samedi, 27 décembre 2025
Ce que cache le harcèlement judiciaire contre le révisionniste Vincent Reynouard
Jérôme Viguès Riposte laïque cliquez ici
Depuis plusieurs années, un glissement discret mais profond s’opère dans le rapport entre la justice et la dissidence intellectuelle. Officiellement, rien n’a changé : la justice continue d’affirmer qu’elle ne juge que des faits, jamais des opinions. Dans les textes, le principe demeure intangible. Dans la pratique, pourtant, de plus en plus d’affaires montrent que la frontière entre l’acte et l’idée s’est considérablement brouillée.
Le cas Vincent Reynouard s’inscrit pleinement dans ce mouvement. Il ne s’agit pas ici de discuter la validité ou la fausseté de ses thèses, ni d’entrer dans un débat historique ou moral, mais d’observer la logique juridique à l’œuvre : ce qui est désormais poursuivi, ce n’est plus un comportement matériel classique, mais la persistance d’un discours jugé incompatible avec l’ordre symbolique établi. La justice ne se contente plus de sanctionner une infraction ponctuelle ; elle s’inscrit dans une logique de neutralisation durable d’un individu au motif que ses idées, répétées, structurées, cohérentes, constituent en elles-mêmes une menace. Ce basculement est fondamental. Il marque le passage d’une justice de l’acte à une justice de l’intention, puis à une justice de l’opinion stabilisée.
Reynouard n’est pas poursuivi pour avoir commis un acte de violence, pour avoir organisé un réseau criminel ou pour avoir porté atteinte physiquement à quiconque, mais pour avoir maintenu, contre vents et marées, un corpus idéologique interdit. La justice considère alors que la constance même de ce discours devient un acte en soi. C’est précisément ce raisonnement qui mérite d’être interrogé, non pour défendre l’homme ou ses thèses, mais pour comprendre le précédent qu’il crée. Car une fois que l’on accepte que la répétition d’une opinion constitue un délit autonome, indépendamment de toute action matérielle, on ouvre un champ d’application potentiellement infini. Aujourd’hui, ce raisonnement s’applique à un négationniste unanimement rejeté dans l’espace public. Demain, rien n’interdit qu’il s’étende à d’autres formes de dissidence idéologique, dès lors qu’elles seront qualifiées de dangereuses pour la cohésion sociale, l’ordre public ou la stabilité démocratique. Ce qui rend ce type de dossier particulièrement structurant, ce n’est pas tant la personnalité de l’individu concerné que la manière dont le droit justifie, encadre et légitime l’intervention judiciaire.
Depuis plusieurs décennies, le droit européen a progressivement déplacé le centre de gravité de la liberté d’expression. On ne se contente plus de vérifier si un propos appelle explicitement à la violence ou à un passage à l’acte, on évalue désormais son potentiel de nuisance abstraite, sa capacité supposée à altérer la cohésion sociale, à nourrir des haines latentes ou à fragiliser un consensus historique, moral ou politique. La parole n’est plus considérée comme une simple opinion exprimée dans l’espace public, mais comme un fait social produisant des effets diffus, différés, parfois impossibles à mesurer concrètement mais néanmoins présumés réels. C’est sur ce terrain que la justice s’autorise à intervenir non pas après un dommage clairement identifié, mais en amont, au nom de la prévention. Ce raisonnement est juridiquement cohérent dans son architecture interne, mais politiquement lourd de conséquences. Car il transforme la justice en arbitre du dicible légitime, chargé de déterminer non seulement ce qui est faux ou vrai au regard de la loi, mais aussi ce qui est acceptable, tolérable ou dangereux pour la collectivité.
La répétition d’un discours interdit devient alors une circonstance aggravante, non parce qu’elle entraîne un préjudice mesurable, mais parce qu’elle manifeste une obstination idéologique interprétée comme une volonté de nuire. La constance d’une pensée est assimilée à une intention délictueuse. La sanction ne vise plus à corriger un comportement ponctuel, mais à briser une persévérance intellectuelle. À partir du moment où ce cadre est admis, une dynamique d’extension devient presque mécanique. Les dispositifs d’exception ne restent jamais confinés à leur cible initiale. Ils s’élargissent, se déplacent. Le traitement judiciaire réservé aujourd’hui à un négationniste unanimement disqualifié fonctionne comme un laboratoire, précisément parce qu’il ne suscite ni empathie ni solidarité transversale. Une société qui accepte que la justice sanctionne un individu non pour ce qu’il fait mais pour ce qu’il persiste à penser crée un précédent qui dépasse largement le cas initial. L’islamophobe pourra être poursuivi pour avoir entretenu un climat de rejet, le climato-sceptique pour avoir diffusé une vision du monde jugée contraire à l’intérêt général. La justice ne dira jamais qu’elle punit une opinion, mais qu’elle sanctionne un discours aux effets indirects, cumulatifs et systémiques.
Ce glissement se fait sans brutalité apparente, sans censure explicite, par accumulation de décisions présentées comme raisonnables, proportionnées et nécessaires. La dissidence reste tolérée tant qu’elle est marginale, fluctuante ou superficielle. Ce qui est visé, c’est la dissidence persistante, assumée, structurée, celle qui refuse l’autocensure. Les médias accompagnent ce mouvement en réduisant certains individus à des étiquettes qui dispensent d’examiner le fond. Le jugement précède l’analyse. La décision judiciaire devient la formalisation d’un consensus moral déjà acquis. La société accepte alors que la justice tranche à sa place sur ce qui peut être soutenu durablement dans l’espace public. Le recours au juge devient une solution de confort pour éviter le débat et la confrontation intellectuelle. On ne réfute plus, on neutralise. Une démocratie solide se reconnaît moins à sa capacité à faire taire ses marginaux qu’à sa faculté à supporter des discours qu’elle juge erronés sans se dissoudre pour autant. Lorsque la justice commence à sanctionner la cohérence idéologique plus que le passage à l’acte, elle cesse d’être le juge des actes pour devenir le gardien des consciences.
Sur le sujet, lire aussi l'article de Balbino Katz publié sur Breizh Info cliquez là
10:58 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) |
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