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jeudi, 28 novembre 2013

Le cri du désespoir à Pledran : enquête sur l’expropriation possible de Rejane Corlay, 92 ans.


Plédran (Breizh-info.com) – L’affaire commence à faire du bruit. Comme Breizh-info l’a évoqué mardi, Réjane Corlay, une nonagénaire résidant à Plédran, au sud de Saint-Brieuc, depuis 1951, se trouve aujourd’hui confrontée à la perspective d’une possible expropriation de son jardin potager, comme trois autres familles qui ont des terrains à côté du sien. En pleine possession de ses moyens, elle vit aujourd’hui seule dans sa maison – son mari est décédé il y a plus de dix ans – avec une retraite inférieure à 1000 € par mois.

Or la commune, dirigée par Maryse Raoult (PS), envisage en effet d’acquérir plusieurs parcelles entre la rue du Val et la rue Charles de Gaulle, pour y construire 10 logements sociaux qui seraient réservés prioritairement à des personnes âgées. Pour arriver à ses fins, la commune a entamée une procédure d’expropriation en 2011, date à laquelle France Domaine, chargée d’évaluer les terrains, avait envoyé son rapport et ses estimations (à découvrir ici et ici).

Le courrier de Saint-Brieuc Agglomération – administration au sein de laquelle Maryse Raoult est également vice-présidente en charge de l’habitat - envoyé le 5 novembre 2013 à Réjane Corlay et aux autres propriétaires des terrains visés indique en effet que les objectifs de l’aménagement de la zone à urbaniser seraient de :

— réaliser une opération d’habitat social, qui aurait vocation à accueillir un public locataire de personnes âgées non dépendantes, un partenariat avec l’EHPAD (hébergement pour personnes âgées dépendantes) étant également envisagé dans l’avenir.

— aménager le carrefour adjacent, jugé dangereux pour la circulation.

Pour Réjane Corlay, tout comme pour son fils Joël, qui est également son curateur, « il n’y a aucun rapport entre l’aménagement du carrefour dangereux et l’expropriation dont nous menace la mairie de Plédran, les travaux pouvant être réalisés sans nous déposséder de nos terres. »

Mère et fils sont également sceptiques quant aux intentions de la commune de réserver ces logements sociaux aux seules personnes âgées, le projet (ci-joint) prévoyant des appartements sur deux niveaux – 4 logements en rez-de-chaussée, le reste au premier étage sans ascenseur – ce qui ne semble pas vraiment adapté, selon eux, à ce type de public.

Réjane Corlay, que nous avons rencontrée, n’imagine pas sa vie sans « son havre de paix », ce potager dans lequel elle travaille encore plusieurs heures chaque jour afin de subvenir en partie à ses besoins. Les nombreuses conserves, compotes, confitures et fruits et légumes qui remplissent sa maison et son congélateur sont d’ailleurs là pour en témoigner.

Son fils Joël avoue de son côté ne pas comprendre cette volonté de la commune d’acquérir à tout prix ces terrains, volonté qui relève selon lui de l’«acharnement» pur et simple.

Plusieurs années auparavant, comme il l’explique dans une longue lettre (ci-jointe) récapitulant « l’affaire Corlay », sa famille avait déjà été expropriée d’un terrain, toujours à Plédran, en vue de la construction par la commune d’un ensemble de salles municipales et cela pour, à l’époque, 10 francs le mètre carré.

Au-delà de la procédure d’expropriation se pose également la question de l’évaluation du terrain par le service des Domaines (France Domaine). Celui-ci évalue aujourd’hui à 15 € le mètre carré le prix de rachat possible alors que le prix moyen aux alentours des terrains constructibles se situe autour de 100 € le mètre carré. Selon Joël Corlay, un tel écart de prix apparait totalement injustifié alors que toutes les installations (électriques, eau, gaz, etc.) sont à proximité immédiate du terrain. Celui-ci avait en outre été déclaré non-constructible dans les années 80, dans le cadre de ce qu’on appelle aujourd’hui le PLU (plan local d’urbanisme). Inconstructible hier, il le redeviendrait donc demain après son rachat – à 15 euros du mètre carré – auprès de la famille Corlay pour y construire des logements sociaux…

À la mairie de Plédran, rares sont ceux qui souhaitent évoquer cette affaire. De par ses fonctions Maryse Raoult, semble en effet avoir une grosse influence sur l’habitat et le logement social, influence qui s’étend à toute la communauté d’agglomération de Saint-Brieuc. La maire de Plédran est en effet également président de Terre et Baie Habitat, l’organisation qui gère l’attribution des logements sociaux sur cette même communauté d’agglomération. Un de ses proches, connaissant bien le dossier, nous a toutefois fait remarquer qu’il vaudrait mieux réaliser ce projet, quitte à aller jusqu’à l’expropriation – qui n’est pas, selon lui, encore d’actualité – plutôt que d’empiéter sur les terres agricoles excentrées du centre-ville.

Pour lui l’opposition à ce projet ne serait pas étrangère non plus à des sentiments moins avouables. « Certains jouent sur la peur de l’autre, de l’étranger dans la ville, alors qu’il s’agit simplement de la volonté de construire des logements sociaux pour personnes âgées. », précise-t-il.

A quelques mois des élections municipales – lors des dernières élections, la liste menée par Maryse Raoult, qui a récemment annoncé sa candidature pour 2014, l’avait emporté de justesse avec 52 % des voix – nombreux sont les commerçants et les riverains qui apportent aujourd’hui leur soutien à Réjane Corlay. Il est vrai que « celle qui n’a jamais bu ni fumé de sa vie » et dont le dynamisme et la joie de vivre sont bien connus, est très appréciée dans tout le centre-ville. « C’est tout simplement dégueulasse », estime une commerçante. « Vouloir prendre à cette pauvre dame son terrain, sa joie et sans doute sa raison de vivre, tout ça pour des projets aux contours flous et au bénéfice de personnes extérieures à la commune, voire au département, ça n’est pas normal » surenchérit une cliente.

Réjane Corlay et ses six enfants, ainsi que les autres familles concernées par cette expropriation possible, n’ont manifestement pas l’intention de se laisser faire. Fort d’un soutien populaire qui grossit de jour en jour, ils entendent défendre leur terre jusqu’au bout, en utilisant tous les recours qui s’offriront à eux.

La pétition mise en place sur Internet remporte un vif succès depuis quelques jours et les services municipaux de Plédran reconnaissent être saturés d’appels téléphoniques, de mails et de manifestations de protestations aussi multiples que diverses.

Cette affaire risque fort de s’inviter au cœur de la campagne pour les prochaines municipales. Principal opposant à Maryse Raoult, Stéphane Briend, ne cache d’ailleurs pas son hostilité à ce projet de construction de logements sociaux. Affaire à suivre….

Crédit photo : breizh-info.com

 [cc] Breizh-info.com, 2013, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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