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vendredi, 24 octobre 2025

La part mafieuse de l’État profond

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol 

Commissaire général de la Police nationale, diplômé de Sciences – Po Paris, de criminologie et en droit, Jean-François Gayraud a déjà signé plusieurs ouvrages dont Le Monde des mafias : géopolitique du crime organisé (Odile Jacob, 2005) et L’art de la guerre financière (Odile Jacob, 2016). Le plus récent, paru en octobre 2023, concerne La Mafia et la Maison Blanche. Un secret si bien gardé de Roosevelt à nos jours (Plon, 574 p., 24,90 €).

En s’appuyant sur une riche bibliographie de vingt pages, il étudie ce qu’il qualifie de « part d’ombre de la démocratie américaine », à savoir le rôle du crime organisé auprès des présidents des États-Unis d’Amérique à partir de Franklin Delano Roosevelt (1933 – 1945). Ainsi s’intéresse-t-il aux présidences de Roosevelt, de Truman, de Kennedy, de Johnson, de Nixon, de Reagan, de Clinton, d’Obama, du premier Trump et de Biden. « En revanche, avertit-il, nous n’aborderons pas 5 d’entre elles (Eisenhower, Ford, Carter, Bush père puis fils). Ce silence sur ces périodes n’est pas le fait d’un choix ou d’un oubli, mais s’explique par l’absence de sources crédibles. En effet, au fil des années, nos recherches n’ont jamais fait apparaître de traces suffisamment pertinentes. Au demeurant, ce vide doit être interprété avec prudence, puisque l’absence de preuve n’est pas toujours la preuve de l’absence ». Il souligne plus loin que      « la dynastie Bush a suscité des interrogations quant à certains aspects de ses intérêts dans le monde du pétrole, de la finance ou de l’armement, aux États-Unis et à l’étranger. Cependant, rien qui ne concerne directement la Mafia ».

Jean-François Gayraud estime que « la haute criminalité est une dimension oubliée de la grande histoire ». Son « livre propose donc d’éclairer l’histoire politique visible par l’apport d’une histoire invisible et de l’invisible, cachée, au profit d’une histoire épaisse et profonde ». Son travail, très fouillé, s’accompagne en fin de volume d’un appareil critique de notes de soixante-trois pages.

Il observe que la « criminalisation aurait provoqué l’émergence d’un sixième pouvoir – après le législatif, le judiciaire, l’exécutif, la presse (quatrième) et le militaire/renseignement (cinquième) – capable d’influencer en profondeur le gouvernement, le droit, l’économie, les valeurs, les goûts, les mœurs : le crime organisé, jouant le rôle d’un “ gouvernement d’appoint ”, indépendant des autres pouvoirs ». Son expertise l’amène à analyser sa structure interne. La Mafia n’est pas un ensemble monolithique. C’est plutôt une société secrète criminelle dont l’unité de base repose sur la « Famille ». « Il ne s’agit pas d’une réalité biologique, précise-t-il, mais d’une construction par un processus d’initiation. Une Famille n’est donc pas constituée par des individus ayant tous un lien familial biologique (père, fils, cousin, oncle, neveu, etc.), mais par des hommes de sexe masculin [sic !], catholique et d’ascendance italienne, ayant été choisis pour intégrer cette nouvelle entité qui forme désormais leur nouvelle “ Famille ”. » Les groupes mafieux nord-américains se coordonnent plus ou moins avec de nombreuses nuances suivant les périodes, les objectifs visés et la personnalité de leurs chefs respectifs. Mais la figure du « Parrain » représente surtout une belle diversion. Par exemple, « la direction de la Famille de Chicago est traditionnellement collégiale. Al Capone puis Frank Nitti ne sont que des boss en titre. Le vrai pouvoir s’exerce de manière plus collective en coulisse. Ce leurre permet aux vrais chefs d’œuvrer à moindre risque. Ces boss de l’ombre sont alors Paul Ricca, Tony Accardo et Murray Humphreys ».

On croit souvent que le berceau de la Mafia italo-américaine se trouve à New York ou à Chicago. Erreur ! Les lecteurs férus des polars étatsuniens savent que son foyer originel se situe à La Nouvelle-Orléans. En raison de cette ancienneté, la Famille de cette ville dispose d’une autonomie certaine et couvre autant la Louisiane que le Texas.

Dans un long chapitre, Jean-François Gayraud revient sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy en 1963 à Dallas. Pour lui, l’acte est commandité par la Mafia avec l’aide technique d’agents recrutés par la CIA pour des opérations clandestines anti-castristes à Cuba. À la fin de la décennie 1950, Mafia et CIA collaborent de manière ponctuelle sous la supervision lointaine du vice-président Richard Nixon. L’auteur revient en outre sur le rôle effacé du FBI dans la lutte anti-Mafia en raison des consignes de modération ordonnées par son tout-puissant directeur de 1924 à 1972, John Edgar Hoover. Ce dernier façonne le FBI en police politique et non pas en une force destinée à combattre les malfrats. La Mafia le tenait-elle grâce à des dossiers compromettants sur ce parieur frénétique des courses hippiques et sa vie privée ?

L’action du FBI en tant que police politique répressive s’efface grâce au cinéma qui l’enjolive en institution probe et courageuse. Il faut néanmoins savoir que la Mafia contrôle l’industrie cinématographique et le divertissement de masse. Le futur 40e président des États-Unis, acteur de profession à l’origine, Ronald Reagan, fut longtemps le président du principal syndicat des acteurs, la Screen Actors Guild (SAG), noyauté par les mafieux bien qu’« en Californie, la Famille présente à Los Angeles est faible en nombre et en organisation, et elle fonctionne sous la domination de celle de Chicago. La Californie, à l’image du Nevada, a toujours été un territoire plus ou moins ouvert à toutes les Familles; là, la Mafia emploie un plus grand nombre d’avocats, de banquiers et d’investisseurs, une technique lui permettant ainsi une présence plus diffuse et surtout très intégrée aux élites économiques. Elle est en fait souvent indissociable du big business ».

Bien que modelé par le milieu, le 7e art ose parfois évoquer certains sujets connexes tels le film de Doug Liman Barry Seal. American Traffic (2017). Pilote talentueux, Barry Seal transporte des tonnes de cocaïne aux États-Unis au profit du cartel colombien de Medellin et en liaison avec la CIA. Il fuit vite la Louisiane et s’installe en Arkansas qui « sert alors de base arrière pour les transferts d’armes orchestrés par la CIA au profit des Contras au Nicaragua, ainsi que leur entraînement militaire ». On est à l’origine du fameux scandale de l’Irangate. Jean-François Gayraud signale qu’« à partir des années 1980, l’Arkansas devient “ une petite Colombie ”, un épicentre du trafic international de cocaïne. L’État est miné de l’intérieur par une narco-corruption endémique, protégée aux plus hauts niveaux de responsabilité. L’expression de “ narco-État ” n’est pas exagérée, tant la corruption née du trafic de la drogue y est répandue (p. 395) ». Bill Clinton, futur 42e président étatsunien (1993 - 2001), y exerce d’abord la fonction de procureur général (ministre de la Justice) de 1977 à 1979, avant d’en devenir le gouverneur à cinq reprises (1979 – 1981 et 1983 - 1992).

On peut toutefois regretter que l’auteur ne mentionne pas les relations étroites entre la Mafia, par l’intermédiaire du cinéma, et d’une part du « cinquième pouvoir », à savoir le complexe militaro-médiatique, grand instigateur du « cinéma de sécurité nationale » (Jean-Michel Valantin). Jean-François Gayraud n’hésite pas pourtant à citer les travaux de Peter Dale Scott sur l’« État profond ». Craint-il de s’éparpiller ou de s’aventurer sur des terrains glissants et obscurs ? D’éclairer les coulisses de l’histoire apparente ?

Il évoque cependant un roman de politique-fiction paru à Chicago en 2000. On relève des similitudes troublantes avec l’ascension de Barack Obama, élu de l’Illinois et donc de… Chicago. On oublie qu’Obama fut le sénateur local de 1997 à 2004. L’auteur d’America’s First (Research Association School Times Publications, Frontline Distribution International, 351 p., Chicago)), Charles D. Edwards a alors 31 ans. Ce Noir a grandi au Queens à New York. Il déménage et travaille à la mairie de… Chicago. Ce roman raconte l’arrivée au pouvoir à 46 ans de Calvin Smart. Bon orateur et juriste noir brillant, marié à Audrey, elle-même juriste, il atteint la fonction de président pro tempore du Sénat, soit le 4e personnage de l’État. Le président des États-Unis meurt d’une attaque cardiaque. Puis son vice-président devient le 44e président. Mais il meurt aux côtés du speaker de la Chambre des représentants (le 3e personnage de l’État) dans un attentat à Londres. Calvin Smart arrive à la Maison Blanche. Depuis toujours, le nouveau président fréquente la féroce Famille Giovinci et reçoit de fortes pressions de la Mafia afin de ne pas légaliser les drogues.

Entrepreneur immobilier à New York, Donald Trump doit rencontrer pour ses affaires des membres du milieu. Il y est contraint parce que « durant trois décennies (1970 – 1990), les cinq Familles de New York disposent d’une mainmise quasi absolue sur le marché du bâtiment et de la construction (BTP) à New York. […] La Mafia contrôle tous les métiers liés au secteur : le béton évidemment, mais aussi la maçonnerie, la plomberie, les fenêtres, la peinture, la menuiserie, etc. » Père spirituel de Trump, l’avocat Roy Cohn, démocrate, juif et homosexuel, « représente un lien unique vers la Mafia et les syndicats sans qui ses projets immobiliers ne peuvent prospérer sans heurt. Il est l’homme des contacts sensibles et des pots-de-vin, celui qui achète la paix et forge les alliances politiques et mafieuses ». Faute de preuves solides, Jean-François Gayraud ne fait qu’effleurer la présence insistante de quelques membres de la pègre russophone dans la proximité de l’homme d’affaire.

La Mafia et la Maison Blanche raconte plus d’un demi-siècle d’histoire souterraine passionnante. Il confirme le caractère ploutocratique des États-Unis d’Amérique. L’auteur explique bien en note que « le système démocratique américain est devenu malade en raison du pouvoir des lobbys et de l’argent – deux phénomènes liés – qu’une décision de la Cour suprême de 2010 (Citizen United vs Federal Election Commission) a conforté. Désormais, les entreprises privées et les syndicats peuvent participer au financement des campagnes sans limitation de versements. La corruption politique a été ainsi en partie légalisée ». Du fait de sa dépendance intrinsèque aux puissances financières, les États-Unis d’Amérique, par-delà la dimension mafieuse de l’État profond, sont très certainement – et de loin ! – le principal État-voyou de la planète.    

Salutations flibustières !

• « Vigie d’un monde en ébullition », n°171, mise en ligne le 23 octobre

19:34 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

Sortie prochaine du nouveau numéro (n°88) de la revue "Réfléchir & Agir"

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15:29 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

Bretagne. Le Canon français trouve refuge au château de Blossac (35) : la force tranquille face à la tempête médiatique

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Source Breizh info cliquez ici

Malgré les pressions et les tentatives d’intimidation, les banquets du Canon français auront bien lieu en Ille-et-Vilaine les 7, 8 et 9 novembre.

Contre vents et marées, le Canon français n’a pas renoncé à lever son verre.

Après avoir été contraints d’abandonner le château des Pères à Piré-Chancé sous la pression d’une pétition anonyme et de quelques militants déterminés bien épaulés médiatiquement par la presse quotidienne régionale, les organisateurs ont trouvé refuge à Goven, au château de Blossac, en Ille-et-Vilaine.

L’événement, qui devait initialement être annulé, aura bien lieu, grâce à la décision courageuse du propriétaire des lieux, Christophe de La Rousserie, qui a refusé de céder à la peur et aux injonctions d’une minorité bruyante.

Un homme qui refuse la diabolisation

Le châtelain de Blossac n’a pas tardé à comprendre que la polémique autour du Canon français tenait moins à des faits qu’à des étiquettes.
On reprochait à l’un des investisseurs du projet, Pierre-Édouard Stérin, d’être « de droite », donc, par glissement idéologique, d’incarner le mal absolu aux yeux de certains milieux militants.

Ce procès d’intention, fondé sur une simple appartenance politique supposée, aurait suffi à faire reculer plus d’un établissement. Pas lui.

« On n’allait pas céder à un anathème sans fondement », explique le propriétaire, qui assume d’avoir choisi le discernement plutôt que la soumission.

Il raconte avoir prévenu ses voisins de la tenue de l’événement, et s’être heurté à un ou deux discours caricaturaux — on lui aurait même reproché la présence de saucisson et de vin au menu, assimilés à une “exclusion des musulmans”.

Une accusation absurde, symptomatique d’un climat de suspicion où la convivialité française devient suspecte dès qu’elle n’est pas estampillée conforme.

La machine médiatique, caisse de résonance d’une minorité

Ce qui aurait dû rester une querelle marginale a pris des proportions nationales à cause d’un emballement médiatique que rien ne justifiait.

Quelques dizaines de signataires ont suffi à déclencher une campagne d’intimidation, amplifiée par des relais militants et certaines rédactions friandes de “polémiques d’extrême droite”. Sans cette caisse de résonance, l’affaire aurait probablement fait long feu.

En réalité, aucune plainte, aucun trouble à l’ordre public, et encore moins d’incident religieux n’ont jamais été signalés lors des banquets du Canon français, où l’on célèbre avant tout la gastronomie, le chant et la camaraderie.

Mais dans une époque où tout ce qui évoque la tradition, le terroir ou le folklore devient suspect (Le Canon Français a aussi été raillé pour le fait que ces banquets ne ressemblaient en rien – ce qui  est vrai –  aux banquets traditionnels en Bretagne) , le simple fait de se retrouver autour d’un bon repas peut suffire à déclencher l’hystérie militante.

Le soutien de l’État et la fermeté du propriétaire

Le préfet d’Ille-et-Vilaine, sollicité par certains opposants pour interdire l’événement, a rappelé la légalité de cette initiative privée.

Les forces de l’ordre seront présentes, comme pour tout grand rassemblement, mais aucune mesure restrictive n’a été jugée nécessaire. Le Canon français collabore étroitement avec la préfecture afin d’assurer le bon déroulement de ses trois soirées festives, prévues les 7, 8 et 9 novembre.

Pour Christophe de La Rousserie, l’accueil de cet événement est aussi une manière de soutenir le patrimoine vivant. Le château de Blossac, durement touché par les inondations de janvier 2025, est encore en cours de restauration.

Les revenus issus de la location contribueront à sauvegarder ce joyau architectural du pays de Rennes, dont les parquets avaient littéralement flotté dans l’eau il y a quelques mois.

Pour les organisateurs, le Canon français n’est pas une tribune politique mais un hommage au goût, à la fraternité et à la culture 

Derrière la caricature d’un “repas d’extrême droite” agitée par certains, il y a en réalité des centaines de convives, artisans, cuisiniers, musiciens et bénévoles attachés à une idée simple : faire vivre l’art de la table, sans honte ni culpabilité.

Ceux qui voudraient voir dans cette initiative un acte “provocateur” oublient qu’il s’agit avant tout de liberté d’association et de respect du pluralisme. Et qu’en refusant la censure d’une minorité militante, le château de Blossac a, lui aussi, servi la République au sens noble : celle de la liberté et du bon sens.

Dans un climat saturé de dénonciations et de procès médiatiques, la décision du propriétaire breton fait figure de leçon de courage tranquille. Il n’a pas cherché la confrontation, seulement la cohérence : accueillir un événement légal, festif et pacifique, au nom de la liberté et de la convivialité.
Loin des injonctions idéologiques, son geste rappelle que la Bretagne demeure une terre d’accueil, de bon sens et de résistance à la pensée unique.

Le Canon français, lui, pourra déboucher ses bouteilles et faire chanter ses tablées. Et peut-être, au fond, c’est cela que redoutent le plus les nouveaux inquisiteurs : voir un peuple rire, chanter et lever son verre sans permission.

09:41 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |