lundi, 24 novembre 2025
DZ Mafia : anatomie d’une organisation criminelle qui bouscule la France
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Née dans les quartiers nord de Marseille, la DZ Mafia s’est imposée en quelques années comme l’un des groupes criminels les plus violents et les plus structurés de France. Son expansion, sa stratégie de recrutement et sa capacité à défier l’État interrogent sur la montée d’un narco-banditisme d’un genre nouveau.
Pendant longtemps, Marseille a connu des guerres de gangs régulières, souvent meurtrières, mais circonscrites à la ville et à ses trafics. Depuis 2022, un phénomène plus inquiétant se dessine : l’émergence d’une organisation hyper-visible, qui revendique, communique, recrute massivement et s’exporte bien au-delà des Bouches-du-Rhône. Cette organisation, baptisée DZ Mafia, concentre aujourd’hui les attentions des magistrats et des services de police spécialisés.
Son nom renvoie au code ISO de l’Algérie (« DZ »), clin d’œil assumé aux origines d’une partie de ses fondateurs. Mais la trajectoire du groupe dépasse largement la dimension identitaire : elle raconte surtout la mutation d’un narcotrafic à la française vers un modèle plus structuré, plus violent, et plus ambitieux.
Des origines à Bassens : la génération Laribi
La genèse de la DZ Mafia s’écrit dans les cités du nord de Marseille, autour des frères Mehdi et Lamine Laribi, anciens figures du trafic à Bassens. Leur ascension criminelle, entamée très tôt, s’est nourrie d’un parcours scolaire chaotique et d’une entrée rapide dans la petite délinquance.
Arrêtés en 2011 dans l’affaire du « barbecue marseillais » – triple homicide qui avait marqué les esprits –, ils sont condamnés en 2015. Le vide laissé derrière eux ouvre la voie à leurs proches, puis à une recomposition progressive des alliances locales.
À sa sortie de prison en 2021, Mehdi Laribi tente de reprendre le terrain perdu. Pour cela, il s’allie à plusieurs groupes marseillais, dont la faction de Marignane et des trafiquants de Font-Vert. L’objectif est clair : éliminer les réseaux adverses et reconstituer un empire criminel. Cette stratégie marque le début d’un engrenage d’une ampleur inédite.
Le rôle des lieutenants : “Mamine”, “Gaby” et “La Brute”
Autour de Laribi gravitent plusieurs figures devenues centrales.
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Mahdi Zerdoum, surnommé La Brute, ancien patron de différents points de deal, est condamné en 2025 à trente ans de réclusion pour meurtre.
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Amine Oualane, alias Mamine ou Jalisco, braqueur devenu tueur présumé, est impliqué dans de nombreux dossiers criminels.
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Gabriel Ory, dit Gaby, tueurs à gages multirécidivistes, particulièrement actif avant son incarcération.
Ces acteurs, même derrière les barreaux, continuent d’influencer les violences, souvent via messageries cryptées. Leur capacité à diriger des opérations depuis la prison est l’un des aspects les plus alarmants de la DZ Mafia : elle montre une organisation capable de fonctionner malgré l’incarcération de ses chefs – un trait typique des cartels internationaux.
2023 : la guerre ouverte contre “Yoda”, tournant sanglant
La véritable explosion de la DZ Mafia intervient en 2023, avec la guerre contre le clan Yoda, mené par Félix Bingui. Ce conflit, déclenché à la suite d’une altercation en Thaïlande entre les chefs des deux groupes, dégénère en vendetta.
Les échanges de tirs, parfois en plein jour, se succèdent.
Des adolescents sont recrutés comme guetteurs ou tireurs.
Des embuscades visant des rivaux, mais aussi des innocents, se multiplient.
La nuit du 2 au 3 avril 2023 reste la plus meurtrière, avec plusieurs fusillades simultanées dans différents quartiers marseillais. C’est également à cette période qu’apparaît pour la première fois la signature « DZ Mafia » dans une vidéo macabre publiée sur Snapchat.
À la fin de 2023, plus de 35 morts sont attribués directement ou indirectement à cette guerre. La DZ en sort victorieuse : les Yoda sont décimés, leur chef arrêté en 2024, tandis que la DZ consolide sa mainmise sur plusieurs cités phocéennes.
Un modèle criminel qui se professionnalise
La particularité de la DZ Mafia réside dans son mode opératoire :
Les adolescents sont sollicités pour les tâches les plus risquées : guet, transport d’armes, parfois assassinats. Les mises en examen de mineurs explosent.
La DZ revendique, menace et diffuse ses actions via Snapchat, Telegram ou TikTok, dans une logique d’intimidation mais aussi de propagande interne. Certains experts parlent d’une “hypervisibilité” jamais vue dans le crime organisé français.
Décapitations, corps calcinés, exécutions filmées : ces méthodes rappellent des pratiques déjà observées dans les mafias sud-américaines.
Au-delà du trafic de stupéfiants, le groupe se lance dans :
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le racket d’établissements nocturnes,
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l’extorsion de rappeurs et commerçants,
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les cambriolages ciblés,
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l’infiltration dans le BTP ou la restauration,
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les tentatives d’influence politique.
Pour un commissaire marseillais cité dans une enquête récente, « la DZ n’est plus un réseau : c’est une économie parallèle ».
L’expansion nationale : Nîmes, Sète, Hyères, Dijon, Clermont-Ferrand…
Depuis 2023, la DZ Mafia ne se contente plus de Marseille. Sa stratégie est désormais d’exporter son modèle dans toute la France.
Nîmes : le laboratoire
La ville est le premier territoire de conquête significatif hors PACA.
La DZ y sème une série de fusillades meurtrières dès l’été 2023, notamment celle qui coûte la vie au jeune Fayed, 10 ans.
En 2025, la situation s’enlise dans une guerre à trois factions, avec une escalade d’une brutalité exceptionnelle.
Clermont-Ferrand : deuxième front
Dès 2025, le Sirasco observe une implantation progressive dans plusieurs quartiers, accompagnée de tirs, d’attaques à la grenade et d’une mise en scène particulièrement macabre : un adolescent retrouvé calciné, un couteau planté dans la tempe.
Dijon, Sète, Avignon, Valence, Toulouse, Rennes
Les services spécialisés attribuent à la DZ un rôle croissant dans la prise de contrôle ou la tentative de prise de contrôle de points de deal structurants.
Une organisation qui défie l’État
L’année 2025 marque un nouveau cap : des attaques coordonnées contre des prisons françaises et la tentative avortée d’assassinat d’un directeur adjoint de détention.
Le groupuscule “DDPF”, attribué à des membres ou sympathisants de la DZ Mafia, est soupçonné d’avoir orchestré ces opérations.
Plusieurs suspects, dont des mineurs, sont arrêtés fin avril.
Dans le même temps, un gendarme aixois est grièvement blessé dans une attaque revendiquée par des agresseurs se revendiquant de la DZ.
Pour plusieurs magistrats, cette séquence marque un changement d’échelle : « La DZ Mafia se comporte comme une organisation cherchant à contester directement l’autorité de l’État. »
La DZ Mafia bénéficie aujourd’hui :
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d’un recrutement abondant,
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d’une capacité à se reconstituer malgré les arrestations,
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de liens internationaux (Belgique, Maroc, Italie),
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et d’une logique d’expansion fondée sur la violence éclair.
Certains enquêteurs redoutent qu’elle ne devienne, selon leur expression, « le premier cartel français ».
Un phénomène qui ne se limite plus à Marseille
La progression de la DZ répond à un contexte national : explosion de la production de cocaïne en Europe, baisse des prix, ubérisation du crime, porosité entre territoires criminels.
Comme le rappelle un spécialiste interrogé dans une enquête judiciaire : « Ce qui se passe à Marseille ne restera pas à Marseille. »
L’enjeu dépasse donc la seule lutte antidrogue : il s’agit désormais d’empêcher qu’un groupe criminel structuré ne s’implante durablement dans le paysage français, avec des ramifications économiques et politiques. Encore faut-il se donner les moyens de le faire, en mettant hors d’état de nuire ces individus comme sont éliminés les terroristes.
13:53 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) |
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