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mercredi, 05 juillet 2017

Quelques remarques sur le Front national après la présidentielle de 2017

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Dans le cadre de la réflexion qui s'impose après le double échec du néo FN à la Présidentielle et aux législatives, nous reproduisons ici le texte proposé par l'universitaire non conformiste lyonnais François-Philippe Galvane publié sur le site Polémia cliquez ici

François-Philippe Galvane est doctorant en droit constitutionnel comparé. Il a été pendant quatre ans chargé de travaux dirigés en droit constitutionnel. Il a été plusieurs fois candidat sur des listes du Front national aux élections municipales

♦ Après l’élection présidentielle de 2017 et un résultat qui a déçu beaucoup de militants du Front national, il serait temps d’engager une autocritique, « une critique positive », comme condition d’un renouvellement politique et doctrinal.

Cela passe par un changement dans les pratiques de la direction du parti et par une implication institutionnelle des militants plus importante.

1Il y a un problème au Front national, qui est l’absence d’une culture du débat et cela remonte à loin. Le Front national a été créé en 1972 par des militants courageux qui faisaient face physiquement à la violence d’extrême gauche post-soixante-huitarde dans les universités (Gud) et dans la rue (Ordre nouveau). Ceux-ci, sur les conseils de François Brigneau, ont invité, avec d’autres personnalités, Jean-Marie Le Pen (JMLP) à les rejoindre lors de la fondation du FN en 1972 et il en est ainsi devenu un des co-fondateurs.

Certains de ces militants avaient certes des références idéologiques datées et extrémistes, mais pas plus, ou tout autant, que leurs adversaires gauchistes. Le stalinisme, le trotskisme, le maoïsme, ce n’est pas rien… Les militants des deux camps ont d’ailleurs évolué, pour les uns au Parti socialiste, pour les autres au Front national actuel, voire ailleurs… Clemenceau disait qu’un jeune qui n’est pas socialiste à 20 ans est un imbécile, mais que celui qui est encore socialiste à 50 ans l’est aussi. On remplace socialiste par néo-fasciste et on a le même constat sur les engagements radicaux générationnels qui se doivent de mûrir et d’évoluer sous peine de se fossiliser. Mais ces militants avaient une originalité par rapport à leurs anciens : leur mode de fonctionnement était collectif, soit les décisions étaient prises après débat par une direction collégiale et sans chef suprême !


 

Cette pratique a été abandonnée dès 1973 quand, après la dissolution d’ON en juin 1973 par le pouvoir gaulliste après des agressions trotskistes, JMLP, dès l’été et l’automne 1973, a épuré ceux qui l’avaient fait président du FN.

Et ce fonctionnement du parti, où la culture du débat est remplacée par celle de l’obéissance au chef, avec épuration des opposants, a continué jusqu’à nos jours, avec 2 pics :

– lors des purges de 1998-1999, qui ont conduit à la création du Mouvement national républicain (MNR), avec une perte de cadres et de militants qui a structurellement et durablement affaibli le parti qui ne s’en est toujours pas remis ;

– les purges initiées par JMLP à partir de 2002 pour transmettre (dans une logique quasi patrimoniale !) le parti à sa fille Marine Le Pen (MLP) ; la plus notable est celle de Carl Lang en 2009, mais il y en eut d’autres visant les soutiens de Bruno Gollnisch.

Lors de la préparation du Congrès de 2011, alors que l’on proposait à MLP d’organiser un débat avec Bruno Gollnisch pour l’élection du nouveau président du FN, elle refusa, arguant que ce type de pratique « ce n’était pas le genre de la maison » !!! Ce refus et la raison invoquée pour ce refus sont scandaleux et ont achevé de fixer pour beaucoup leurs jugements.

Une fois élue grâce au soutien de son père, MLP a continué cette politique des purges. D’abord, en ciblant les soutiens restants de Bruno Gollnisch pour finir de le marginaliser, et enfin en excluant son père en 2015 qui récoltait ce qu’il avait semé ! (Toute révolution finit par dévorer ses enfants.) L’épuration chez certains étant un mouvement perpétuel, elle continue avec son nouveau vice-président Florian Philippot et son équipe « très soudée par des affinités culturelles particulières » dans une démarche qui n’a pas d’autre sens que d’être fractionnelle.

Des critiques ont pu dire à juste titre qu’au Front national, « quand la base vote… c’est toujours le chef qui gagne » (Renaud Dély). Les militants votent une fois au Congrès pour les 100 membres du Comité central et le/la président(e), mais après ils n’ont plus la parole jusqu’au prochain congrès, et le Comité central « parlement » du parti n’est réuni que très rarement. Le/la président(e) désigne seul(e) 20 membres du Comité central en plus des 100 membres élus, les 42 membres du Bureau politique, les vice-présidents et les membres du Bureau exécutif, la vraie instance dirigeante, et dirige le parti sans vraie concertation et sans débat avec la base des militants.

Et depuis 2012, avec son favori fait vice-président Florian Philippot, MLP a imposé, sans concertation avec le parti et ses militants, une nouvelle ligne politique, sociale-souverainiste, à la place de la ligne historique nationale-identitaire. Cette ligne de la nouvelle direction est minoritaire chez les cadres et les militants comme les votes au Congrès de Lyon en 2014 l’ont bien montré.

2 Et c’est dans ce contexte qu’a eu lieu l’élection présidentielle de 2017 avec le résultat que l’on connaît pour les deux tours.

Nous ne ferons pas de commentaires à chaud et nous préférons renvoyer, parmi la masse de textes parus, à ceux qui nous ont paru les plus stimulants pour « l’après » :

– de Jean-Yves Le Gallou, sur le site Polémia le 8 mai 2017 : « Marine Le Pen ? Pas à niveau ! » ;

– de Bruno Mégret, sur le site Polémia le 11 mai 2017 : « L’échec d’une stratégie » ;

– d’Eric Zemmour, dans le Figaro-Magazine du 12 mai 2017 : « Le fiasco intégral de Marine Le Pen » ;

– de François Bousquet, sur le site FigaroVox du 12 mai 2017 : « La droite a perdu parce qu’elle a préféré l’économisme à l’âme française » (dans son texte, à propos du débat du 2e tour, il parle de « seuil d’incompétence, selon les lois du principe de Peter) ;

–  de Frédéric Pichon, sur le site Boulevard Voltaire du 16 mai 2017 : « Il est temps d’en finir avec la ligne Philippot » ;

– et surtout le texte de Philippe Christèle, sur le site Polémia du 17 mai 2017 : « Le FN est-il réformable ? » Ce dernier texte est une critique positive. C’est la meilleure que nous ayons lue, par un auteur qui précise « qu’il s’est fortement investi, à des niveaux divers, dans la campagne présidentielle 2017 et qu’il a voté pour Marine Le Pen aux deux tours de scrutin ». Nous nous reconnaissons dans cette démarche, même si notre participation a eu lieu à des niveaux infiniment plus faibles. Le seul point où nous avons une différence d’analyse, c’est que nous ne pensons pas que pour un dirigeant politique un très fort instinct politique puisse tenir lieu de boussole pour compenser une absence de structuration idéologique. Nous renvoyons à ce texte que nous avons mis sur notre site à la suite de ce texte (en fichier PDF, 11 pages).

– enfin le texte de Martin Peltier (Hannibal), dans Rivarol du 18 mai 2017 : « Que faire ? » où l’auteur conclut ainsi : « Ma conclusion ne va pas plaire (…) mais je n’en vois pas d’autre : il faut sauver la baraque qui abrite encore un peu les espoirs nationaux (…) pour préserver ce qui subsiste d’unité ».

Cette dernière conclusion recoupe l’analyse de Marion Maréchal-Le Pen, sur le site de Valeurs actuelles du 17 mai 2017. MMLP y indique que l’ « On peut critiquer le système des partis, légitimement à certains égards, mais ils sont incontournables dans le cadre institutionnel actuel. Malheureusement les initiatives isolées de la société civile, que l’on peut admirer par ailleurs, fonctionnent peu sur le plan électoral. Pour être efficace, il faut donc se plier à une discipline de parti, ce n’est pas toujours évident. »

3 Notre conclusion est que notre famille politique, nationale-démocrate et nationale-populiste, c’est-à-dire la synthèse du nationalisme et de la démocratie, dont on peut dater la naissance avec le Boulangisme dans les années 1880, n’a eu qu’épisodiquement une traduction politique par une incarnation institutionnelle pérenne. Or, pour la première fois, avec le Front national depuis 1972 soit 45 ans, nous avons cette incarnation institutionnelle pérenne. C’est un outil politique pour notre peuple. Il faut le sauvegarder, quelles que soient les critiques – justifiées – que l’on peut, et que l’on doit, faire envers une direction qui a montré son insuffisance, son arrogance et son incompétence.

Même si, comme le disait Sartre, « il ne faut pas désespérer Billancourt », il y a un moment où il faut dire les faits et la vérité :

– Dans l’histoire du mouvement, la direction a été plus que souvent autiste avec sa base, ne respectant même pas les statuts du parti, comme quand en 1998-1999 une demande pour un congrès extraordinaire avait été faite selon les règles statutaires et avait été refusée par la direction qui avait alors organisé des purges amenant à la création du MNR.
C’était d’autant plus stupide que, vraisemblablement, JMLP aurait gardé la majorité avec environ les deux tiers des militants à l’époque (comme par exemple Chirac en février 1990 aux assises du RPR face au duo Pasqua-Séguin), mais il est vrai qu’il y aurait eu alors une opposition interne, constituée sur une base programmatique et non personnelle, et ainsi une vie démocratique interne décente, ce que JMLP a refusé. (Pour aussi d’autres raisons moins avouables, d’ordre patrimonial, que tout le monde connaît et que nous ne voulons pas développer ici).

– De même la campagne interne pour l’élection du nouveau président du FN en 2010-2011 a été faite avec un appareil du parti prenant fait et cause outrageusement pour Marine Le Pen contre Bruno Gollnisch. Certes, cela aussi est banal dans la vie des organisations politiques. On pense à la compétition à l’UMP entre Jean-François Copé et François Fillon en novembre 2012, ou à celle au PS entre Martine Aubry et Ségolène Royal en novembre 2008. Et, certes, au Front les opérations électorales stricto sensu se sont faites sans bourrage des urnes. C’est bien, comparé aux autres, mais ce n’est pas suffisant.

Alors que faire ?

Peut-être commencer par une autocritique, une critique positive et réintroduire une culture du débat.

Nous sommes un parti de militants. Il faut des débats internes, une interaction permanente entre la base et le sommet :

– du sommet à la base, c’est le rôle d’éducateur, de formateur du parti, avec une production d’expertises, pour l’interne, pour l’élaboration du projet avec les militants, pour l’externe, pour proposer ce projet à notre peuple ;

– de la base au sommet, c’est la démocratie participative, la remontée d’informations sur l’état d’esprit des militants et sur celui de notre peuple recueilli par nos militants ; la remontée, aussi, d’autres expertises que celles des experts : celles des militants.

La vie c’est le conflit ; la vie politique c’est le débat, interne et externe. Le parti doit s’appuyer sur cette réalité plutôt que l’ignorer et se nier lui-même par une analyse erronée de la diabolisation et de la dédiabolisation.

Se posera de toute façon la question du mode de fonctionnement du parti. Le refus du débat et de la constitution de tendances clairement affichées et constituées dans le cadre d’une discipline de parti et de fidélité aux fondamentaux de notre famille politique n’est raisonnablement plus acceptable. Et la continuation du fonctionnement actuel du parti, jacobin, caporaliste et déresponsabilisant n’est plus tenable.

Militer au Front pour le militant, cela a un coût social et humain. Cela doit être respecté et le parti doit s’appuyer sur cette motivation pour son fonctionnement plus qu’il ne le fait actuellement. Et l’élaboration du projet du parti doit impliquer tous les militants et pas seulement une direction lointaine.

Il faut une radicalité idéologique sereinement assumée car cadrée, pensée et normée par le sens de la mesure. Une « radicalité raisonnable » qui nous différencie des autres partis du Système. Le but à terme est la constitution d’une masse critique signifiante dans la société permettant enfin de proposer de manière crédible à notre peuple non pas « une petite alternance », mais « une grande alternance », par « des ruptures fécondes » assumées.

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