mardi, 22 juillet 2025
La découverte du siècle : « On donne le bac ! »
Claude Meunier-Berthelot - Polémia cliquez ici
Quelle nouvelle ! Il ne manque pas un média pour s’interroger sur la crédibilité de l’extraordinaire score de reçus au bac – qui plus est avec un foisonnement de mentions – alors même que toutes les études internationales dénoncent l’indigence du niveau des élèves français, suspectant par là-même une scandaleuse imposture ! Auparavant, il ne fallait pas en parler ; personne ne voulait entendre ce discours, alors même que ce problème est récurrent depuis des décennies. Fin des années 1990, nous avions écrit, dans un ouvrage intitulé Le trompe-l’œil de l’éducation : « Le bac : mythe ou réalité ? » Voici quelques extraits du discours que nous tenions alors.
Comment fabrique-t-on des bacheliers quand une majorité d’élèves a grimpé dans l’échelle éducative sans le niveau ?
Pour que les résultats ne démentent pas les objectifs, les réussites sont rendues aisées par :
- des choix de sujets de bac de plus en plus faciles,
- des corrections très lâches,
- des coefficients ridiculement élevés,
- et une informatique qui ignore les virgules.
1 – Les sujets
Les sujets ne sont pas élaborés en fonction d’un niveau déterminé à l’avance, mais en fonction de ce que les candidats sont censés pouvoir réaliser, afin d’avoir le plus de chances d’obtenir une bonne note, ou au moins la moyenne.
Exemples de dégradation institutionnalisée :
Une dissertation, à l’origine :
- Formellement : plan, introduction, développement structuré, transitions, conclusion.
- Sur le fond : réflexion nourrie par des connaissances, structurées avec pertinence.
Progressivement :
- De plus en plus d’élèves sont incapables de bâtir un plan.
- On fournit donc des sujets sous forme de questions, qui correspondent au plan que l’élève aurait dû construire.
- Puis, les élèves ne savent plus faire d’introduction ni de conclusion.
- L’épreuve devient : « Répondez aux questions posées… » – sans structure exigée.
- Ensuite, les questions ne font plus appel à la réflexion, mais uniquement aux connaissances.
- Aujourd’hui, ces connaissances faisant défaut, on fournit des textes (souvent articles de presse) dont il faut extraire les données. De préférence de façon organisée… mais sans exigence.
L’épreuve s’intitule toujours : « Dissertation ».
2 – Corrections
Les corrections forment un festival de démissions, du jury d’harmonisation aux jurys de délibération, en passant par les corrections et oraux.
Réunions d’harmonisation
Des barèmes sont définis a posteriori, selon le niveau réel des copies. Si les candidats échouent, les barèmes sont abaissés.
Un président de jury a déclaré : « Les barèmes ont été établis pour que les candidats aient de bonnes notes, et c’est tant mieux. » Tout est dit.
Corrections proprement dites
Malgré les plaintes des correcteurs (« C’est nul ! »), il est interdit d’attribuer un zéro. Une note <5 est rare. L’examinateur craint d’être rappelé à l’ordre par sa hiérarchie si sa moyenne est trop basse.
3 – Interrogations orales
L’oral n’est plus un exercice structuré.
Le candidat choisit un sujet, puis expose quelques connaissances, souvent confuses.
L’examinateur doit s’en contenter.
Exemple : un examinateur d’anglais a été écarté car la moyenne de ses notes était de 8.
4 – Jurys de délibération
Ils constituent une foire aux points.
Autrefois, on « rachetait » un candidat à 5 points près.
Aujourd’hui, c’est la moyenne qui est prise en compte, permettant des rajouts massifs, mais discrets.
5 – Coefficients
Initialement logiques, les coefficients sont désormais gonflés artificiellement dans les matières les plus favorables aux élèves (jusqu’à 12), même si elles sont marginales. Cela permet de masquer des échecs dans des matières essentielles (comme le français).
6 – L’informatique qui ignore les virgules
Le logiciel n’intègre pas les décimales. L’arrondi est obligatoirement favorable au candidat. Exemple : une note de 7,25 devient 8. Si la matière est coefficientée 12, cela donne 9 points gagnés artificiellement.
Conclusion
Voilà un aperçu des artifices destinés à produire toujours plus de bacheliers.
Ce texte a 25 ans, et aujourd’hui seulement, on ose enfin parler ouvertement de l’effondrement du niveau scolaire.
Alors, pourquoi maintenant ?
Parce qu’aujourd’hui, une nouvelle révolution se dessine : remplacer les cours par des « activités » axées sur les « valeurs de la République ».
Le niveau étant devenu tel qu’on ne peut même plus maintenir un bac allégé. L’École n’est plus une École.
Nous l’avions annoncé.
Le discours actuel, notamment celui d’Élisabeth Borne, va dans ce sens :
« On ne doit pas donner le bac à tout le monde. »
Traduction : le réserver aux élèves des « zones urbaines sensibles ».
C’est cela, le projet.
Rien n’est le fruit du hasard.
10:31 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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