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vendredi, 29 avril 2011

Blasphème anti-bourgeois...

3674074008.jpgPar Hervé Ryssen

Chronique publiée

dans Rivarol d'aujourd'hui.

 

Le musée d’art contemporain d’Avignon a organisé en ce printemps 2011 une exposition sur le thème «Je crois aux miracles», présentant des œuvres de la collection d’Yvon Lambert. L’exposition est financée pour partie par la mairie UMP (libérale) et le conseil régional (socialiste), avec le soutien du groupe LVMH de Bernard Arnault (Dior, Guerlain, Givenchy, Moët, etc.), grand ami du président Sarkozy. Parmi les œuvres exposées dans l’ancienne cité des Papes se trouve une photo en grand format d’un artiste afro-cubano-honduro-new-yorkais nommé Andres Serrano représentant le Christ sur la croix baignant dans du sang et de l’urine (“Piss Christ”).


Une fois de plus, les catholiques se sont sentis “blessés”, “indignés”, étaient “scandalisés”. L’institut Civitas, proche de la Fraternité Saint Pie X, a réagi en appelant à manifester dans les rues d’Avignon et, le samedi 16 avril, plus d’un millier de personnes ont exprimé leur indignation. Ils espéraient ainsi que les francs-maques de la région qui avaient organisé cette provocation retireraient la photo blasphématoire. Finalement, le dimanche 17 avril au matin, deux militants venus d’on ne sait où sont passés à l’action et ont détruit cette œuvre de pissotière à coups de marteau : problème réglé !

 

COMME DEUX RONDS DE FLAN

 

Les auteurs de cette action ont cependant été assez mal récompensés par ceux en qui ils pouvaient espérer les soutiens les plus fermes. De fait, aucun des principaux responsables de la droite catholique ne les a approuvés. Alors même que, la veille, tous trépignaient de rage, pas un ne s’est levé pour applaudir les deux héros du moment et les féliciter pour leur courage et leur détermination. C’est comme s’ils étaient tous restés interloqués, voire sidérés, par la simplicité avec laquelle deux jeunes de vingt ans avaient résolu un problème qu’ils ne pensaient pas pouvoir résoudre. Du côté des organisations catholiques proches de la Tradition, les réactions à ces coups de marteau libérateurs sont effectivement inexistantes. Tout le monde garde le silence, et l’on ne sait pas trop si l’on intériorise sa joie ou si l’on cache sa consternation.


L’Institut Civitas, qui avait organisé la manifestation d’Avignon, se tient prudemment en retrait. Alain Escada, son président, s’est ainsi exprimé le lendemain du “drame” : «L’Institut Civitas a toujours agi dans le cadre de la stricte légalité et entend bien continuer à agir de la sorte… L’Institut Civitas n’a donc aucun lien avec le fait divers qui s’est déroulé dimanche matin… L’Institut Civitas n’a ni à cautionner ni à condamner ce qui s’est passé dimanche matin à Avignon.» Heureusement qu’il ne s’agit pas d’un crime, sans quoi les deux coupables auraient probablement été dénoncés. Il est vrai qu’Alain Escada ajoute tout de même timidement : «Ce fait divers reflète une exaspération compréhensible.»


Bernard Antony, le président de Chrétienté Solidarité, avait décidé de porter l’affaire «Piss Christ» en justice. Mal lui en prit : le mercredi 20 avril, son association (l’Agrif) était condamnée par le Tribunal d’Avignon à payer 8 000 euros de dommages et de frais de justice pour le préjudice moral subi par les responsables de l’exposition. En somme, le plaignant a été condamné pour s’être plaint ! En ce qui nous concerne, il y a belle lurette que nous n’avons plus aucune confiance dans la justice de la République.


Le lundi 25 avril, sur Radio Courtoisie, Henry de Lesquen avait invité trois des plus importantes personnalités de la mouvance catholique traditionaliste pour débattre de ce sujet : Daniel Hamiche, Jean-Pierre Maugendre et l’abbé de Tanoüarn. Là encore, aucun de ces trois protagonistes n’a manifesté une quelconque satisfaction à la destruction de l’objet blasphématoire.

 

L’INDIGNATION ENCORE ET TOUJOURS

 

A en juger par les réactions des catholiques que l’on peut lire ici et là sur Internet, il semblerait qu’ils réprouvent l’action qui a eu lieu, plus qu’ils ne l’approuvent. Sur e-deo.info, un site de la mouvance catholique et nationale, on se satisfait de ce qui s’est passé : «Les catholiques se réveillent et c’est tant mieux ! Après les extrémistes homosexuels, les pseudo-artistes contemporains vont peut-être enfin comprendre qu’on ne s’attaque pas impunément au Christ et aux catholiques.» Mais la plupart des commentaires sont hostiles : «Sommes-nous obligés de passer dans le camp des voyous? La violence est-elle une bonne solution ?» En voici un autre : «En agissant comme des sauvages (oui oui, c’est le bon terme) le martyr dans l’histoire sera l’Artiste.» Et encore : «La violence n’est jamais la solution. Jamais. En aucun cas. Pour rien ni personne. Qu’on soit religieux ou pas. Je suis atterré.» Et voici le pompon : «“Tendez l’autre joue” disait la Bible, certains devraient aussi réviser leur livre de chevet!» Heureusement, il y a tout de même cette “Nathalie”, qui sauve l’honneur : «La Sainte colère, l’indignation n’est pas condamnable ni condamnée, Jésus lui-même avec un fouet a chassé les marchands du temple. Deo Gratias, cette ignominie a été détruite, remercions le ou les auteurs de cet acte salutaire et prions pour l’auteur de l’ignominie.»


Sur le site du Salon beige, un autre site de la mouvance catho-tradi, on peut lire «l’excellente synthèse de Christine Sourgins, en tous points remarquable». On y trouve ces considérations : «Les naïfs qui se sont attaqués à la photo ont été les jouets du système sans le savoir… Cet acte violent va être récupéré par le Politiquement correct pour diaboliser tous les chrétiens blessés par Serrano. Et tout futur protestataire sera suspect d’intégrisme… Les manieurs de marteaux auraient mieux fait de manier un argument que le Politiquement correct peut encore entendre : celui de la discrimination.»


On lit encore que, dans cette action, «la violence le dispute à l’odieux» et que ses auteurs sont des “imbéciles”. Il faut croire que ces catholiques, décidément, sont dans l’indignation perpétuelle. L’administrateur du site en appelle même à la justice pour régler le cas des coupables, qui sont sans doute des agents provocateurs payés par la franc-maçonnerie : «C’est pour ne pas en ajouter, surtout en ce jour Saint, que je ne mettrai pas en ligne les commentaires qui joueront le jeu de la division et de la prise à partie de ceux qui croient aux accusations publiques avant que la justice ne fasse son travail.» En clair et en français: si vous avez un cadavre à planquer, ce n’est pas à lui qu’il faut faire appel!

 

LE VANDALISME LIBÉRATEUR

 

Notre propre réaction au martelage artistique de la semaine dernière a été d’une tout autre nature. Voici le commentaire que nous avons publié sur notre blog au lendemain des faits. Nous l’avions titré : «Expo “Piss Christ” : le vandalisme libérateur était la seule solution.» Et nous écrivions, de manière toute naturelle : «Nous nous réjouissons sans réserve de cette action vengeresse, et offrons de bon cœur 300 euros à l’auteur des coups de marteau, qui saura bien où nous trouver. Si d’autres personnes veulent s’associer à nous pour récompenser ces valeureux militants, vous pouvez nous contacter à : herveryssen@hotmail.fr ou nous écrire à notre adresse de Levallois.» Le lendemain, nous informions nos lecteurs que «contact avait été pris» (Hervé Lalin, 14, rue Pierre-Brossolette, 92300 Levallois).


Nous pensions être catholique, malgré tout, et nous mesurons maintenant, non sans quelque interrogation, le précipice qui nous sépare de la religion actuelle. Les derniers propos de Benoît XVI (en date du 24 avril 2011) nous invitent aussi à réfléchir sur notre engagement de ce côté-ci (voir l'éditorial de Jérôme Bourbon de cette semaine - NDLR).


Toutes ces mièvreries, auxquelles nous ne prêtions pas vraiment attention jusqu’à présent, commencent à nous picorer méchamment le système nerveux. Jean-Pierre Maugendre, le président de Renaissance catholique, avait en fait sans doute raison de ne plus nous inviter à la fête annuelle du livre organisée par son association.

 

LE RENOUVEAU FRANÇAIS

 

Il est vrai qu’il existe parmi les catholiques de la Tradition un petit noyau de militants offensifs. Les jeunes nationalistes du Renouveau français (<contre-info.com>) ont ainsi soutenu les deux valeureux techniciens du marteau : «Le Renouveau français félicite les personnes qui ont mis un terme à l’ignoble exposition d’une photo blasphématoire à Avignon. Il est en effet temps que les catholiques et les Français conscients relèvent la tête et ne tolèrent plus les insultes les plus graves à l’encontre du catholicisme et de notre identité. Nous n’acceptons plus d’être traités ainsi, chez nous. N’en déplaise aux bobos tenants de l’art le plus débile et aux loges maçonniques, notre pays est et restera une terre chrétienne.» Et dans les commentaires postés sur internet, tout le monde se félicite à qui mieux-mieux. Mais les nationalistes du RF semblent isolés au sein de leur mouvance.

 

AUX MARGES DE L’EGLISE

 

Il faut ensuite aller chercher beaucoup plus loin pour trouver une personnalité qui a applaudi des deux mains à la destruction de “l’œuvre” d’Andres Serrano. Sur RTL, l’écrivain catholique démocrate Denis Tillinac a ainsi réclamé la Légion d’Honneur pour ceux qui ont «courageusement détruit l’œuvre blasphématoire». D’autres réactions positives viennent encore de quelques personnalités qui ne sont pas connues pour leur engagement dans l’Église. Dans le numéro de Rivarol de la semaine dernière, Robert Spieler a ainsi évoqué une «opération salutaire» et «un courageux “commando” de jeunes catholiques».


Dans son émission du lundi 25 avril, Henry de Lesquen, le patron de Radio Courtoisie, a commencé par pilonner l’adversaire avec des tirs de katioucha : «J’aurais voulu que ce fût un bain d’acide pour Serrano». Et de vilipender la journaliste Elisabeth Lévy : “L’abominable” qui condamne les “abrutis” qui s’en sont pris à l’objet blasphématoire. «Qu’aurait dit Elisabeth Lévy si Serrano s’était fait photographier en train de pisser sur le mur des Lamentations ?» s’interroge Henry de Lesquen. «On nous traite comme des dhimmis, comme des Goyim.» Mais Henry de Lesquen, ni aucun de ses invités, n’ont décerné de satisfecit aux deux militants qui ont réglé le problème à coups de hache de combat.


Enfin, et surtout, Jean-Marie Le Pen, en réponse à un journaliste qui l’interrogeait, a déclaré à deux reprises que l’action de ces deux jeunes gens était “légitime”. Que n’a-t-il été suivi ?

 

LES SOUFFRE-DOULEUR

 

Cette affaire aura surtout été l’occasion de révéler l’état d’esprit dominant dans les milieux de la droite catholique : on y est enclin à l’indignation, on se scandalise des provocations de ses ennemis, mais on s’avère encore et toujours incapable de montrer les dents et de rendre les coups. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les juifs, les francs-maçons et, dans une moindre mesure, les musulmans, s’en donnent à cœur joie et se défoulent sur un souffre-douleur aussi passif et geignard: c’est l’attitude naturelle de n’importe quel gosse dans une cour d’école. Les musulmans qui savent se faire respecter en réagissant violemment aux attaques, ne subissent pas tous les outrages que supportent les catholiques. Quant aux juifs, ils ont la justice avec eux, le font savoir, et ont terrorisé tout le monde depuis des lustres, et jusqu’à une époque récente. A travers les films qu’ils réalisent et produisent en série, ils se sont aussi permis d’attaquer l’Église catholique dans un nombre incalculable d’œuvres cinématographiques plus ou moins perverses, sans que les catholiques n’élevassent la moindre protestation (hormis dans deux ou trois cas).

 

L’ESPRIT BOURGEOIS

 

Il nous faut surtout constater que les milieux catholiques, sauf rares et remarquables exceptions, sont extrêmement respectueux de la loi. L’idée de l’enfreindre ou même de l’égratigner, leur est étrangère. Les communistes et autres gauchistes défient régulièrement les lois de la République, n’hésitant pas à loger des immigrés clandestins, à réquisitionner des immeubles vides ou à fracasser les vitrines des banques au cours de leurs manifestations. En 1971, les féministes ont osé publier leur manifeste des 343 “salopes”, affirmant avoir subi un avortement. Les gens de gauche en général exercent une pression continuelle sur les lois de la République, en s’en approchant le plus possible, puis en les franchissant, encore et encore, jusqu’à ce que celles-ci deviennent caduques et que le législateur y mette un terme. Ils ont compris que la loi n’est pas un bloc de granit de 80 tonnes et qu’elle peut reculer si on la transgresse de manière répétée. Les gens de droite, eux, sont littéralement confits dans le respect de la justice, tant et si bien qu’ils restent très en retrait de la limite qu’on leur a assignée, de peur de franchir les bornes de la décence. Ils subissent passivement les pires outrages et assistent sans mot dire à l’écroulement de leur monde, tantôt ulcérés de la méchanceté des hommes, tantôt résignés à subir le martyre. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que l’on en soit là où nous sommes. C’est sans doute cela, finalement, qui caractérise l’esprit bourgeois, davantage que les considérations sur le statut social ou l’attachement aux biens matériels. En voici une définition. Bourgeois: individu pacifique, un peu naïf, qui croit à la justice de son pays et qui pense que tous les problèmes peuvent se résoudre par l’amour du prochain et la concertation. Laisse tomber, il n’y a rien à faire, c’est un bourgeois !

 

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