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samedi, 04 octobre 2025

Pouvoir liquide

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Vincent Trémolet de Villers

L’autocensure pour éviter la censure. Le premier ministre « le plus faible de l’histoire de la Ve République » contraint de s’affaiblir un peu plus en renonçant à l’article 49.3, l’un de ses leviers es- sentiels d’autorité. Le pouvoir se dépossède de ce qu’il lui reste de pouvoir et dilue un peu plus encore une responsabilité que plus personne ne veut endosser. Dans L’Étrange Défaite, Marc Bloch décrit avec précision ce réflexe mortel qui consiste à reporter sur le bureau d’à côté, l’autorité voisine, ce qui devrait être décidé ici et maintenant.

Emmanuel Macron qui se rêvait en Jupiter n’est maître d’aucune foudre, il est l’homme de la grande liquéfaction. Désormais, tout est liquide, c’est-à-dire fugace : le propre de ce mandat, c’est que plus rien ne tient et plus rien ne dure. Durer, c’est pourtant ce que demande le chef de l’État à un premier ministre sans majorité, sans gouvernement, sans projet, sans budget, sans assise dans l’opinion. Durer, tenir pour empêcher le retour aux urnes et protéger le président de la République des secousses encore vives du séisme politique que sa folle dissolution a provoqué.

Pour jouer son rôle de couverture de survie présidentielle, Sébastien Lecornu a fait le choix de revenir franchement à la IVe République. Nous allons donc subir, à l’Assemblée, une foire d’empoigne aussi intense que stérile, avec délires fiscaux (ça commence déjà à Matignon) et suspension de la réforme des retraites, sous l’œil effaré des marchés, pour une loi de finances qui ne sera évidemment pas adoptée. Ça finira, on l’a compris, avec une reconduction expédiée et contrainte du budget de l’année précédente.

Pour le reste pendant que la gauche britanique ou les sociaux-démocrates danois durcissent énergiquement leurs politiques migratoires, un premier ministre considéré comme de droite n’aborde ce thème (sous la menace des socialistes) qu’avec distance et crainte. Dans ce chaos institutionnalisé, le seul point de décision gouvernemental, c’est l’inscription express et prioritaire au Sénat de la loi sur l’aide à mourir. Un pouvoir impuissant sur la vie quotidienne qui s’empresse de légiférer sur la manière de mourir : symbole pathétique d’un État à bout de souffle.

Source : Le Figaro 4/10/2025

11:38 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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