mardi, 26 mai 2009
Revue de presse : Voisins, je vous hais !
SOURCE : LA CROIX
Les voisins sont invités à trinquer ensemble ce 26 mai... mais tous ne seront pas d'humeur. Bruit, incivilités et paranoïa... les querelles de voisinage constituent le premier motif de plainte en France. Une guerre à huis clos, largement sous-estimée.
Un immeuble cossu des années 1910, façade en briques lustrées, deux étages pour quatre appartements... Boulevard de la Marne, dans ce quartier chic de la banlieue lilloise, le tramway fait moins de bruit que le souffle du vent sur les vastes pelouses. Les voisins ne s'entendent pas mieux pour autant. Entre la locataire du second, Catherine, réalisatrice âgée de 34 ans, et le jeune couple du premier, récents propriétaires, les hostilités sont ouvertes depuis plus de trois ans.
La mère célibataire d'un garçon de 11 ans a beau avoir posé de la moquette dans le salon et les chambres, collé des feutres sous ses pieds de chaise, renoncé au piano, aux dîners, aux amis, vivre en chaussettes, "plus j'en fais, moins ça va", s'essouffle-t-elle. Au moindre grincement, c'est tout l'immeuble qui tremble sous l'assaut des insultes. "Tarée ! Folle ! Mocheté ! Je vais te buter, toi et ton monstre !" Derrière la lourde porte de l'immeuble bourgeois, les bonnes manières restent au vestiaire.
La dictature de la promiscuité fait plus de victimes qu'on ne croit. Comme plus de 100 000 Français chaque année, Catherine a déposé une main courante au commissariat. En vain. Devant le conciliateur de justice, les propriétaires du dessous ont toujours pris l'ascendant sur la locataire du dessus. Catherine est à bout d'arguments. Et de nerfs. La dernière fois que son fils, inscrit au conservatoire, a tenté une note de musique, c'était en 2007, le soir de Noël : avant la fin de Douce Nuit, à 21 heures, une escouade de policiers lui infligeait une amende de 45 euros pour... "tapage nocturne".
Selon le dernier baromètre Santé et environnement publié par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, plus d'1 Français sur 2 se plaint de nuisances sonores à son domicile. Et plus de 14% de manière permanente. A quoi s'ajoutent les tensions quotidiennes récurrentes : jalousies, violences, paranoïa, incivilités, copropriétés dégradées, tout y passe. Les tribunaux d'instance, de grande instance et d'appel ont été saisis de plus de 75 000 litiges de voisinage en 2008. A Paris, le tiers des signalements enregistrés par la police concerne le cadre de vie : les problèmes de voisinage y figurent en tête, loin devant tous les autres maux de la vie urbaine.
Appels excédés et mains courantes
Dans le XXème arrondissement de la capitale, le fléau a pris une telle ampleur qu'un bureau des nuisances a dû être créé : il occupe trois agents à temps plein. Chaque jour, le trio reçoit jusqu'à 30 appels excédés et enregistre, en moyenne, cinq mains courantes. Comme à Lille, les plaintes frisent parfois le délire ; une femme manchote vivant seule s'est ainsi vue accusée de déménager ses meubles jour et nuit... La très grande majorité des dépositions est toutefois motivée. Alors, les policiers se déplacent, tentent de constater l'infraction, rencontrent les protagonistes. Récemment, boulevard Mortier, il leur a fallu frapper à toutes les portes d'un immeuble HLM : la haine et la défiance s'étaient propagées à tous les étages.
A la tête du Centre d'information et de documentation sur le bruit, Alice Debonnet-Lambert mesure les dégâts engendrés par la vie en communauté. Son site Internet accueille plus d'un million de visiteurs par an. Devant l'explosion des demandes, l'association a multiplié par six le nombre de ses permanents, passé de 2 à 12 en trente ans. "L'Etat s'est désengagé du problème", déplore celle qui attend toujours qu'une étude épidémiologique soit lancée pour mesurer l'impact des nuisances sonores sur la santé publique.
Une loi sur le bruit existe pourtant depuis 1992 : elle renvoie les pouvoirs d'intervention aux maires, bien souvent impuissants à pacifier les haines. Les agents des forces de l'ordre ne sont pas mieux armés. Seules les "agressions sonores caractérisées" sont considérées délictuelles et punies comme telles, depuis 2003. Mais cette sanction ultime est réservée aux cas de troubles graves à l'ordre public... Les différends de voisinage n'entraînent généralement que des contraventions "légères", inférieures à 450 euros.
Julie Joly
14:46 Publié dans Revue de presse | Tags : paris, lille, voisinage, justice, plainte, la croix, synthèse nationale | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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