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samedi, 30 mars 2024

Une France pillée et paupérisée

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Nicolas Ravailhe*

En France, nos partis politiques transforment les élections européennes en un référendum pour ou contre « cette » Europe. Ils n’ont en réalité pas d’adversaires. L’écrasante majorité des partis souhaite rester dans l’Union européenne.

Un éventuel Frexit est même comparé au Brexit, présenté comme un échec. Aucun élément probant n’est avancé, et le degré d’intégration de la France dans l’UE est assimilé à celui du Royaume-Uni, alors que les Britanniques n’étaient ni dans l’euro ni dans Schengen, et qu’ils négociaient sans cesse des exceptions et des compensations en tout genre. Le Royaume-Uni a fait le choix d’une Europe à la carte quand la France a opté pour le menu UE complet.

Or, plus l’UE est intégrée et dispose de compétences étendues, plus nous devons y défendre nos intérêts. Le principe de réalité commande d’observer que l’Europe d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle des années Giscard ou Mitterrand. Ces vingt- cinq dernières années, les déséquilibres de richesses entre États ont considérablement affecté le projet européen.

La vie politique française est clivée entre vrais proeuropéens et faux anti-européens. Tous les partis hexagonaux prétendent vouloir faire renaître ou changer l’UE, voire la sauver de périls, mais aucun n’est majoritaire pour gagner dans son groupe politique européen.

De surcroît, nous n’avons pas d’alliés pour modifier l’Europe en profondeur. Contributrice nette au budget européen, comme l’Europe du Nord et l’Italie, la France n’est pas – contrairement à ces dernières – gagnante avec des excédents commerciaux. À la différence de l’Europe de l’Est et du Sud, elle ne bénéficie pas non plus d’une solidarité européenne en trompe-l’œil.

L’UE n’est pas la paix, mais l’art de civiliser la guerre par le droit et l’économie. L’Allemagne a opéré des Anschluss économiques  en Europe de l’Est en profitant des fonds européens disponibles dans ces pays. Ceux-ci ont servi de relais de croissance pour les entreprises allemandes via l’Ostpolitik, sécurisés par le droit de l’UE, bien plus qu’ils ne constituent une solidarité européenne au profit des régions les plus pauvres.

Sans délocalisations et sans pertes d’emplois outre-Rhin, ces succès obtenus par des logiques de dépendances économiques d’États européens assurent à l’Allemagne des majorités politiques pour contrôler l’UE, les règles du marché intérieur et les accords avec les pays tiers. Le père fondateur de l’Europe est en réalité Werner von Siemens : « Qui crée la norme crée le marché. »

Les Pays-Bas jouent, quant à eux, les chevaux de Troie, principalement avec l’Asie. Ils importent massivement depuis les pays tiers via leurs ports et engrangent ainsi des droits de douane qui les financent. Optimisant quelques vices de construction de l’UE, leurs entreprises revendent ensuite ces importations avec des marges dans les États membres de l’UE.

Cette conjonction d’éléments contribue à la désindustrialisation et à la paupérisation de la France. Faute de pratiquer la guerre économique dans et via l’UE, notre pays n’est pas attractif mais souvent pillé, y compris lorsque nos concurrents y captent des fonds européens.

L’Europe est stratège, elle ne changera pas. À titre d’exemple, l’UE a une balance commerciale positive de 158 milliards d’euros avec les États-Unis en 2023. L’UE va bien, en moyenne, alors que la France, malgré ses qualités, va mal. Selon Eurostat, notre pays a pourtant des atouts pour être compétitif. L’Hexagone ne dépense pas trop, il ne gagne pas assez. Contrairement à d’autres États européens conquérants pour eux-mêmes, la France en appelle à l’UE.

Pour l’Europe, qui a besoin d’équilibre entre ses membres, comme pour une France ouverte, il est temps pour nous d’être Français en Europe davantage qu’Européens, béats ou provocateurs décalés en France. Sur un plan politique, scientifique, juridique et économique, il est urgent de développer une stratégie française en Europe plutôt qu’une chimère de stratégie française pour l’UE.

(*) Avocat et fondateur de l’Institut francophone de stratégies européennes.

Source : Marianne 28/3/2024

 

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