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lundi, 21 février 2011

ERNST VON SALOMON, MEMORIALISTE DE LA REVOLUTION CONSERVATRICE ALLEMANDE…

evs-1933.jpgPar Francis Bergeron

 

Article publié dans le dossier consacré à la Révolution conservatrice allemande du numéro 21 (janvier février 2011) de la revue Synthèse nationale.

 

Assez récemment, les éditions Bartillat ont eu l’excellente idée de rééditer Ernst von Salomon, auteur culte, certes, mais seulement pour un petit nombre d’adeptes. Et ses livres majeurs n’étaient plus disponibles depuis plusieurs années. Jean Mabire notait, dans son Que lire ? de 1996, pour le regretter,  que « la mort d’Ernst von Salomon, en 1972 n’avait « pas fait grand bruit, et, aujourd’hui, on parle fort peu de cet écrivain singulier ».

 

Et bien parlons-en, précisément dans ce numéro de Synthèse nationale, car l’auteur des Réprouvés est certainement, avec Ernst Jünger, l’écrivain qui a le mieux raconté la révolution conservatrice allemande. Car il en a été aussi un acteur majeur.

 

La famille von Salomon descendait semble-t-il de protestants français ayant émigré au moment des guerres de religion. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes que  de constater que cet ancien cadet se voulait l’héritier des chevaliers teutoniques. Quant à son nationalisme, il est avant tout prussien.

 

Né en 1902 à Kiel, le grand port de guerre allemand, von Salomon s’engage dans une école militaire, - ces fameux cadets -, alors même que la guerre vient de s’achever sur l’humiliation de la défaite de 1918, et que le pays sombre dans la révolution et la guerre civile. Il participe aux aventures politico-militaires des corps francs, reçoit le baptême du feu à Berlin et combat les spartakistes (bolcheviques). Il est de tous les complots : depuis le putsch de Kapp (1920) jusqu’à l’assassinat du ministre Rathenau (1922). « Nous voulions liquider tout ce qu’il y avait en Allemagne comme politiciens favorables à la politique « réaliste », avouera-t-il, peu avant sa mort, en 1972, dans un long entretien télévisé. Nous voulions les tuer les uns après les autres, jusqu’à ce que le peuple se réveille ».

 

A la suite de ce dernier attentat, Von Salomon est arrêté, et condamné à cinq années de forteresse, et c’est en prison qu’il va écrire Les Réprouvés, publié en Allemagne en 1930, et en France l’année suivante. C’est un livre militant, ardent, qui traduit une pensée aristocratique, médiévale. Von Salomon n’est pas un doctrinaire, et pour lui, l’action et la volonté se justifient en soi. « La patrie brûlait sourdement dans quelques cerveaux hardis ». Cette phrase, on la trouve dans Les Réprouvés. Elle fut reprise bien des fois, aussi bien par les jeunes fascistes français d’avant-guerre et de l’Occupation, que par de jeunes résistants, ou encore par les activistes de l’OAS. Et von Salomon devint le maître à vivre (plus que le maître à penser) de beaucoup d’intellectuels qui se rêvaient hommes d’action. A commencer par Drieu la Rochelle.

 

Une grande partie du récit des Réprouvés est consacrée à la préparation du meurtre de Rathenau. Et comme le note Jean Mabire, le livre semble prôner « l’action pour l’action, dans une optique de violence et de pureté qui se soucie peu des préoccupations doctrinales ».

 

A peine libéré, von Salomon se rue à nouveau dans l’action. Il est une nouvelle fois condamné à trois ans de prison, après une violente bagarre. Libéré, il se lie avec Ernst Jünger et les cercles politico-littéraires de la révolution conservatrice. Mais ils entend rester d’abord un activiste, et le voici compromis dans la révolte armée des paysans du Schleswig-Holstein contre le pouvoir central. Von Salomon dirige leur journal, et on le soupçonne d’avoir participé à une série d’attentats à la bombe. A cette époque (1929), rappelle le journaliste Jean-Pierre Bonicco, qui a postfacé la réédition des Cadets, les quatre fils von Salomon sont tous en prison en raison de leurs engagements extrémistes, parfois opposés, d’ailleurs.

 

Le roman La Ville parait en 1932 (en 1933 en France). C’est le portrait d’un agitateur vagabondant dans le radicalisme absolu, c’est encore une sorte d’autobiographie, autour de ses engagements « paysans ».

 

Puis sont publiés Les Cadets (1933), dont la traduction française ne paraitra, pour la première fois, que vingt années plus tard, récit à la première personne de son intégration à l’école des Cadets royaux, texte essentiel : « C’est ici que tout a commencé. Ici s’est forgée sa formidable capacité de résister aux pouvoirs établis… Ici, il a découvert ses affinités électives avec le prussianisme considéré non pas comme un système, un ordre substitué à d’autres, mais bien comme « le système, l’ordre sans appel possible » (François Nourissier, La Nouvelle NRF, mai 1953).

 

Curieusement l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler, le 30 janvier 1933, ne remplit pas von Salomon de joie. C’est pourtant bien l’écrasement du Rote Front et l’avènement d’un régime à la fois socialiste et nationaliste, que l’on pourrait penser assez proche des idéaux de la révolution conservatrice. Mais von Salomon a commencé à perdre sa fibre militante. Peut-être après la nuit des longs couteaux, où furent assassinés tant de ses anciens camarades des Freikorps. Ou parce que sa compagne était d’origine juive. Ou plus simplement parce que, pour lui, comme pour tous les vrais révolutionnaires de droite, « c’est dans l’échec seul que la liberté vit », selon la formule du polémiste Philippe Murray.  J’aurais tendance à privilégier cette dernière hypothèse.

 

Pendant l’Occupation, il voyage, en France, notamment, mais ne participe pas au culte national-socialiste, pas plus qu’au complot contre Hitler. Néanmoins il est interné par les Américains, en 1945, qui l’ont classé big nazi. Cet internement de dix-huit mois (son quatrième emprisonnement, en fait) va être l’occasion, une fois de plus, pour lui, d’écrire un nouveau chef d’œuvre : Le Questionnaire. Dans cet énorme livre (800 pages dans la version allemande, 650 pages dans la traduction française de Gallimard), von Salomon subvertit le « questionnaire de dénazification » en 131 questions qui lui a été soumis, et le transforme en un formidable pamphlet consacré aux cinquante dernières années de l’histoire de l’Allemagne. Le livre est un grand succès, de part et d’autre de la frontière (publié en 1951 en Allemagne, et en 1953 en France).

 

Mort en 1972, von Salomon n’a pas connu la chute du mur de Berlin, la fin du communisme, la réunification de l’Allemagne. Ses dernières années, il les avait passées, tranquillement, dans une maison au toit de chaume près de Hambourg. François Brigneau et Dominique Venner le rencontrèrent l’un et l’autre peu avant sa mort. Ils avaient cherché en vain dans « ce visage replet » les traits du jeune aventurier terroriste qu’il avait été. Mais c’est dans ses livres qu’ils sont gravés, et à jamais.

 

Les Réprouvés, La Ville, Les Cadets et Le Questionnaire constituent donc l’essentiel de l’œuvre de von Salomon. Commencez par Les Cadets (1), puis reprenez l’ordre chronologique de parution. Vous reconstituerez alors l’autobiographie de notre aventurier, une autobiographie transcendée par ce sens de la rébellion absolue qui fascina tant un Drieu la Rochelle ou un Roger Stéphane.

 

Note

1 - Les Cadets, par Ernst von Salomon, postface de Jean-Pierre Bonicco, Bartillat, 2008.

 

 

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de Synthèse nationale.

Un dossier complêt consacré à l'histoire de la Révolution conservatrice allemande réalisé par David Veysseyre : cliquez ici

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