vendredi, 26 novembre 2010
2011 : L'année HERGE...
par Francis Bergeron
Article publié dans le n°20
de Synthèse nationale.
C'est en 2011 que devrait sortir le filmde Steven Spielberg tiré de l'œuvre d'Hergé. Le scénario serait élaboré à partir des albums Le Crabe aux pinces d'or, Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham Le Rouge.
Rien d'étonnant à cela, car ces albums font partie des chefs d'œuvre de la série des albums Tintin.
L'intérêt de Spielberg pour l'œuvre d'Hergé est plus surprenante, dans la mesure où Spielberg ne passe pas pour un anticonformiste à tous crins, (sioniste impénitent, ami du financier-escroc Madoff, le Rastapopoulos des temps modernes, et du calamiteux Obama) et où Hergé, au contraire, a longtemps été considéré comme infréquentable par les porte-paroles du politiquement correct.
Nous connaissons les motifs de cet ostracisme, qui fut le calvaire d'Hergé, de 1944 à sa mort, en 1983, et qui perdura d'ailleurs jusqu'à la chute du Mur de Berlin. Il était reproché à Hergé (en vrac) son anticommunisme (Tintin au pays des Soviets), son apologie du colonialisme (Tintin au Congo), sa critique de la maçonnerie (Les Cigares du pharaon), de l'esclavagisme pratiqué encore au XXe siècle par les Arabes (Coke en stock), son amitié avec Degrelle, sa proximité avec la droite catholique (Le quotidien Le Vingtième Siècle, de l'abbé maurrassien Norbert Wallez), sa collaboration au quotidien Le Soir, pendant l'occupation de la Belgique etc. N'en jetez plus, la coupe est pleine! Un autre qu'Hergé n'y aurait pas survécu!
En fait le projet d'une version Spielberg des albums d'Hergé est un projet très ancien. Il avait déjà été étudié du vivant d'Hergé qui voyait dans le Spielberg de Retour vers le futur un cinéaste capable enfin de faire passer le souffle tintinesque sur grand écran, après les semi-réussites (ou semi-échecs) de Tintin et la Toison d'or et de Tintin et les Oranges bleues, dans les années soixante.
Spielberg a découvert Tintin un peu par hasard. Il a tout de suite considéré que: « tous les aspects du grand talent d’Hergé font partie de [son] approche cinématographique, l’humour, bien sûr, et le langage corporel, qui est très important. »
Ce projet avait été lancé puis abandonné, il y a une vingtaine d'années. Dans le domaine du cinéma, on dit qu'un projet abandonné ne renait jamais de ses cendres. Et ce film avait tout du serpent de mer. Cette fois, il semble que le dicton soit battu en brèche. Le tournage est très avancé, et Spielberg martèle: « Je ne trahirai pas l’esprit de Tintin ».
La sortie de ce film, l'an prochain va donner à l'œuvre d'Hergé une dimension qu'elle n'avait encore jamais atteinte : planétaire, sans doute. La diffusion des albums et des dessins animés avait certes largement dépassé la sphère franco-belge, depuis la fin des années cinquante. Mais Hergé n'avait pas encore acquis le statut d'artiste universel. Ce sera donc très vraisemblablement chose faite en 2011.
Comme pour l'écrivain Céline, il est remarquable de constater que cette reconnaissance d'un talent hors du commun, cette intégration au patrimoine culturel de l'humanité, au même rang, oui réellement au même rang qu'un Bach, un Cézanne ou un Rodin, s'est faite progressivement, de son vivant comme après sa mort, sans orchestration financière, sans lobbyistes, sans influences ou réseaux occultes, et même contre certains lobbyistes, certaines influences occultes.
Qu'est-ce qui donne à l'œuvre d'Hergé un caractère aussi exceptionnel, alors qu'il se publie chaque année, rien qu'en France, peut-être deux mille bandes dessinées nouvelles? C'est que, jusqu’à Tintin, les bandes dessinées s’adressaient aux enfants, et uniquement sur un mode comique. Elles ne faisaient pratiquement jamais allusion à la politique, à l’actualité, aux faits divers contemporains. Jusqu’à Tintin, aucune histoire dessinée n’avait donné lieu à un vrai scénario. Jusqu’à Tintin, aucune BD ne pouvait se lire « comme un roman ». Jusqu’à Tintin, aucun adulte ne pouvait trouver un intérêt soutenu et renouvelé à ce genre de lecture.
L’autre immense talent d’Hergé réside dans le découpage des dessins et des planches, la page prise dans son entier, et pas de simples bandes de papier, avec des cases dessinées l'une derrière l'autre. La forme de roman donnée à l’histoire, le grand nombre de pages (62 pages, et parfois une histoire qui se poursuit sur deux albums), permettent de jouer avec la perspective, les formats.
2011 sera l'année Hergé. C'est une bonne chose aussi pour les valeurs que véhicule cette série. des valeurs d'enracinement... universellement partagées, en fait.
En préparation : Hergé, par Francis Bergeron, Collection Qui suis-je ?, Editions Pardès, parution prévue en 2011. On en reparlera...
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