mercredi, 11 juin 2014
Le Pen: dérapage ou débat de fond ? La ligne du parti en cause, entre Canal-Historique et Canal-Respectacle
Raoul Fougax
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Le tollé provoqué au Fn par la « fournée » de Le Pen père, incluant la condamnation de sa fille et sa riposte, est sans doute la dernière étape de la mue du Fn. La mise à mort du « père » est un classique dynastique.
Pour certains, il est temps que Jean-Marie Le Pen se taise et prenne sa retraite- c’est le très fantasque Collard qui l’affirme- sous entendu, il a fait son temps, il ne sait plus ce qu’il dit, il est gâteux. Ce jugement est le plus facile et permet au « Fn canal respectable » de se laver les mains de la crucifiction médiatique de son ancien messie.
Il y a cependant une autre explication, comme le disait un militant de la droite plus radicale : « Au Fn les collabos font de la résistance ». Derrière cette boutade il y a une réalité, c’est une ligne de rupture entre le Front de Jean-Marie et le mouvement bleu marine. Pour les marinistes, il faut s’adapter à l’époque mais ils admettent aussi certaines valeurs et une lecture de l’histoire. Pour les frontistes purs et durs, il faut lutter contre l’idéologie dominante et ses vérités auto-proclamées. Seul un langage libre peut changer au fond les choses.
En gros, d’un côté on veut prendre le pouvoir ou y participer, de l'autre il ne sert à rien de se normaliser en se reniant. Il y a deux logiques et deux sensibilités. Il y a certes un fossé de génération mais également un fossé idéologique. Si le Front de Marine ne peut plus supporter les paroles du Front de Jean-Marie, cela prouve à quel point, en 30 ans, le politiquement correct a su s'imposer même chez ceux qui affirment le combattre. La preuve par la condamnation de Marine.
Pour la première fois de manière aussi forte, la présidente du Front national a pris la parole pour critiquer clairement la déclaration de son père. Elle confiait dimanche, en exclusivité au Figaro: « Je suis convaincue que le sens donné à ses propos relève d'une interprétation malveillante. Il n'en demeure pas moins que, avec la très longue expérience qui est celle de Jean-Marie Le Pen, ne pas avoir anticipé l'interprétation qui serait faite de cette formulation est une faute politique dont le Front national subit les conséquences. Si cette polémique peut avoir une retombée positive, c'est celle de me permettre de rappeler que le Front national condamne de la manière la plus ferme toute forme d'antisémitisme, de quelque nature que ce soit ».
Répliquant au désaveu de sa fille Marine concernant une vidéo publiée vendredi sur le site du Front national, dans laquelle il suggérait de faire une « fournée » d'artistes anti-fn, Jean-Marie Le Pen a déclaré aux micros de RMC que « la faute politique » était de « s'aligner sur la pensée unique ». « Je considère que la faute politique, c'est ceux qui se sont alignés sur la pensée unique. Ils voudraient ressembler aux autres partis politiques. Si c'est le vœu d'un certain nombre de dirigeants du Fn, ils ont réussi. C'est eux qui ont fait une faute politique, pas moi », a affirmé Jean-Marie Le Pen.
Une polémique interne à aborder avec l’esprit critique pour ne pas être dupe des indignations et instrumentalisations qui vont augmenter vis-à-vis d’un Fn en ascension dans la traque permanente des médias aux propos non conformes. Certes cette traque n’a pas servi à grand chose face aux échecs du système dans tous les domaines. Mais les théoriciens de la diabolisation et du cordon sanitaire n’ont pas renoncé. Jean-Marie Le Pen le sait et son dernier dérapage est une sorte de botte de Nevers ou coup de Jarnac à certains qui veulent lui transformer son « Fn ».
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