mercredi, 06 mars 2013
Disparition du Président Hugo Chavez, un nationaliste au bilan controversé...
La disparition d’Hugo Chavez, président du Vénézuéla, suscite, c’est le moins que l’on puisse dire, des réactions diverses au sein de notre famille politique. Nous avons donc décidé de publier ici deux points de vue, celui de Claude Bourrinet, animateur et éditorialiste du site Vox NR (cliquez ici), et celui de notre ami et collaborateur Jean-Claude Rolinat qui, parlant en son nom, émet un avis plus nuancé.
Roland Hélie
Le point de vue de Claude Bourrinet :
Il est mort. Nous attendions la fin de son ultime combat avec appréhension, angoisse, fatalité. Nous savions que, comme toujours, il avait fait front avec vaillance. La grandeur se révèle plus, parfois, dans la solitude de la maladie que dans de grandes batailles collectives… Hugo Chavez aura partagé les épreuves et les joies des pauvres de son pays, mais il sera proche aussi au cœur de ceux qui souffrent dans leur chair, quels qu’ils soient. Ce patriote était aussi un fervent chrétien, et sa passion finale, son interminable calvaire, l’auront rendu encore plus pur, plus digne de l’amour du Christ.
Hélas ! … Nous sommes en deuil. Il manque, dans le monde, aujourd’hui, un homme, un vrai, un chef, un ami du peuple.
Non que l’humanité en soit diminuée, loin de là ! C’est la grâce de certains de laisser encore davantage dans la mémoire que durant leur vie.
Et Dieu sait si le peuple vénézuélien lui doit beaucoup ! Est-il besoin de rappeler tout ce qu’il a fait pour lui, la réduction de la misère, de l’illettrisme, une économie retirée des mains de l’étranger pour être rendue à la Nation ? Les services publics se sont développés sous sa présidence grâce au financement apporté par la compagnie nationale PDVSA, les dépenses sociales ont augmenté de 60%. Les 13 années de Révolution bolivarienne ont fait de ce pays déshérité, dépossédé par l’impérialisme, et ressuscité par le Commandante, l’un des pays pilotes de l’Amérique latine en matière d’éducation (l’analphabétisme a été éradiqué, la gratuité est assurée de la maternelle à l’université), d’emploi, de revenus, de santé publique, de sécurité alimentaire…
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le Venezuela est le pays de la région qui connaît le plus bas niveau d’inégalité (mesuré par le Coefficient Gini) : il a réduit l’inégalité de 54%, la pauvreté de 44%, du niveau de 70.8% (1996) à 21% (2010). Et l’extrême pauvreté est passée de 40% (1996) à 7.3% (2010). Près de 20 millions de personnes ont bénéficié des programmes gouvernementaux de lutte contre la pauvreté, appelés “Missions”. A l’heure actuelle 2.1 millions de personnes âgées perçoivent des pensions de vieillesse – soit 6,6% de la population. Seules 387.000 personnes recevaient des pensions avant le gouvernement actuel.
En 1990, on importait 90% de la nourriture, on n’en importe plus maintenant que 30%. Cinq millions de vénézuéliens reçoivent de la nourriture gratuite, quatre millions d’entre eux sont des enfants scolarisés, et des cantines publiques nourrissent 900.000 personnes.
Rappelons ces chiffres impressionnants : le taux de mortalité infantile est passé de 25 pour 1000 (1990) à seulement 13/1000 (2010), 96% de la population disposent à présent d’eau potable, en 1998, on comptait 18 médecins pour 10.000 habitants, on en compte actuellement 58 pour mille, et le système public de santé en emploie 95.000, le nombre de cliniques s’est accru de 169.6%, la « Mission Barrio Adentro » (qui est le programme de soins de santé primaire organisé avec l’aide de plus de 8.300 médecins cubains) a sauvé environ 1,4 millions de vies dans 7.000 cliniques et a effectué 500 millions de consultations, il y a maintenant 34 centres de désintoxication, pratiquement plus d’enfants des rues etc.
En jetant un coup d’œil très rapide sur la presse vendue, ce matin, je vois qu’il y aurait une explosion de crimes dans le pays, qu’Hugo Chavez aurait laissé un désastre économique et social… Toujours la même propagande haineuse des amis de l’Amérique, toujours cette perfidie, ce fiel, cette rage devant un peuple digne, fier, indépendant…
Car ce qui vaut la hargne de ces chiens, ce n’est pas seulement le bonheur vénézuélien (ces hyènes auraient préféré que l’argent aille, comme avant, dans les poches de l’oligarchie transnationale, apatride, dont elles sont les fidèles gardiennes), et ce n’est pas la moindre partie de sa gloire, ce qui inscrira son nom, tant que la mémoire des hommes libres subsistera, dans les livres d’Histoire, c’est que Hugo Chavez fut l’un des champions de la liberté du monde. Il fut l’un de ceux qui releva le drapeau de la révolte contre l’empire yankee, contre le Nouvel Ordre Mondial, contre le règne amoral de l’argent, et il assura un soutien sans faille à ceux qui ont combattu, ou combattent ce poulpe tentaculaire, le colonel Kadhafi, le président Ahamadinejab, la résistance palestinienne, le président Bachar Al Assad, le Président Poutine…
Grâce à la doctrine bolivarienne, il a su donner à la politique latino-américaine un objectif clair et vigoureux, que la nationale-communiste Cuba avait tenté d’incarner : l’indépendance, la dignité, la volonté, l’enracinement. La Bolivie d'Evo Morales, et l’Equateur de Rafael Correa ont suivi cette route.
Mais il fut aussi un modèle pour nous, patriotes français et européens. Notre pays, sous emprise atlantiste, a perdu sa liberté, s’est éloigné du destin qui est le sien. Nous vivons depuis des lustres dans la honte, et personne, ici, ne connaît plus la grandeur, sinon dans la nostalgie qui sert la gorge de tout vrai Français. Les nains qui nous gouvernent, et qui n’ont eu que mépris pour un homme qui a levé bien haut le drapeau de l’honneur, n’ont eu de cesse que de traîner notre nom dans la boue, et le peuple vénézuélien dans l’opprobre. Sarkozy avait même envoyé un tueur pour liquider ce grand homme qui lui faisait peur. Peut-être cherchait-il, encore une fois, la caresse de ses maîtres, comme le fait dans sa politique le président actuel.
C’est pourquoi le nom de Chavez restera à jamais gravé dans nos cœurs comme un modèle. La seule façon de lui être fidèle, c’est de continuer son combat pour notre indépendance et notre honneur.
Alors, nous pourrons dire : Commandante, présent !
Et celui de l’écrivain Jean-Claude Rolinat :
Gravement malade depuis des mois, opéré à plusieurs reprises à Cuba, le Président vénézuélien Hugo Chavez est mort à l’hôpital militaire de Caracas le mardi 5 mars 2013. Le crabe a fini par avoir raison de cet autocrate extrêmement populaire dans les milieux défavorisés des bariadas et autres ranchitos de son pays.
L’Amérique latine a toujours été, un continent de prédilection pour les caudillos, les apprentis dictateurs en uniformes chamarrés et autres tyranneaux. De la rencontre de l’homme blanc et de l’indien, de la concurrence-confrontation des religions précolombiennes et du catholicisme, du mélange des sangs, bref d’un « choc de civilisations », sont nées 20 nations dites latines où malgré les différences géographiques et humaines, depuis le cône sud andin jusqu’au trapèze nord-Caraïbes, il y a comme un peu plus qu’un simple air de famille. Le lieutenant-colonel Chavez, condamné à deux ans de prison en 1992 suite à une tentative avortée de putsch, s’est inscrit dans cette tradition continentale du « pronunciamiento ». Mais, contrairement aux Somoza (Nicaragua), Trujillo (République Dominicaine) et autre Batista (Cuba), il n’appartenait pas à cette catégorie d’hommes à poigne confondant intérêts personnels et ceux du pays qu’ils gouvernaient. Il se réclamait d’une fantasmagorique « Révolution bolivarienne », comme si El Libertador, créole espagnol, s’était préoccupé des misérables de son temps. Il s’inscrivait plutôt dans la lignée d’un Getulio Vargas brésilien, d’un Velasco Alvarado péruvien ou encore d’un Perón argentin. Mais, si ce dernier haranguait les foules depuis son balcon présidentiel de la Casa Rosada comme Chavez le faisait depuis le Palais de Miraflorès, si les deux leaders incarnaient l’esprit de résistance à l’oncle Sam, les ressemblances s’arrêtaient là.
Si le Président argentin était un nationaliste progressiste, il n’en était pas moins anti-communiste, sauvant même son pays d’une révolution par le traitement social de son prolétariat. Chavez, lui, a dilapidé le trésor vénézuélien, -l’or noir-, en nationalisant à tour de bras, décourageant ainsi les créations d’emplois productifs, en laissant grimper une inflation jusqu’à 27 %, fermant les yeux sur des trafics d’officiers corrompus. La criminalité n’a pas été jugulée dans un pays dont la capitale recense 200 crimes commis pour 100 000 habitants contre, un comble, 22,7 « seulement » chez sa rivale colombienne, Bogota ! Le Parti socialiste vénézuélien (PSUV) ne s’est assuré une majorité lors des élections législatives de 2010 que par la grâce d’un découpage sur mesure, l’opposition ayant obtenu 52 % des suffrages ! Faisant main basse sur les médias, notamment la télévision, El Commandante s’était attribué une plage hebdomadaire d’antenne avec son émission en directe « Alo Présidente ». Un seul bon point à attribuer dans ce panorama politique, l’élévation du niveau de vie chez les plus misérables des Vénézuéliens avec l’accès aux soins et à l’éducation. En politique étrangère, l’hostilité à l’impérialisme de la thalassocratie américaine, s’est manifestée par de spectaculaires rapprochements avec des leaders quelque peu sulfureux : Bachar El Assad, Ahmadinedjad et les frères Castro, bien sûr. Avec ses amis de la gauche latino-américaine, -le bolivien Morales, l’Equatorien Coréa et le Nicaraguayen Ortega-, il a levé l’étendard de la révolte et de l’indépendance face aux menées de Washington. Mais ses pétrodollars, au lieu d’être tous investis en faveur du développement du Venezuela, ont été partiellement dilapidés dans l’achat d’armement, russe de préférence. Tout aussi discutable, sa politique ambiguë à l’égard de la cruelle rébellion marxiste des FARC en Colombie voisine. Margarita Lopez Maya, une historienne enseignante à l’Université centrale du Venezuela, déclarait au quotidien gauchiste-mondain Libération dans son édition du mercredi 1er juin 2011, que « ce gouvernement a de bonnes idées, mais il est inefficace ». Chavez avait une ambition personnelle et une « certaine idée du Venezuela », sa patrie « bolivarienne », qu’il conduisait d’une façon autoritaire, s’étant fait octroyer par un Parlement croupion le pouvoir de légiférer par décret pendant 18 mois. Il ne suffit pas d’être l’ennemi des Etats-Unis et de ne condamner qu’un seul impérialisme, toujours le même, pour se réserver une place au Panthéon des héros de l’indépendance des peuples ! Encore faut-il gouverner pour tous et, comme de vulgaires oligarques, ne pas favoriser qu’une fraction de la population.
Si au soir de sa vie en décembre 1830, Simon Bolivar reconnaissait avec son rêve d’union panaméricaine « avoir labouré la mer », on peut dire que le lieutenant-colonel de parachutistes Hugo Chavez avec sa « révolution bolivarienne », a labouré des chimères.
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