l’Espagne est en voie de décomposition. Les multiplications des lois staliniennes « mémorielles » ou « historiques » imposent une chape de plomb et empêchent le libre débat politique et historique. Seule la sanglante IIe république, qui a failli totalement entre 1931 et 1936 est portée aux nues et a droit de cité. Tejero avait sans doute eu raison trop tôt ou trop tard.
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09:32 Publié dans Michel Festivi | Lien permanent | Commentaires (0) |
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