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lundi, 08 juillet 2024

France de droite, cap à gauche

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Alexis Brezet*

Coup de tonnerre ! Le « barrage républicain » érigé en toute hâte pour barrer la route au RN a si bien fonctionné que c’est le Nouveau Front populaire, cette alliance de partis de gauche, qui arrive en tête de ces élections législatives ! Pour le Rassemblement national, c’est un sévère échec, que sa progression en sièges ne suffit pas à effacer. Il était aux portes du pouvoir, il avait largement gagné les deux derniers scrutins ; en agrégeant leurs voix contre lui, malgré leurs différences d’opinions, les Français, qui se sont massivement mobilisés, lui ont clairement dit non. Ce parti a beau réunir un tiers des électeurs, ses thématiques ont beau s’imposer dans l’opinion, il continue de nourrir la crainte et la défiance d’une majorité de nos concitoyens.

Conséquence : la gauche s’impose. Au soir du premier tour, bien peu y croyaient. Les fins stratèges de la macronie, Gabriel Attal en tête, nous l’expliquaient doctement : il n’y a aucun risque à voter pour le Front populaire, qui ne peut pas gagner ! Résultat : dans une France qui n’a jamais été aussi à droite – les élections européennes et le premier tour des législatives l’ont amplement démontré -, c’est en se tournant vers la gauche qu’Emmanuel Macron – il n’a pas le choix - va tenter de composer le gouvernement. Le président peut se réjouir d’avoir gagné une troisième fois son match face à Marine Le Pen. Même s’il perd des dizaines de députés, son camp résiste nettement mieux que prévu. Mais cette victoire d’un soir ne doit pas faire oublier le chaos qui se dessine. La « clarification » qu’il appelait de ses vœux précipite la France, et sans doute pour longtemps, dans la plus grande confusion. Mesurée à l’aune de ses conséquences, sa décision, née d’une blessure narcissique que le pays entier est sommé de réparer, reste une pure folie dont, devant l’Histoire, il portera la responsabilité.

Car les résultats sont là : l’Assemblée nationale, demain, sera plus ingouvernable qu’hier. Emmanuel Macron a perdu la majorité relative. Condamné à chercher une coalition, il n’échappe à l’épreuve d’une cohabitation avec Jordan Bardella que pour subir celle d’une cohabitation avec un bloc de gauche dans lequel le groupe de Jean-Luc Mélenchon se taille la part du lion.

Pour se garantir une majorité absolue, étendra-t-il un accord jusqu’à LFI ? Ce serait déshonorant. Arrivera-t-il, contre Jean-Luc Mélenchon, à composer une large majorité relative « plurielle » avec des socialistes et des écologistes au gouvernement ? En tout état de cause, il lui faudrait en payer le prix : dans un bel ensemble, socialistes et écologistes réclament déjà l’abrogation de la réforme des retraites, le retour de l’ISF et la suspension de la loi immigration. Être, en apparence, moins radical qu’un Insoumis incendiaire ne fait pas de vous un modéré...

Gare au choc en retour! Dans ce hiatus démocratique mijotent déjà la colère des électeurs RN qui ont le sentiment qu’on leur a volé leur élection, mais aussi la frustration de ces Français du centre et de la droite hostiles à Marine Le Pen qui ne se sentent pas socialistes pour autant...

Sur ce champ de ruines où le RN apparaît comme une impasse, où le « dépassement » macroniste mène finalement à la gauche, la bonne résistance de la droite est riche d’enseignements. Elle ouvre une perspective à ceux qui ne se satisfont ni de l’un ni de l’autre. Une chose est sûre : la France s’installe, et pour longtemps, dans une période d’instabilité politique dont la Ve République semblait devoir nous prémunir.

(*) Alexis Brezet est directeur des rédactions du Figaro.

Source : le Figaro 8/7/2024

09:16 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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