Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 26 avril 2024

25 avril 1974 – 25 avril 2024 : les œillets sont bien fanés !

Diapositive1 copie 5.jpg

Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat

Gouverné tant bien que mal par Marcelo Caetano, qui avait pris la suite d’Antonio de Oliveira Salazar, empêché par une congestion cérébrale d’exercer le pouvoir depuis le 25 septembre 1968, et décédé le 27 juillet 1970, le Portugal, fièrement, restait la seule puissance occidentale encore maitresse de ses colonies.

Un vaste empire qui faisait la fierté des Lusitaniens, mais qui coûtait cher, même si les ressources naturelles de ses provinces d’outre-mer étaient prometteuses. Dans l’ombre, la taupe marxiste était à l’œuvre, et sapait tant à l’intérieur qu’à l’extérieur la volonté de résistance du pays. De plus en plus de Portugais quittaient le pays pour échapper au long service militaire imposé à une jeunesse éprise des leurres de la société de consommation.

En Angola, l’UNITA de Jonas Savimbi et le MPLA d’Agostinho Neto, menaient la vie dure à l’exercito, comme le FRELIMO de Samora Machel au Mozambique, ou le PAIGC d’Amilcar Cabral en Guinée Bissau, tous mouvements soutenus les uns par l’URSS, les autres par la Chine rouge. En Guinée justement, le général De Spinola, sorte de pro-consul aux pleins pouvoirs, constatait avec amertume que l’effort de guerre s’essoufflait, et qu’il était peut-être temps d’envisager un autre scénario que la « portugalisation » intégrale des provinces d’outre-mer. Il exprima ses vues dans un livre retentissant, « Portugal e o futuro » - « le Portugal et son avenir » -, qui allait servir de détonateur au golpe des capitaines du MFA, le Mouvement des Forces armées, une organisation tapie dans l’ombre, largement gangrénée par les communistes clandestins du camarade Alvaro Cunhal, installé bien tranquillement à l’étranger. (Ce qui en dit long sur la supposée implacable « efficacité » de la PIDE, la police politique de l’Estado Novo, ce dernier fondé en mars 1933, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution élaborée par le « petit » professeur de droit de  Coimbra !)

Les termites rouges étaient à l’oeuvre

Déjà, au cours d’une réunion clandestine qui s’était tenue le 24 novembre à Estoril, un lieutenant-colonel s’était écrié, « Nous sommes étouffés par un régime qui nous mène à l’abîme, à la défaite, comme d’ailleurs tous les régimes fascistes… ». Le grand mot avait été lâché. Et, dès lors, les officiers du MFA garderont dans le vocabulaire de ce mouvement, ses structures et ses méthodes, ce parfum de « gauchisme » jusqu’à ce que d’autres militaires -  ceux notamment du régiment de commandos d’Amadora -, n’écrasent dans l’œuf, le 25 novembre 1975, une tentative de coup d’état communiste. La vérité, c’est que l’armée portugaise, dont les deux-tiers de ses 200 000 hommes étaient en lutte dans les colonies contre les guérillas marxistes - armée soutenue du bout des lèvres par ses alliés du Pacte atlantique dont la France ayant fourni des Noratlas, des hélicos Alouette et des blindés légers -, était à bout  de souffle.

De Spinola, à l’instar d’un De Gaulle avec l’AOF et l’AEF, proposait une nouvelle communauté luso-africaine, basée sur l’autonomie de ses États et leur parfaite égalité. Mais il était trop tard. Trop frileux sans doute, le professeur Caetano n’avait pas tenté l’expérience.

Le 25 avril 1974 à l’aube, 3 000 soldats dispatchés par le major Otelo de Carvalho, le cerveau du complot - qui fera encore parler de lui en purgeant une peine de quinze ans de prison, peine rabotée par les socialistes à sept années -, convergeaient sur Lisbonne, et occupaient un à un tous les lieux de pouvoir. La radio annonçait le putsch et, après une courte résistance, la Garde nationale républicaine (GNR) se rendait, tandis que les unités non concernées par la conjuration, comme l’équipage de la frégate Gago Coutinho, embusquée sur le Tage, refusaient d’ouvrir le feu sur leurs frères d’armes. Le président de la République, l’amiral Américo Tomas, comme le président du conseil Marcelo Caetano, réfugiés à la caserne do Carmo, celle de la GNR, se rendaient aux officiers insurgés, et étaient expulsés manu militari vers l’ile de Madère, avant de gagner le Brésil, leur lieu d’exil.

De Spinola, lui aussi, sera exilé

Propulsé sur le devant de la scène, le général De Spinola était nommé président provisoire. Une armée usée par près de treize années de guerre, plombée par ses 8 000 morts, mettait « crosse en l’air ». La population laissait déborder sa joie, lassée par ces années d’un interminable conflit colonial, couvrant ses centurions d’œillets, cette belle fleur qui allait fleurir au bout des fusils ! Elle oubliait soudainement tout ce qu’elle devait au salazarisme – grandeur du Portugal, solidité de l’escudo, paix civile, stabilité gouvernementale, probité de son fondateur qui mettait le « spirituel » au-dessus du « matériel » , espoir d’une vie nouvelle outre-mer, gagée toutefois par les incertitudes politiques -, pour n’en garder que les aspects les plus négatifs : modicité du niveau de vie, manque de liberté d’expression, épée de Damoclès du service militaire…

C’est bien connu, les révolutions dévorent leurs auteurs. À son tour, le « général au monocle » - celui qui avait été un observateur militaire d’un Portugal  neutre sur le front de l’Est -, allait être remercié, et partir, lui aussi, en exil au Brésil. Les jeunes officiers portugais, issus majoritairement des classes populaires qui avaient eu la chance d’accéder à l’université, allaient traitreusement offrir l’Afrique portugaise aux marxistes angolais, mozambicains et guinéens, sans aucune contrepartie.

Un espoir de renouveau ?

Depuis, en métropole, les gouvernements se sont succédé, d’élection en élection, à la recherche d’une majorité stable, socialistes et centristes se repassant, alternativement, la « patate chaude », les premiers trainant dans leur sillage un lourd parfum de corruption. Ce qui a sans doute permis à CHEGA (« Ca suffit »), une nouvelle formation de droite nationaliste emmenée par son chef, le charismatique André Ventura - ancien présentateur-vedette à la télévision -, de ravir dernièrement 48 sièges de députés sur les 230 du parlement de Lisbonne. CHEGA  est devenu, avec 18,1 %, la troisième force politique du pays. Clin d’œil de l’histoire ou promesse de retour aux sources ? Seul l’avenir le dira.


Pour en savoir plus, lire « Salazar le regretté », du même auteur, un ouvrage publié aux éditions « les Bouquins de Synthèse nationale » cliquez ici

12:40 Publié dans Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat, Un peu d'Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

Les commentaires sont fermés.